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Eric Thiam: «J’ai un sens élevé de l’éthique et de la dignité pour assumer les propos que je profère»

Aug 13, 2012
Eric Thiam: «J’ai un sens élevé de l’éthique et de la dignité pour assumer les p

Après sa révocation du poste de Secrétaire général de la Cour suprême par un décret du Président de la République, Mohamed Aly Thiam dit Eric n’avait pas voulu s’exprimer dans les colonnes de la presse écrite notamment. Ce, malgré les nombreuses sollicitations dont il a été l’objet.

Finalement, l’homme a bien voulu se prêter aux questions d’AfricaLog au regard de certaines réalités marquées par des accusations qui persistent et qui vont s’amplifiant mais aussi grâce à l’opiniâtreté de notre rédaction. Lisez l’entretien:

AfricaLog: Des rumeurs selon lesquelles vous seriez l’objet d’une campagne de lynchage de la part de certains de vos collègues courent dans les couloirs du Palais du Peuple, siège du Conseil National de la Transition dont vous êtes membre. Qu’en est-il?

Mohamed Aly Thiam (Eric): En effet, comme vous le soulignez, je constate que depuis quelques temps je suis l’objet d’une odieuse campagne de lynchage systématique, sataniquement organisée contre ma personne par quelques membres de cette assemblée qui, au moyen de délation sordide, répandent sur moi des rumeurs bassement mensongères. Lorsque cette malveillance a commencé, en octobre dernier, je m’en suis ouvert à plusieurs personnalités. Alors que tout le monde reconnaissait le caractère calomniateur de la délation, il m’a été conseillé de me taire et de rester tranquille, parce que la vérité finirait par triompher.

Mais en attendant, le mensonge a été dévastateur ; puisqu’en tout état de cause, votre récent limogeage de la Cour suprême par le Président de la République ne l’a pas été "pour une faute commise dans vos fonctions" de membre de cette institution, mais pour des propos ou prises de positions tenus au sein du CNT. Est-ce bien cela?

A mon avis, oui ! Je me serais senti très confortable avec de telles rumeurs ou imputations, si les propos que me prêtaient ces délateurs avaient quelques rapports avec mes propres opinions, que j’exprime dans les délibérations du CNT en toute clarté et avec la solennité ou la publicité attachée aux fonctions que j’exerce au sein du CNT. Tout le monde, dans cette enceinte [le CNT, NDLR] sait que ma langue se délie avec l’audace, la sérénité et l’intelligibilité que m’accorde la liberté de parole reconnue par la Constitution guinéenne à tout citoyen et, bien mieux, celle qu’elle garantie à toute personne investie de la fonction parlementaire.

Vous voulez dire que les paroles que l’on vous reproche, vous ne les assumez pas?

J’ai un sens élevé de l’éthique et de la dignité pour assumer les propos que je profère ou les actes que je pose ou accomplis. Je précise que je me suis gardé, par choix personnel et en raison de mes attaches professionnelles, de ne m’exprimer dans nos délibérations que sur les seules questions de droit, sans prise de position sur les questions non essentielles de politique partisane. J’ai observé cette constance comme une valeur cardinale de mon ipséité. Je me suis toujours, sans équivoque et sans restriction mentale, en militant fervent des droits de l’homme et de l’isonomie, opposé à tout ce qui pourrait constituer une violation de la Constitution ou des lois. Je continuerai cette action dans le CNT et dans tout autre organe auquel j’appartiendrai dans le futur, pour la raison majeure que je crois en la primauté de la loi sur toute chose, y compris sur le consensus, car celui-ci ne peut exister en dehors de celle-là.

Vous devez donc être très critique.

Je crois en l’Etat, en l’unicité de l’Etat. Je crois qu’il n’y d’Etat que si son socle, constitué par la primauté de la loi, le respect des droits de l’homme, l’isonomie et la démocratie, est à l’abri d’assauts déstabilisateurs. J’ai souvent entendu affirmer ici que ce sont ‘’les lois qui sont faites pour les hommes et non pas les hommes pour les lois’’. Je dis que cela est faux. L’homme est la seule créature faite pour la loi, afin que la force ne soit jamais le moyen de gouvernance des relations humaines. Dès l’origine, l’homme a reçu les Commandements de Dieu et le Créateur lui a révélé et inspiré les lois qui doivent régir son commerce avec ses semblables et assurer l’équilibre de sa société.

Que vous impute-t-on?

J’ai ouï-dire que j’aurais œuvré pour la limitation d’âge en ce qui concerne la candidature à la Présidence de la République d’une manière très orientée, lorsque nous adoptions la Constitution [en 2010, NDLR]. Or, comme rapporteur de la Commission Constitutionnelle, cette question ne figurait pas dans le rapport que j’ai présenté en séance plénière. La loi fondamentale comportait une disposition limitant l’âge. Cette disposition a été tout simplement biffée par une opinion majoritaire à laquelle j’appartenais. On m’imputerait d’avoir voulu faire obstacle à l’adoption du Code minier, à la rédaction de laquelle j’ai cependant participé avant qu’elle ne fût transmise au CNT. A présent, on m’incrimine, j’aimerais bien savoir dans quel objectif autre que la volonté de nuire, de vouloir empêcher la sortie de crise et d’exercer, à cette fin, des influences nocives.

Auriez-vous une telle influence?

Je m’honore qu’on m’attribue une telle ascendance ou emprise au sein d’un organisme aussi vaste que le CNT, mais j’aurais mieux aimé que la vérité et été dite.

La vérité incontestable est que j’ai travaillé au sein du CNT en ne ménageant aucun effort, répondant au premier appel du devoir et j’ai mis, au service de notre institution, mes aptitudes intellectuelles et mes équipements, sans rien demandé en retour ; en ayant en tête que la seule perspective de contribuer à la mission noble du CNT. J’ai sacrifié mes nuits et ma santé ; qu’on ne le reconnaisse pas, peu me chaut.

Mais, à tout le moins, qu’on se limite à ne m’infliger que les conséquences de ce que j’ai dit ou fait.

Par la puissance de leur mensonge, les délateurs ont réussi à me déloger de la Cour Suprême, mais qu’ils retiennent qu’ils ont échoué à entamer ma sérénité et ma disponibilité pour la patrie qui m’a donné le jour.

Emotionnellement, n’êtes-vous pas décontenancé au point de jeter l’éponge?

Au contraire, je continuerai à travailler pour mon pays avec la même ardeur et la même pugnacité inaltérable que j’ai mise à l’élaboration de la Constitution, des lois organiques et des lois ordinaires sur l’unicité de caisse, sur le patrimoine minier, sur le crédit-bail, sur le code minier et d’autres encore, dont le CNT peut se glorifier d’avoir été l’artisan.

Tant qu’il s’agira de loi et de droit, tant qu’il ira de l’intérêt de la nation guinéenne, j’épouserai, avec courage et détermination, la neutralité et l’impartialité qui déterminent l’indépendance du CNT.

Vous considérez que vous êtes la victime malheureuse de colporteurs de rumeurs mensongères pour attirer la foudre de l’Exécutif sur leurs collègues?

C’est bien le cas!

Une telle façon de procéder ne constitue-t-elle pas la préparation et la pose du lit de l’inefficacité parlementaire, car la liberté du Député doit être et doit demeurer très grande dans le cadre de ses fonctions, tant en ce qui concerne ses interventions et votes en séance publique, en réunion de commission, en réunion de groupe, qu’en ce qui touche les propositions de loi et les amendements, les questions parlementaires, ainsi que les missions parlementaires extérieures?

Je partage cet avis d’autant que notre travail au sein du CNT, au moment où nous œuvrons pour l’élection de la future Assemblée nationale, doit consister en la sauvegarde des prérogatives des élus du peuple, leur indépendance, leur droit d'aller et venir librement, leur liberté de parole, leur protection contre ce qui les entraverait dans l’exercice de leur mandat, notamment pour les mettre à l'abri de l’emprise du pouvoir Exécutif et de ses services de coercition et pour les protéger contre toute tentation de corruption.

Que dites-vous pour conclure cet entretien en acceptant bien sûr de revenir, même en un mot, sur votre départ de la Cour suprême?

En attribuant la perte de mon poste à la Cour Suprême au seul destin, je demande que l’on arrête de m’imputer les propos que je n’ai pas tenus au cours de nos délibérations, car j’assume l’entière responsabilité de ceux que j’ai tenus.

Je regrette que la lutte contre la délation ne soit pas inscrite à l’ordre du jour des débats sur la bonne gouvernance. Je prie sincèrement Dieu que les rumeurs calomniatrices ne puissent jamais altérer la concorde qui a présidé aux délibérations du CNT jusqu’à maintenant et que le Seigneur répande sur les délateurs, pour libérer leur esprit et leur âme de toute velléité satanique, la rosée purificatrice des cœurs et des consciences.

Merci M. Thiam Mohamed Aly, Eric pour les amis.

C’est à moi de vous remercier et même de vous féliciter car n’eut été votre opiniâtreté, je n’étais vraiment pas prêt à parler de cette situation. Merci et bonne chance au site AfricaLog.

Interview réalisée par Ibrahima Sylla "Ibra" pour AfricaLog.