Par O. Tity Faye
De la médisance à propos du cabinet du chef de la junte militaire en Guinée ? Suite à un processus électoral, on aurait pu simplement croire à un cabinet présidentiel un peu trop achalandé, quelques soient les titres, les attributions, et le nombre. Dans les circonstances actuelles, ce serait s’écrire une lettre rassurante dans une situation qui pourrait devenir explosive. La situation illégale qui devrait transiter vers un retour à l’ordre constitutionnel, pourrait dériver.
Au lieu d’une décroissance du pouvoir du Cndd et de son président intérimaire, les évènements dénotent plutôt un face à face qui risque de finir en confrontations d’attribution sur fond de conflits de compétence. Les termes pour forger des dénominations ne changeront rien à la fragilité de la situation. Qu’avons-nous comme situation en fait ?
Le passage des Forces vives de la nation de leur position de revendication face à un pouvoir illégal, à une position de participation au pouvoir à travers un poste de Premier ministre et un Gouvernement d’union nationale de transition – Gunt. Les représentants des partis politiques, des syndicats et de la société civile en sont membres. L’instrument législatif serait alors le Conseil national transitoire (Cnt) qui, cependant, n’est qu’un organe consultatif malgré sa composition élargie à une représentation nationale. Chacun exprime sa satisfaction. Soit !
Tout cela semble être une belle avancée vers un retour à l’ordre constitutionnel si l’on ne compare la situation qu’à celle où le capitaine Dadis Camara éparpillait des brulots menaçants à l’encontre des uns et des autres. Mais il n’était pas seul. Malgré son élimination de la scène politique, son équipe survit. L’apaisement actuel semble être à ce prix!
Plusieurs d’entre eux ont été rejetés du gouvernement de transition pour des raisons d’incompatibilité dues à des actes de violence commis sur les populations ou pour avoir soutenu les velléités de confiscation du pouvoir. Certains se retrouvent dans le cabinet du chef de la junte militaire. C’est pourquoi, on scrute ce cabinet.
Dans une situation transitoire de courte durée (six mois), ce cabinet donne l’impression d’un gouvernement de plus. Il le sera si les hommes et les femmes des deux parties ne réussissent pas à travailler ensemble, comme le souhaite le Général Konaté. De quel coté sera-t-il alors ?
Malgré la satisfaction des leadeurs politiques, il faut faire remarquer que l’armée détient encore les rennes du pouvoir. Dans quel sens ou dans quelle mesure le cabinet du Général Sékouba Konaté va-t-il influencer ses décisions dans le sens voulu par les Forces vives ?
Les bras de fer risquent de s’engager sur les décisions importantes concernant le pays; notamment celles qui intéressent la gestion financière et le potentiel de ressources naturelles et minières dont le pays dispose. Les proies visées ? Les duplications de postes – si elles s’avèrent - ne sont pas faites pour rien. Les lettres de mission définissant les attributions des postes autour de sa personne n’y changeront rien non plus.
A quoi joue, le Général Sékouba Konaté à la tête de la junte ? Au bon secouriste qui croit pouvoir satisfaire tout le monde ? À moins d’avoir les mains liées. En voulant le faire, des hommes et des femmes en tireront, certes, des satisfécits mais pas les populations guinéennes, encore moins la transition démocratique guinéenne, voire l’économie nationale du pays.
La démarche est simplement incompatible avec l’intérêt national. Elle draine en même temps deux ambitions opposées. D’un coté l’ambition des composantes des Forces vives de la nation qui veulent gérer –rapidement- la transition pour accéder – tout aussi rapidement – aux leviers du pouvoir par la voie légale. De l’autre coté, l’armée et «ses ministres-conseillers du président» voudront la faire trainer – en longueur – pour faire fructifier des affaires. Sinon, pourquoi ne sont-ils pas avec les forces vives ou hors des structures pour laisser la transition suivre son cours ?
En 1998, ce scénario avait prévalu au détriment du Premier ministre Sidya Touré : d’un coté il y avait les ministres du cabinet de la primature et de l’autre ceux de la présidence … Les discordances et les dissonances ont fait écho … ses attributions ont été gelées avant date, jusqu’à son départ en 1999.
Par ailleurs, de quel consensus politique, militaire, et social est-il question dans le discours du Général Sékouba Konaté ? Entre autres, celui qui dénie aux victimes et à leurs parents le droit de justice ? Cette déclaration choque et révolte, d’autant plus qu’aucune mesure d’épuration de cette armée guinéenne n’est encore prise. Les experts militaires sollicités ici et là ont un travail technique à faire. Il y a, en parallèle, une justice à rendre.
Or, les hommes en uniforme qui ont tiré sur les foules lors des manifestations, ceux qui ont attaqué et tué les policiers et commis bien d’autres méfaits, ne font l’objet d’aucune attention particulière de la part des autorités. Certains occupent des postes importants. À défaut d’autres punitions, ils ne le devraient pas.
Tout porte à croire que le Général Sékouba Konaté offre à la Guinée une transition « apaisée » à condition qu’on pardonne à ses pairs même si on « oublie pas» comme il le dit si bien. Que va-t-il se passer si à la fin de la transition ces hommes et ces femmes ne sont pas satisfaits. Que vont-ils encore réclamer pour que le consensus politique, militaire, et social soit ? Va-t-on retourner aux temps barbares ?
Il y a dans l’attitude du Général Sékouba Konaté une espèce de candeur écolière qui lui fait croire que ceux qu’il couvre – ou ménage - vont lui rendre généreusement la monnaie ou mettre en avant les intérêts de la nation. Erreur ! Ce sont eux –notamment les coupables parmi eux -qui voudront s’accrocher au pouvoir par peur de punition ou de vendetta. C’est justement ce jeu qui va prévaloir si la justice n’est pas rendue.
Il n’y a pour le moment que les institutions régionales et internationales à vouloir la rendre, cette justice, suite aux massacres du 28 septembre 2009, classées Crimes contre l’humanité. Aujourd’hui, on s’empresse vers la prise du pouvoir par les élections. Le parti politique vainqueur et son gouvernement pourraient perdre, très vite, leur crédibilité si certains problèmes ne sont pas résolus avant.
Tout ceci dit, ce sont des guinéens qui de par leurs actes se sont mis au ban de la nation et de la communauté internationale. Ces Guinéens peuvent tout aussi bien reconnaitre les fautes commises et de par leurs actes contribuer à édifier l’État de droit en Guinée pour le bénéfice de tous. Pour eux la nouvelle donne de la transition guinéenne est un test. Que cela soit écrit et accompli.