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Quand l'aide est contestée même dans les situations d'urgence

Apr 10, 2014
Quand l'aide est contestée même dans les situations d'urgence

Par Obadias Ndaba

L'aide fonctionne-t-elle dans les situations d'urgence ? La réponse à cette
question, semble-t-il, ne dépend plus de la compassion, mais plutôt du
débat en cours sur l'efficacité - ou son manque - de l'aide étrangère. Il y
a deux camps puristes. D'une part, il y a ceux qui croient fermement que
cela fonctionne, comme Bill Gates et Jeffrey Sachs. D'autre part, il y a
ceux qui croient de tout coeur qu'elle ne fonctionne tout simplement pas et
nuit à ceux qu'elle cherche à aider, comme William Easterly et Dambisa
Moyo. Ces deux camps s'affrontent car il y a un milliard de personnes dans
l'extrême pauvreté - dispersées dans le monde - prêtes à tout pour obtenir
de l'aide du fait de leur condition de fragilité qui les empêche même de
réfléchir à l'efficacité du système.

La concurrence est féroce pour prouver que l'autre camp a tort. Ces débats
ayant lieu principalement dans les pays développés, où de nombreuses
questions politiques ou économiques sont débattues, le milieu de l'économie
du développement a abandonné sa nature complexe incontournable pour
débattre en termes de choix manichéens de type blanc ou noir.

Si vous voyez gris, vous ne ferez pas partie de ce débat. L'industrie elle-même
est en proie aux points de vue puristes et des «experts», avec un
raisonnement rampant de type - ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas -.
Pire, on pourrait même dire que, certains «experts» ont tendance à être
égoïstes avec le seul intérêt de bâtir leurs carrières et leurs gloires.

La critique porte habituellement sur l'aide étrangère seulement, qui correspond à un transfert d'argent du gouvernement d'un pays (la plupart du temps un pays occidental développé) à celui d'un autre pays (la plupart du temps un pays en développement du Sud: Afrique, Asie et Amérique latine). Notez que l'aide étrangère est une transaction entre nations. Dambisa Moyo, dans son célèbre livre (L'aide fatale) sur l'aide étrangère en Afrique, a soutenu avec force que l'aide perpétue la dépendance et ne permet pas de promouvoir la reddition de comptes dans les pays bénéficiaires puisqu'elle est gratuite. Elle a recommandé d'y mettre fin et d'orienter les pays qui en ont besoin vers les marchés de capitaux.

Récemment, les critiques de certains puristes se sont même étendues à l'action des ONG pullulant dans les pays en développement. Dans un récent discours instructif lors du célèbre programme de conférences TED, Ernesto Sirolli,une ancien «bienfaiteur» italien, analysait sur ce qu'il a fait en
Zambie. Dans ce qui ressemble à une confession,

il donne des détails sur les éléphants blancs qu'ils ont construits.

Il déclarait sans concessions: «Chaque projet que nous avons mis en place
en Afrique a échoué ...... tout ce que nous avons touché nous l'avons
détruit». Et donne ce conseil à ses successeurs: «Ce que vous devez
faire est de vous taire. N'arrivez jamais dans une communauté avec des
idées .... , écoutez».

Certains vont même plus loin pour s'interroger sur l'efficacité et l'impact
de l'aide dans les situations d'urgence, longtemps considérées comme le
seul cas où elle est efficace, et ceci même par ses détracteurs. Prenez
Haïti par exemple. Le tremblement de terre catastrophique en 2010 a frappé
l'île, tuant 316 000 personnes, blessant 300 000 autres et laissant un
million de personnes sans abri.

Après un tel désastre, que ce soit dans les pays pauvres ou riches, vous
espérerez seulement compter sur le soutien de l'aide et de la solidarité
internationale. Pas du tout.

Haïti, surnommée la république des ONG, a attiré beaucoup d'aide d'urgence
immédiatement après la catastrophe mais les choses ne semblent pas
s'améliorer. «En effet, plus de 350.000 Haïtiens vivent encore dans des
tentes dans des camps dispersés, beaucoup de ceux qui ont quitté sont
revenus à des logements insalubres dans des baraques

sur les flancs des collines et dans les bidonvilles sur le bord de la mer.
Une épidémie de choléra qui a tué plus de 7.500 personnes depuis octobre
2010 reste une menace, avec des cas de dopage après chaque tempête
tropicale. Les épidémiologistes blâment la mauvaise hygiène dans une base
militaire de la mission de maintien de la paix des Nations Unies, bien que l'ONU ait nié toute responsabilité.» peut-on lire
dans un récent article paru dans The Economist. Malgré les promesses de
dons de milliards de dollars, la plupart sont encore non tenues - un
problème de cadeaux gratuits.

Un autre article paru récemment dans le Wall Street Journal fait le même
constat, selon lequel la charité n'était pas d'une grande utilité pour
Haïti et accuse: « ... L'aide étrangère, quand elle passe par le biais des
gouvernements ou des ONG - fausse la politique et le commerce, ce qui compromet l'évolution de l'économie de marché. Les ressources gratuites réduisent la pression sur les politiciens pour faire les réformes nécessaires et attirer les capitaux. Lorsque la nourriture et les services sont donnés, les entrepreneurs qui pouvaient servir ces marchés sont exclus.»

L'absence d'amélioration pourrait-elle être attribuée à l'aide? Une aide
est-elle mauvaise en soi ou est-ce la façon dont elle est livrée qui est
condamnable? Le jury est toujours absent. Mais répondre à ceux qui sont
frappés par des situations d'urgence, et trouver la meilleure façon d'aider
ceux dans le besoin demeure un impératif humain auquel nous devons trouver
des solutions adéquates. Néanmoins

nos experts préoccupés par leur carrière doivent faire preuve d'un peu plus
d'honnêteté intellectuelle. Tout n'est pas noir et blanc. Le monde a
toujours été et sera toujours nuancé.

Publié en collaboration avec Libreafrique.org

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