Dans une atmosphère survoltée, Dominique de Villepin affiche le masque de la gravité : solennel, il livre sa première charge contre Nicolas Sarkozy et stigmatise son "acharnement" à le voir sur le banc des prévenus de l'affaire Clearstream. L'ancien premier ministre, costume bleu nuit, chemise blanche et cravate sombre, arrive par une porte dérobée dans la salle des pas perdus du Palais de justice de Paris et vient se poser devant une forêt de caméras et de micros, suivi par sa femme et ses trois enfants. Le public lance quelques applaudissements et bravos avant que M. de Villepin ne prenne la parole dans le silence.
"Je suis ici par la volonté d'un homme, je suis ici par l'acharnement d'un homme, Nicolas Sarkozy, qui est aussi président de la République française. J'en sortirai libre et blanchi au nom du peuple français", lance-t-il, mâchoire crispée et mains jointes, debout derrière les barrières contenant les caméras. Sa femme, vêtue d'une veste sur laquelle est représentée une colombe et inscrit le mot "paix", l'écoute, légèrement en retrait, entourée de ses deux filles et de son fils. L'ancien ministre des affaires étrangères, qui joue son avenir politique, use de mots solennels, promettant un "combat contre l'injustice […] et l'abus de pouvoir" en ce "jour anniversaire de la République française", en référence à l'avènement de la Ire République, le 21 septembre 1792. Il achève sa déclaration sous les applaudissements et entre dans la salle pour rejoindre le banc des prévenus. Dans la salle d'audience, c'est l'avocat de M. de Villepin qui prend le relais de son client. Comme le raconte sur son blog Pascale Robert-Diard, journaliste au Monde, Me Henri Leclerc plaide l’irrecevabilité de la constitution de partie civile de Nicolas Sarkozy au nom de l’inégalité des armes. Dans le fil de sa démonstration, il s’adresse au tribunal et lance : "Il n’est pas question ici de contester votre indépendance. D’ailleurs, la meilleure preuve que vous êtes indépendant, c’est que votre indépendance est garantie par le président de la République !" La gravité de l'ancien premier ministre tranche avec la cohue qui entoure l'arrivée des autres acteurs de cette affaire rocambolesque, journalistes et caméramans se ruant sur chaque protagoniste. Nicolas Sarkozy, adversaire déclaré de Dominique de Villepin, est représenté par Thierry Herzog, qui arrive, sans un mot, suivi par le conseiller de l'Elysée Pierre Charon, autre partie civile dans le dossier. Les autres prévenus du procès ont toutes les difficultés du monde à parvenir aux portes du tribunal. L'ancien vice-président d'EADS, Jean-Louis Gergorin, est ainsi forcé de s'abriter un instant dans les couloirs de la Cour de cassation avant d'être escorté par les gendarmes jusqu'à la salle où se tient le procès. Une cinquantaine de personnes patientent à l'entrée de la salle pour tenter d'assister à cette première audience. Une dizaine de représentants de la presse étrangère sont aussi accrédités pour le procès. – Le Monde