M. Cellou Dalein Diallo est le président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée ( l’UFDG) - l’une des principales formations politiques guinéennes. Considéré comme l’un des candidats potentiels aux futures élections présidentielles du pays, M. Dalein Diallo est une figure bien connue en Guinée où il a occupé des hautes fonctions dans l’adminstration publique. Sous le régime défunt, il avait battu la longévité ministérielle en demeurant ministre des transports et des travaux publics pendant plus d’une décénnie, avant sa nomination à la primature en 2006.
Dans cet entretien, M. Dalein Diallo parle du dernier développement de la situation en Guinée – marqué par la mort du président Conté et la prise du pouvoir par la junte militaire. En exclusivité pour AfricaLog.
AfricaLog: Etiez vous surpris du coup d’Etat militaire du 23 Décembre?
M. Cellou Dalein Diallo : Je dois avouer que je ne n’étais pas du tout surpris. C’était possible et même probable qu’il y ait un coup d’Etat après la disparition du président Conté. L’institution qui devait assumer la transition n’avait ni légitimité, ni crédibilité. C’était une Assemblée nationale installée dans des conditions contreversées et dont le mandat était expiré. Le président de l’Assemblée nationale était contesté à plus d’un titre.
AfricaLog: Si ce coup d’Etat n’est point une surprise et apparemment une nécéssité, comme vous le suggerez d’ailleurs, en quoi se justifie l’attitude hostile de la communauté internationale?
M. Cellou Dalein Diallo : La communauté internationale réagit par rapport à ses principes et à ses règles. Maintenant elle doit revoir sa position en fonction de la crédibilité et de la pertinence de la feuille de transition. Si les nouvelles autorités donnent des guaranties suffisantes allant dans le sens de la tenue d’élections libres et transparentes dans un bref délai, je suis certain que la communauté internationale revisera sa position.
AfricaLog: Quelles sont vos impressions de la junte militaire au pouvoir?
M. Cellou Dalein Diallo : La junte a déjà fait preuve d’ouverture d’esprit dès lors qu’elle a accepté d’associer les partis politiques à la définition de la feuille de route pour la transition. Elle a récemment déclaré qu’elle était flexible sur le délai de la transition et elle nous a demandé de proposer une date pour les élections législatives. Donc, je pense que c’est une junte qui est raisonable et qui est disposée à rendre le pouvoir aux civils à l’issue d’élections libres et transparentes. C’est une attitude à saluer.
AfricaLog: Que pouvez vous nous dire du Premier ministre désigné pour mener la transition?
M. Cellou Dalein Diallo : C’est un Monsieur que je connais parfaitement pour avoir travaillé avec lui. Il a une profonde expérience de l’administration guinéenne. Il connait aussi l’environnement international, les questions de développement, notamment. C’est un homme qui a les capacités de faire le travail et il a une vision moderne des affaires publiques. S’il a la volonté politique d’aller dans la bonne direction, je suis convaincu qu’il fera un travail nécéssaire.
AfricaLog: Selon certaines sources, M. Komara serait un proche du professeur Alpha Condé et aurait été sympathisant du RPG. Si cela est vrai, pensez vous qu’il est assez crédible pour mener une période de transition?
M. Cellou Dalein Diallo : M. Komara nous a déjà rassuré quant à son engagement à mettre en place une administration neutre et impartiale par rapport aux partis politiques. Je pense qu’il a un rôle historique à jouer et apparemment il est conscient de sa mission. Je ne doute pas qu’il ne puisse garder la balance entre les partis politiques, sans essayer de favoriser l’un et l’autre. Nous le jugerons à l’oeuvre.
AfricaLog: Comment l’UFDG se situe par rapport à la feuille de route de deux ans proposée par la junte?
M. Cellou Dalein Diallo : L’UFDG a proposé que toute la transition se déroule dans 12 mois. Nous avons estimé que les élections législatives peuvent se tenir au mois de juin prochain et les présidentielles en Décembre 2009.
AfricaLog: Avez vous reçu une réponse de la junte par rapport à cette proposition?
M. Cellou Dalein Diallo : Nous n’avons pas encore reçu de réponse, mais un certain nombre de partis politiques ont adhéré à cette proposition. Il ya le RPG, le MPT, l’UFG et le CTA pour ne citer que ceux là.
AfricaLog: La junte accuse les gouvernements précédants d’avoir pillé le pays et veut rénégocier tous les contrats orifères et miniers. Certains de ces contrats avaient été passés pendant que vous étiez Premier ministre. Pensez vous que les contrats que vous avez passés ont été négociés de bonne foi et dans l’intérêt de la Guinée?
M. Cellou Dalein Diallo : Les contrats ont été négociés par les techniciens et de bonne foi. Il ya des commissions inter-ministérielles qui avaient été mises en place pour négocier avec les compagnies minières. Ceci dit, il peut y avoir des faiblesses. Je pense que ces faiblesses peuvent être améliorées dans le cadre d’un nouveau round de négociations. Je pense aussi qu’il est tout à fait légitime pour un gouvernement d’initier de nouvelles négociations afin d’améliorer les revenus de l’Etat. Dans le contexte actuel, j’avoue qu’il ya un certain nombre de conventions qui avaient été négociées et examinées par les commissions inter-ministérielles ainsi que l’ensemble du gouvernement. C’est après que ces conventions ont été approuvées. Mais , encore une fois, cela ne veut pas dire qu’elles sont parfaites. Elles peuvent être revues et améliorées.
AfricaLog: Que pensez vous de l’idée d’une commission nationale pour enquêter sur les délis économiques des gouvernements précédents?
M. Cellou Dalein Diallo : Chaque gouvernement prend des intiatives qui lui semblent utiles pour défendre l’intérêt du pays. On a parlé des audits, il faut le faire. Il faut toute fois en définir les contours. Quelles sont les périodes visées par ces audits? Est-ce toute la deuxième république? Est-ce pour une période de 10 ans et qui est ce qui est outillé pour le faire?
AfricaLog: Qui, à votre avis, doit faire ce travail?
M. Cellou Dalein Diallo : Je ne sais pas. Mais je crois que le gouvernement est souverain pour définir le champ du contrôle et sa durée. Est ce que c’est toute la gestion de la Guinée indépendante ou c’est la période des 5 dernières années? Il faudra les définir en tenant compte des secteurs visés. Chaque gouvernement est souverain par rapport au contrôle qu’il veut envisager et mener. Je suis tout à fait prêt, le cas échéant, à repondre à des actes que j’ai approuvé pendant que j’étais dans le gouvernement.
AfricaLog: L’objectif d’une telle commission serait aussi de lutter contre la corruption et l’impunité en tant que système de gouvernement en Guinée. Vu la gravité de la situation sur le terrain est-il possible d’y arriver?
M. Cellou Dalein Diallo : Je pense d’abord qu’il faut moraliser la république. C’est vrai qu’il ya un laxisme, l’impunité, la corruption. Il faut commencer par implementer les actes déjà posés. Il ne faut pas penser qu’il ya un déficit de règles et de procédures. Il ya plutôt un déficit dans l’implementation des règles et des procédures. La première des choses donc - c’est d’imposer la rigueur, le respect des règles et des procédures dans la gestion de la chose publique. Pour tous les contrats, l’Etat doit passer dans le cadre de la commande publique, qu’on fasse un appel à la concurrence conformément au coût du marché qui a été élaboré à cet effet. Il faut que les commissions interministérielles se reunissent pour évaluer les ordres proposés par les entreprises et que tout cela se passe dans le respect des règles.
AfricaLog: Seriez vous candidat à la prochaine élection présidentielle?
M. Cellou Dalein Diallo : Bien entendu je serais candidat à la présidence si mon parti m’investit. Je suis présentement le président de mon parti. Mais cela ne veut pas dire que je suis automatiquement candidat. Il ya des procédures.
AfricaLog: Que comptez vous faire comme président que vous n’avez pas fait en tant que Premier ministre?
M. Cellou Dalein Diallo : Je pense qu’il ya beaucoup de choses que je peux faire parce que je connais les faiblesses actuelles du système. La première des choses - c’est de mettre en place un véritable Etat de droit, améliorer le système de gouvernance; mettre en place une administration efficace avec des cadres compétents et intègres. Veuiller au respect des règles et des procédures pour que le pays sorte de la misère.
Il ya des Guinéens à l’intérieur et à l’extérieur bien qualifiés. Il faut leur faire appel pour essayer de rattraper le retard accumulé au cours des 50 ans par la mise en valeur des immenses potentialités économiques que récèle le pays.
La deuxième priorité - c’est le système éducatif. Il faut que la Guinée puisse disposer d’un système éducatif performant et compétitif. La compétition entre les pays se fera sur la base de la qualité des ressources humaines.
Troisième priorité - c’est l’infrastructure en commençant par les barrages hydroélectriques, les infrastructures de communication et les réseaux routiers de qualité pour désenclaver l’ensemble du Pays. Présentement, vous avez 12 préfectures qui n’ont pas accès au réseau routier. Je pense que nous pouvons résoudre ces problèmes au cours d’un mandat parce que les ressources existent.
AfricaLog: S’appuyant sur la composition du bureau politique de votre parti, les critiques estiment que l’UFDG ne reflète pas la composition éthnique du pays.
M. Cellou Dalein Diallo : Que voulez vous dire?
AfricaLog: Que l’UFDG est un parti régionaliste, destiné à défendre les intérêts du Foutah, donc du groupe ethnique peulh…
M. Cellou Dalein Diallo : Cela n’est nullement pas vrai. Aujourd’hui je peux dire que l’UFDG est le seul parti politique qui répond aux critères d’un parti national dans la mesure ou nous sommes implantés dans toutes les préfectures du pays. Récemment, nous avons enrégistré une adhésion massive de militants en déhors du Foutah. Nous sommes bien implantés à Kissidou, Macenta, Zérékoré, Kérouané, Lola , Mandiana, Siguiri et Kankan. Nous sommes sans doute le premier parti politique aujourd’hui à Boké. Donc, nous sommes implantés dans tout le pays. Nous avons également des cadres élus et représentant toutes les régions naturelles du pays. Vous pouvez le vérifier. Ces propos que vous entendez sont des critiques de nos adversaires qui ne veulent pas admettre que l’UFDG est la force politique numero un dans le pays.
Propos recueillis par Alsény Ben Bangoura
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