Des échauffourées ont brièvement opposé, vendredi à Conakry, les forces de l'ordre et des groupes de jeunes criant "à bas Dadis" ou "militaires assassins", sur l'esplanade de la grande mosquée où les corps des victimes de la sanglante répression de lundi étaient exposés.
En milieu de matinée, le capitaine Moussa Dadis Camara, président autoproclamé du pays depuis décembre, a d'abord présidé une brève cérémonie, sur la place des martyrs, pour marquer le 51e anniversaire de la proclamation de l'indépendance de l'ex-colonie française. Autour du chef de la junte, les militaires étaient plus nombreux que les spectateurs civils. Il y a neuf mois, sur cette même avenue, le capitaine putschiste s'était pourtant fait acclamer comme un sauveur ou un libérateur par une immense foule, quand l'armée avait pris le pouvoir après la mort à 74 ans du président Lansana Conté, qui régnait sans partage sur la Guinée depuis un quart de siècle. Aussitôt la cérémonie finie, Dadis Camara s'est lancé, devant la presse, dans une violente diatribe contre "les leaders" de l'opposition, sur lesquels il a rejeté l'essentiel de la faute de la tuerie de lundi. "Je ne dis pas que les forces de l'ordre n'ont pas tiré mais quels sont ceux qui ont occasionné" (les violences)? a-t-il interrogé, avant de s'en prendre à ses opposants politiques, accusés d'avoir payé des jeunes de banlieue pour qu'ils manifestent lundi et d'avoir mis en place "un système machiavélique" pour tenter de "déclencher un mouvement d'insurrection populaire". Lundi, les forces de l'ordre avaient tiré à balles réelles sur des manifestants, dans le stade du 28-septembre, où plusieurs dizaines de milliers de personnes étaient venues dénoncer "l'usurpation du pouvoir" par les militaires et la possible candidature du chef de la junte à la présidentielle. Au moins 56 civils avaient été tués, selon la junte, plus de 150 selon les Nations-unies et une ONG. Vendredi, jour de grande prière, près d'un millier de personnes ont convergé en fin de matinée aux abords de la grande mosquée de Conakry. Quelques dizaines de cadavres, enveloppées dans des linceuls blancs, y étaient regroupés sous des tentes, les familles étant invitées par les autorités à venir identifier et emporter leurs corps. Mais beaucoup de personnes assuraient aux journalistes qu'ils ne trouvaient pas leurs proches disparus, et contestaient le bilan officiel de 56 morts civils. "Ils veulent cacher la vérité. Il y a eu beaucoup plus de morts. Ils ont enterré nuitamment des morts!", assurait Camara, 25 ans. "A bas Dadis. Nous ne voulons pas des tueurs au pouvoir!" renchérissait Amadou, 23 ans. En début d'après-midi, des jeunes ont commencé à lancer des pierres sur des gendarmes postés aux abords de la mosquée, puis des policiers ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène, a affirmé à l'AFP un journaliste local. Un jeune d'une vingtaine d'année a déclaré de son côté à l'AFP: "Nous étions là en train de regarder les morts, ceux qui ont été assassinés par les militaires... On a vu les forces de l'ordre. On s'est révoltés. Ils ont jeté des gaz lacrymogènes sur nous. Tout le monde a quitté la mosquée". Le forum des forces vives (partis d'opposition, syndicats, société civile) avait demandé jeudi l'envoi d'une "force de paix" internationale. La présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf a pour sa part demandé vendredi une "réunion d'urgence" de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) à propos de la crise en Guinée. - AFP