Le 14 septembre, les habitants de Conakry ont été réveillés par la triste nouvelle de la mort à Paris, de M. Ben Sékou Sylla, Président de la Céni (Commission électorale nationale indépendante). Ben Sékou Sylla, Ben pour les intimes est décédé à l’âge de 57 ans, après six mois de maladie. Admis dans un hôpital parisien au mois de mars 2010, il a regagné Conakry en début juin dernier pour parachever les préparatifs du 1er tour de l’élection présidentielle. Deux jours après la publication des résultats provisoires de ce scrutin, M. Sylla a rejoint son lit de malade parisien.
Le 22 juillet, la Cour suprême a publié les résultats définitifs du premier tour. Revendication tous azimuts! Le 12 août, M. Alpha Condé, le candidat du RPG, candidat pour le second tour, a porté plainte au près du Tribunal de première instance de Conakry II, à Dixinn, contre M. Ben Sékou Sylla et El Hadj Boubacar Diallo, chef du département planification des opérations électorales pour “ atteinte à l’exercice des droits civiques et complicité. ” La semaine dernière, M. Sylla et M. Diallo ont été condamnés entre autres, à un an de prison ferme pour “ fraudes électorales ” par ledit Tribunal, présidé par le juge Seydouba Camara.
Ce 14 septembre, au quartier Minière, dans le domicile de M. Ben Sékou Sylla, parents, amis et collaborateurs ont afflué pour présenter les condoléances d’usage et les témoignages de sympathie.
M. Seydou Bayo, responsable de la Cellule communication de la Céni, a témoigné : “ C’est une grande perte pour la Guinée. Parce que qui connaît Ben, se rappelle de tout ce combat pour la démocratie qu’il a menée en Guinée. Aujourd’hui, nous perdons un vrai patriote, qui s’est battu sans réserve pour son pays. Je l’ai connu quand je suis venu à la Céni. Chacun entendait parler de l’autre, mais sans le connaître. Il appelait ma femme sœur, parce qu’il était ami au grand frère de celle-ci. Depuis notre rencontre à la Céni, nous sommes devenus des amis. Je ne lui ai jamais dit un mensonge et il m’a toujours dit la vérité, à des moments durs. Nous nous sommes respectés. ” M. Bayo rappelle qu’il a passé des moments durs avec M. Sylla avant la proclamation des résultats du scrutin du 27 juin 2010. Il a expliqué : “ Le jour de la proclamation des résultats, Ben est venu très malade, très fatigué. C’est moi qui suis aller le réceptionner au bas des escaliers du Palais du peuple. Dès qu’il est venu, il m’a appelé, j’étais dans l’hémicycle. Je suis venu le rencontrer et l’on a commencé à remonter les escaliers. Il m’a dit Bayo attend ! Il ne voulait pas s’appuyer sur moi, mais il voulait que je sois à ses côtés. Il m’a dit attend, je vais souffler un peu. C’est en ce moment que j’ai compris que Ben était réellement malade. Et vous vous rappelez qu’il a omis le nom de M. Telliano lors de la proclamation des résultats provisoires qu’il a prononcée. Lorsque je me suis rendu compte qu’il n’a cité que 23 candidats au lieu des 24, je me suis levé pour le lui signaler. Mais le temps d’arriver à son niveau pour le lui dire, il s’était déjà levé pour partir. Vous savez ce que cela nous avait valu. ”
M. Bayo de poursuivre en ces termes, avec un ton emprunt d’émotion, “ Ben Sékou Sylla comme n’importe quel autre membre de la Céni ne peut pas faire d’irrégularités au cours des élections, parce qu’ils n’auraient pas cette possibilité. Les membres de la Céni ne pourront que mettre des garde-fous pour qu’il n’y ait pas d’irrégularités. Les partis politiques doivent nous aider dans ce sens-là, mais certains ont insulté Ben. Il est parti frustré et complètement affaibli, à cause de tout ce qu’on disait de lui. Ils l’ont insulté père et mère alors qu’il savait qu’il n’a rien fait à personne. On dit qu’on a vu des procès verbaux dans un bureaux où ces procès sont réceptionnés et traités, puis on condamne Ben pour cela, à la va-vite.
Le président du Tribunal de Dixinn n’a pas eu le temps de vérifier quoi que ce soit. On n’a parlé de flagrant délit alors que c’était une citation accompagnante qu’on a faite à M. Boubacar Diallo. Ils ont enlevé notre immunité, parce qu’on a parlé de flagrant délit, du fait qu’on a trouvé des procès verbaux, mais quel genre ? On n’a pas eu le temps de s’expliquer. Si les procès verbaux sont déposés au niveau de la Céni, alors qu’ils devraient êtres déposés au Matap, la faute est à qui ? Au Matap qui a des camions pour ça. Depuis que Ben a appris qu’il est condamné à un an de prison ferme, il n’a plus parlé. Je dis au président du Tribunal de Dixinn, qu’il a précipité la mort de Ben Sékou Sylla. Nous n’avons rien fait de mal au peuple de Guinée. Ceux des Guinéens qui ont vu leurs votes annulés, ce n’est pas de notre faute. Même si c’est fait, nous pouvons que demander pardon à tout le peuple de Guinée à qui je demande de prier pour que l’âme de l’illustre disparu repose en paix.”
M. Aziz Diop, de la société civile, inconsolable depuis qu’il a appris la mort de Ben Sékou qu’il a côtoyé des années durant au sein de la société civile, a parlé de l’homme en ces termes : “ Ben est un homme de dialogue, de paix ; un homme tolérant qui a donné sa vie pour l’instauration de la démocratie en Guinée. Il a formé des jeunes pour le développement de ce pays, que son âme repose en paix ! ”
Thierno Oumar Diaouné, ministre de la Jeunesse et des Sports, ancien de la société civile, ému a déclaré : “ La Guinée vient de perdre un homme qui s’est battu contre-vents et marées pour qu’il y ait le premier tour de l’élection présidentielle. Malgré tous les problèmes, toutes les imperfections, il a tenu parole, et l’élection a eu lieu. Une première fois que la Céni organise des élections dans ce pays. Les problèmes qu’il y a eu dans ce processus-là étaient inhérents à la jeunesse de cette Céni. La mort de Ben est une grande perte pour nous, la société civile. Grâce à lui nous avons mené des combats pour la venue de la démocratie en Guinée. Ben a été un grand rassembleur, nous prions pour le repos de son âme. ”
El hadj Boubacar Diallo, le co-accusé de Ben Sékou par le RPG, a témoigné : “ Chacun nourrira un jour de quelque chose, quelque part. Ben était malade, mais nous ne savions pas qu’il était condamné, c’est Dieu seul qui le sait. Aujourd’hui il n’est plus avec nous, mais il a fait beaucoup d’efforts en faveur de la démocratisation du pays à travers le fonctionnement de la Céni. Nous assurons à ses parents que continuerons son œuvre et que la Céni survivra contre-vents et marées, dans le sens que nous sommes tracés, conformément à la loi. ”
Dans une déclaration, l’UFGD et ses alliés ont adressé leurs “condoléances émues” au peuple de Guinée, à la Céni, à la famille proche de M. Ben Sékou Sylla. Pour M. Cellou Dalein Diallo, président de l’Ufdg qui a lu la déclaration, “ M. Ben Sékou Sylla en tant que président des organisations de la société civile, a apporté une contribution de qualité à l’instauration de la démocratie et de l’Etat de droit dans notre pays. ” L’Ufdg a demandé aux autorités de la transition de lui réserver “ des funérailles nationales pour exprimer la reconnaissance du peuple à cet illustre disparu. Nous estimons que le problème de sa succession ne se pose pas dans l’immédiat, car il avait pris toutes les dispositions pour mettre en place une équipe qui a montré ces derniers mois sa capacité d’organisation et son indépendance lors du premier tour. Aucune modification des structures de la CENI n’est acceptable entre les deux tours de l’élection présidentielle. En tout état de cause, l’Ufdg et les partis de l’Alliance Cellou Dalein Président ne sauraient tolérer l’installation à la tête de la Ceni d’une personnalité non consensuelle. ”
Dans une lettre de condoléance, M. Lansana Kouyaté pour l’Alliance Arc-en-ciel rend hommage à M. Ben Sékou Sylla : “C’est avec consternation que l’Alliance Arc-en-ciel a appris la triste nouvelle du décès du Président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) monsieur Ben Sékou Sylla (…) Nous compatissons à la douleur de ses enfants, de ses épouses et de toute sa famille auxquels le Professeur Alpha Condé et l’Alliance Arc-en-ciel présentent leurs condoléances les plus attristées. Que l’âme de Ben Sékou Sylla repose en paix et que la terre de la Guinée qu’il a tant servie lui soit légère ”
Le corps du défunt sera rapatrié à Conakry le vendredi 17 septembre 2010. – AfricaLog