Le parquet sud-africain, insatisfait du verdict d'«homicide involontaire» rendu contre Oscar Pistorius pour la mort de sa petite amie en 2013, va faire appel de la condamnation à cinq ans de prison infligée à l'ancien champion paralympique.
L'appel, a expliqué un porte-parole du ministère public, portera «à la fois sur la condamnation et sur la peine» prononcée le 21 octobre contre l'homme qui était devenu une icône du sport mondial, modèle de courage et de volonté, pour avoir participé aux Jeux olympiques de Londres-2012 avec les valides.
«L'accusation prépare actuellement les documents nécessaires pour être en mesure de faire appel dans les prochains jours», a précisé le porte-parole.
Cette décision, qui va relancer un procès-fleuve suivi avec passion par l'opinion publique depuis mars, n'est pas une surprise.
Pendant huit mois, le tenace procureur Gerrie Nel a bataillé pour obtenir un verdict de meurtre avec préméditation, contre celui que le monde surnommait «Blade Runner» («le coureur aux lames»), en référence à ses prothèses en carbone en forme de pattes de félin.
Après avoir échoué à prouver que le jeune sportif -- désormais derrière les barreaux -- avait voulu sciemment tuer sa compagne, le parquet espérait au moins que la juge retiendrait l'intention de tuer. Pistorius avait tiré quatre balles expansives à hauteur d'homme dans la porte du cabinet de toilette, en expliquant qu'il croyait qu'un cambrioleur s'y était dissimulé.
L'«homicide involontaire» retenu finalement a suscité l'incompréhension d'un grand nombre de juristes en Afrique du Sud, et valu une volée de critiques à la juge Thokozile Masipa.
Le ministère public, soucieux de fixer la jurisprudence, redoute désormais que ce verdict entraîne des dérives, en laissant croire qu'il est permis d'ouvrir le feu en direction d'un être humain sans être accusé de meurtre.
L'appel porte donc clairement sur une question de droit, et non sur l'interprétation subjective de la juge.
«Des questions se posaient concernant le jugement par rapport à l'interprétation par le tribunal du dolus eventualis», la question de l'intention, a expliqué Stephen Tuson, professeur de droit à l'université du Witwatersrand à Johannesburg, nullement surpris de l'appel.
Procès retentissant
Cette notion juridique de «dolus eventualis» a longuement été débattue à l'audience. Il s'agit de savoir si l'accusé, au moment de commettre son crime, avait conscience qu'il pouvait donner la mort. Si la réponse est «oui», alors le droit sud-africain estime que la juge aurait dû rendre un verdict de meurtre.
Or, dans ses attendus justifiant la peine de prison, la juge a estimé que Pistorius «savait que les toilettes étaient un espace réduit et qu'il n'y avait aucun moyen de s'échapper pour la personne derrière la porte».
Au-delà de ces questions de droit, ce procès Pistorius, le plus retentissant de l'histoire de la jeune république sud-africaine, a continué à susciter les passions même après que la porte de sa cellule s'est refermée derrière le condamné.
La mère de Reeva Steenkamp, June Steenkamp, a fait état, dans un entretien publié dimanche par un journal britannique, de sa certitude que sa fille allait quitter Pistorius lorsqu'il l'a abattue. La famille de la victime n'a jamais semblé convaincue par la version des faits de l'athlète, et continue de croire qu'il pourrait s'agir d'une dispute amoureuse qui aurait dégénéré.
Le procès en appel sera moins spectaculaire que le premier procès, entièrement retransmis en direct à la télévision. L'essentiel de la procédure sera écrit, et Pistorius ne devrait pas être présent au moment des débats.
L'instance saisie pourra être soit la Cour suprême de Bloemfontein, dans le centre du pays, soit un tribunal constitué de trois juges de Haute cour, la plus haute juridiction ordinaire en Afrique du Sud. - AfricaLog avec agence