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La date des législatives annoncée: Du sérieux?

Mar 02, 2012

«Le Président de la CENI organise les élections. Mais ce n’est pas à lui de dire "il y aura des élections demain ou après demain !" C’est l’Etat.», avait déclaré le Ministre Alhassane Condé de l’Administration du Territoire.

«Si nous n’obtenons aucune garantie qu’il y aura des élections libres, transparentes et acceptables par tous, il n’y aura pas d’élections législatives en Guinée», avait réagi Sidya Touré de l’UFR.

Il y a deux semaines, le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation annonçait la tenue des élections législatives en mai. Ce, alors que le dialogue pour la recherche du consensus au sein de la classe politique se poursuivait encore. Alhassane Condé s’est même offert le luxe de narguer : «avec ou sans l’opposition, les législatives auront lieu à la période indiquée. C’est-à-dire au mois de mai. Il n’est pas question pour le gouvernement de rejeter ça encore aux calendes grecques.»

Non sans autorité, M. Condé avance: «le Président de la CENI organise les élections. Mais ce n’est pas à lui de dire "il y aura des élections demain ou après demain !" C’est l’Etat. C’est l’Etat qui, par un décret, donne la date et pas la CENI.»

L’opposition n’a pas tardé à réagir. Sidya Touré de l’UFR rectifie: «en Guinée, ce n’est pas du ressort du Ministre de l’Administration du Territoire de donner une telle date mais, de la CENI de mettre en place un chronogramme qui devrait recenser les différentes étapes du processus électoral pour arriver à une date qui sera proposée au gouvernement.»

Il devait avertir par la suite: «nous n’envisageons pas un boycott. Il faut que ceux qui rêvent de cela, ils l’oublient. Nous allons être présents sur le terrain. Mais si nous n’obtenons aucune garantie qu’il y aura des élections libres, transparentes et acceptables par tous, il n’y aura pas d’élections législatives en Guinée».

72 heures plus tard, le Ministre de l’Administration du Territoire sera sur le plateau de la télévision nationale pour "un rétropédalage". Alhassane Condé va revenir sur sa déclaration antérieure: «le chronogramme, c’est du ressort de la CENI. La CENI, les jours à venir, va nous donner un chronogramme qui va fixer la date réelle des élections».

Parlant justement de cette date, le ministre précise: «le gouvernement ne propose pas. Le gouvernement avait simplement émis le vœu de pouvoir organiser les élections le plus tôt que possible dans les 3 mois à venir. Mais, la date des élections revient à la CENI», devait-il se résoudre à dire.

Des analystes ne tarderont pas à faire un parallèle entre ce "rétropédalage" et l’arrivée de la mission de l’Union Européenne à Conakry dont la délégation a été reçue par le Chef de l’Etat, le bureau du CNT et le Premier ministre en présence de certains ministres concernés par l’organisation des élections.

Le Chef de la mission, Sean Doyle, Chef de la Division Afrique de l'Ouest à l’UE, a déclaré, au terme des différentes rencontres: «Nous avons été très contents de la volonté des autorités guinéennes d’organiser des élections auxquelles prendront part toutes les formations politiques du pays».

Venue dans le cadre de l’évaluation de l’état d’avancement de la transition en cours dans le pays, en rapport avec l’Article 96 de l’Accord de Cotonou, la mission de l’UE a conféré avec la presse pour faire le point des entretiens qu’elle a eus et son appréciation des préparatifs en cours, du côté du gouvernement.

Sean Doyle: «Nous sommes prêts à remobiliser nos efforts après l’organisation des élections législatives. On attend la publication de la date de la tenue des élections législatives par les autorités pour mettre en route les projets de l’UE suspendus pendant trois ans».

Il a souligné qu’ «il ne nous revient pas de donner des leçons quand certaines choses ne marchent pas mais en tant que partenaires, nous avons exprimé [à nos interlocuteurs, ndlr] un souhait fort afin que ces élections réussissent, que ce soit de vraies élections, avec une vraie participation des populations pour qu’elles puissent s’exprimer réellement, honnêtement et pleinement.»

24 heures plus tard, c’est le Président de la CENI qui rencontre la presse pour présenter le chronogramme établi par son institution. Lousény Camara annoncera avec assurance la date du 8 juillet 2012.

On se souvient de la première annoncée avec la même assurance, celle du 29 décembre 2011. A l’époque, face au scepticisme de plus d’un, le Président de la CENI déclarait : «Est-ce que vous vous pensez que nous allons nous amuser à fixer une date comme ça pour le simple plaisir des oreilles?»

Alors, faut-il prendre au sérieux cette autre date?

En attendant, l’opposition a réagi à l’annonce de cette date qu’elle qualifie d’«expression du pouvoir de favoriser une fraude massive.» Faya Millimono martèle: «il n’y aura pas de boycott du côté de l’opposition. Simplement, nous empêcherons qu’il y ait des élections frauduleuses en Guinée.»

Qu’est-ce qui dérange dans cette nouvelle date qui vient d’être fixée?

Pour le porte-parole de l’opposition, «On peut avoir n’importe quelle date. Ça ce n’est pas un problème. Le problème, c’est la cohérence dans l’agencement des choses à faire pour arriver à une date qui permet des élections crédibles.»

Côté mouvance présidentielle, c’est la satisfaction. Elle est exprimée par Alhassane Makanéra Kaké: «cette date est une date réaliste et réalisable. Mon sentiment personnel est un sentiment de satisfaction. Le dialogue politique nous a permis de nous entendre sur l’essentiel en ce sens que nous avons dit que toutes les décisions doivent être consensuelles autant que l’on peut. Dans le cas contraire, de nous appuyer sur les dispositions légales. Je crois que c’est ce dialogue qui a permis de trouver une issue qui nous permet d’aller très rapidement aux élections législatives le 8 [juillet 2012, ndlr]. Et ce qui reste à la mouvance présidentielle aujourd’hui, c’est de renforcer notre présence sur le terrain puisque nous étions déjà-là pour faire en sorte que l’on ait beaucoup plus que 75% des députés pour permettre à notre Président [Alpha Condé du RPG, ndlr]de faire passer les lois au bénéfice du peuple de Guinée.»

Le Secrétaire général du parti présidentiel annonce que ses troupes sont prêtes: «Tout ce que je sais, c’est que nous nous sommes disposés à aller aux élections. La mouvance [présidentielle, ndlr] est prête à aller aux élections. Le problème de date n’était pas une question d’achoppement, parce nous, nous avions donné des échéances. On n’a pas donné de date précise. On a donné une période qui était le 20 mai. La date qui a été donnée hier [jeudi, 1er mars, ndlr] par la CENI l’a été sans consultation. En tout cas nous, nous n’avons pas été consultés.»

Faya Millimono de revenir à la charge: «Cette date a été fixée de façon unilatérale, sans consultation. Je viens d’écouter M. Cissé [Saloum, Secrétaire général du RPG, ndlr] qui a dit que même la mouvance [présidentielle, ndlr] n’a pas été consultée.»

Dans cet esprit, l’orateur met en exergue: «cette décision a été prise de façon unilatérale. Les élections sont organisées, c’est pour les acteurs politiques qui vont présenter les candidats» avant de rappeler: «le Président de la République, quand il a reçu les leaders politiques le 15 novembre [2011, ndlr] il a fait son mea culpa. Il a dit "désormais nous allons procéder à des consultations pour prendre des décisions importantes". Et parlant du chronogramme, il a dit "ça se fera de façon consensuel". Mais hier comme tout le monde, nous avons reçu à la figure une gifle disant "bon les élections, elles vont avoir lieu le 8 juillet". C’est la même manière que l’on a entendu la date du 29 décembre 2011.»

Ce qui ne serait pas sans conséquence d’après M. Millimono: «la conséquence de cela, c’est que ce sont des milliards de francs guinéens du contribuables qui vont encore être jetés à l’eau pour venir dire un jour "on ne peut pas tenir la date" »

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