Lors de l’ouverture des audiences des assises à la Cour d'Appel de Conakry le Procureur général près la Cour d’Appel de Conakry Paul Mastrazie Fofana a déploré l’impunité de ceux qui ont détourné les deniers publics. Il a cité entre autres la dilapidation des réserves d’ors à la Banque Centrale, le bradage de Air Guinée. Une interpellation du Premier ministre Jean-Marie Doré qui était présent pour qu’il relance les dossiers d’audits des anciens responsables qui sont aujourd’hui candidats à l’élection présidentielle?
Le procureur général de la République Paul Mastrazie Fofana a cité 115 dossiers à éclaircir. Il s'agit notamment de 4 dossiers de trafic international de drogue, de 18 cas de vols à main armée et association de malfaiteurs, de 14 meurtres. Il a souhaité que: «les bandits à col blanc puissent être interpellés devant la loi chaque fois qu’ils sont dénoncés et les faits avérés.» - AfricaLog
Voici intégralement le discours de Mohamed Sampil, Bâtonnier de l'ordre des Avocats de Guinée.
«... Ce procès que l’on veut tenir à tout prix connaîtra des affaires ayant enregistré des violations graves de procédure, des violations massives des droits de l’Homme et de la défense, des immixtions intolérables de l’exécutif, une connivence poussée à l’extrême entre le Parquet et l’exécutif, des convocations des magistrats chargés desdits dossiers, une médiatisation à outrance qui expose les présumés auteurs à la vue des téléspectateurs et accusés déjà d’avoir commis les infractions à eux reprochées comme c’est le cas des présumés narcotrafiquants régulièrement fixés par les caméras de la télévision d’Etat...»
Excellence Monsieur le Président de la République par intérim, Président de la Transition , Président du Conseil supérieur de la Magistrature ;
Excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du
Gouvernement de la Transition ;
Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux; Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement; Madame la Présidente du Conseil national de la Transition ; Monsieur le Premier Président de la Cour suprême de Guinée;
Madame le Procureur général près la Cour suprême de Guinée;
Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de Conakry;
Monsieur le Procureur général près la Cour d’appel de Conakry;
Monsieur le Président de l’Association nationale des magistrats de Guinée;
Monsieur le Président de la ‘Chambre nationale des notaires;
Monsieur le Président de la Chambre nationale des huissiers de justice;
Monsieur le Président de la Chambre nationale dos commissaires priseurs;
Distingués invités tous protocoles observés en vos qualités et grades respectifs;
Mesdames et Messieurs;
Chers Consœurs et Confrères;
La rentrée solennelle de la Cour d’assises est l’une des grandes traditions de nos mœurs judiciaires.
Cependant, la rareté des assises nous prive de ce moment privilégié où l’occasion nous est donnée de jeter un regard objectif et critique sur l’état de notre justice.
Ne devons-nous pas assimiler cette absence de la tenue régulière des assises à un véritable déni de justice dont le responsable désigné est pour nous I’État.
En effet, l’Etat en violant sa propre loi qui exige que se tiennent trois (3) sessions d’assises dans l’année, cause des préjudices énormes aux nombreux accusés qui croupissent en prison, Ils y passent parfois plus de temps que celui de leur condamnation, certains seront reconnus innocents après plusieurs années de privation de liberté dans des conditions difficiles marquant à vie leur état physique et moral, leur réputation et leur vie de famille.
Ceci dit, se tiendra sous peu dans cette salle mythique qui a connu tant d’autres procès historiques, le procès tant attendu des présumés narcotrafiquants que certains qualifient déjà de narcotrafiquants en dépit de la présomption d’innocence dont ils doivent bénéficier.
Ce procès que l’on veut tenir à tout prix connaîtra des affaires ayant enregistré des violations graves de procédure, des violations massives des droits de l’Homme et de la défense, des immixtions intolérables de l’exécutif, une connivence poussée à l’extrême entre le Parquet et l’exécutif, des convocations des magistrats chargés desdits dossiers, une médiatisation à outrance qui expose les présumés auteurs à la vue des téléspectateurs et accusés déjà d’avoir commis les infractions à eux reprochées comme c’est le cas des présumés narcotrafiquants régulièrement fixés par les caméras de la télévision d’Etat et dont les biens mobiliers et immobiliers sont présentés comme des saisies en l’absence de toute décision de justice rendue conformément à l’article 100 du Code de procédure pénale de la République de Guinée.
Nous savons que contrairement à ce qu’elles affirment à la moindre occasion qui se présente à elles, la justice n’a jamais été une préoccupation majeure des autorités politiques, mais puisque l’opportunité m’est offerte, c’est le lieu de lancer un appel pressant aux nouvelles autorités gouvernementales, afin que désormais les assises se tiennent de façon régulière conformément à la loi. C’est pourquoi, pour le Barreau ces biens ne sont pas placés sous main de Justice à ce jour.
C’est le lieu de lancer un appel solennel à la télévision guinéenne pour qu’elle s’inscrive dans l’histoire au cours de ce procès en maintenant l’équilibre des débats ors des restitutions que nous souhaiterions fidèles. Cela permettra à l’opinion de tirer seule ses conclusions sans aucune influence.
Les droits de ces présumés narcotrafiquants détenus sont continuellement restreints par de prétendues exigences de sécurité. Les conditions de détention ont hélas fragilisé la santé de certains. Un exemple d’une tristesse affligeante, c’est le décès de l’un d’eux auquel des soins ont été refusés malgré les appels pressants de son avocat à l’effet de lui accorder une liberté provisoire pour des fins de soins.
Cette perte tragique nous fournit actuellement une meilleure illustration de ce qu’est notre justice.
C’est un euphémisme de dire aujourd’hui que les citoyens n’ont plus confiance en leur justice.
Mais ce qui est encore grave, c’est que tous les acteurs de la justice, magistrats, avocats et autres sont conscients et persuadés que notre justice a depuis longtemps dérapé de sa mission. Pourtant, elle continue de fonctionner, que dis-je, de dysfonctionner.
Notre justice dans son ensemble est bien malade, mais notre justice pénale l’est davantage. En dénonçant les tares de notre justice pénale, c’est le lieu également de proclamer haut et fort que la présomption d’innocence doit s’appliquer non seulement pendant la détention provisoire mais aussi lors de la garde à vue.
Où est la présomption d’innocence lorsque la gendarmerie au service du Département des services spéciaux de la lutte anti-drogue et contre le grand banditisme est sans cesse exhortée à interpeller le plus possible de personnes, à multiplier non pas des gardes à vue mais des détentions illégales au Camp Alpha Yaya DIALLO avant de livrer les présumés grands bandits non pas au parquet de la République compétent, mais soit au PM3 soit au Ministère de la Justice. Une procédure singulière écrite par une autorité politique singulière.
Pour un gendarme, la garde à vue a un avantage certain car elle lui permet de faire son enquête, ce qui est parfaitement légal mais ce qui l’est moins, c’est que lorsqu’elle est télévisée, c’est fait pour donner à l’opinion l’impression que les gendarmes au service de ce département sont des héros. Ce qui pour nous intervient dans une atmosphère d’abus et d’illégalité qui rompt carrément avec le secret de l’instruction et la présomption d’innocence. En théorie, le Procureur de la République o un droit de regard sur chaque personne placée en garde à vue mais, en pratique, le policier ou le gendarme dons maints cas ne se donne même pas la peine de informer, par ignorance de la procédure ou par intention malveillante d’arnaquer.
Dans notre Pays, on ne sait même plus qui est Officier de police judiciaire et qui ne l’est pas. Tout policier, gendarme ou militaire croit qu’il peut enquêter, arrêter et détenir.
Pour remédier à ces tares, les parquets doivent s’impliquer pour actualiser le niveau de compétence des services de police et de gendarmerie chargés des actes de police judiciaire. Il revient aux procureurs de superviser l’activité de la police judiciaire.
Le Procureur général, en ce qui le concerne, doit dresser chaque année la liste des Officiers de police judiciaire (OPJ) et des Agents de police judiciaire (APJ) de son ressort.
Mais ce qui est plus grave, c’est le droit que certains militaires s’arrogent pour interpeller, détenir des citoyens dans les camps et mener des enquêtes sans en référer à aucune autorité judiciaire. Dans quelle République vivons- nous?
Il n’est plus possible de fonctionner comme dans un Etat de police où règne le bon vouloir du Prince. Le Barreau, sentinelle vigilante de l’Etat de droit, ne l’acceptera pas.
Qu’avons-nous l’habitude de voir?
Des procès verbaux d’enquête préliminaire bâclés parce que la gendarmerie ou la police s’est gardée de faire un travail appliqué, elle qui très souvent utilise également la torture pour obtenir des aveux. C’est pour empêcher ces bavures que la présence de l’avocat à l’enquête préliminaire est indispensable pour la sauvegarde des droits du suspect et surtout du respect de la procédure à ce niveau.
On assiste actuellement à des atteintes graves à l’indépendance de la magistrature et au principe universel de la séparation des pouvoirs. Le Barreau s’inquiète de la multiplication des interventions de l’exécutif auprès des magistrats surtout ceux du parquet. Cette politique interventionniste ouvre la voie à toutes les dérives.
La séparation des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), qui est la caractéristique essentielle de toute démocratie acceptable, n’a jamais été une réalité chez nous car l’indépendance de la justice a été de tout temps mise à mal. Il n’y a pas longtemps encore, nous voyions des hommes en uniformes pénétrer les bureaux des juges pour leur demander des comptes sur les décisions qu’ils ont rendues. A l’intérieur du Pays, les juges subissent les injonctions des Gouverneurs ou des Préfets. Ces autorités n’ont pas conscience qu’elles sont elles-mêmes des justiciables ?
Plus près de nous, nous assistions récemment à des interventions répétées de l’exécutif dans les procédures judiciaires concernant les dossiers très politisés des présumés narcotrafiquants.
La justice, c’est notre avis, n’est plus en état de protéger les libertés individuelles parce que tout est mis en œuvre pour qu’elle ne puisse pas accomplir sa mission légale et universelle de dire le droit.
Depuis toujours certaines autorités administratives en Guinée rejettent intentionnellement la notion d’indépendance de la magistrature car elles s’accommodent mal des équilibres démocratiques traditionnels où la justice est perçue comme un rempart contre l’arbitraire.
Ces autorités pensent par ignorance ou par mépris que la justice est une branche de l’exécutif. Pour elles, la magistrature doit achever leur travail par des mesures ou des décisions répressives. Et la magistrature, surtout celle du parquet, vaincue ne fait pas croire le contraire.
Dans l’esprit de ces autorités politiques et administratives, la justice ne fait bien son travail que lorsqu’elle punit: le juge doit devenir un exécutant, obéissant à leurs injonctions, au risque d’altérer définitivement l’équilibre démocratique.
Ces messieurs n’ont qu’un seul projet pour la justice: la soumettre à leur dessein de se voir aduler comme des héros qui ont sauvé la Guinée de lei ou tel Fléau en livrant des parias.
Pour y parvenir les moyens ne manquent pas, soif l’intimidation, soit la soumission affichée et aboutie des parquets au sein desquels le poids écrasant de l’exécutif entraîne un rétrécissement insupportable du pouvoir d’appréciation des magistrats.
L’affaire des présumés narcotrafiquants, des faux médicaments et l’affaire Mosmart constituent les dernières expressions de cette instrumentalisation au quotidien de la justice où le parquet a été vu ni plus ni moins comme le bras armé de l’exécutif.
Fragilisé, le parquet n’est plus aux yeux du Barreau une autorité judiciaire. li o relayé sans sourciller les exigences répressives de l’exécutif. Bref, le parquet est-il seulement conscient qu’il est en train de signer la mort de la justice républicaine?
Le juge du siège n’est pas épargné par cette logique de mise au pas. Il s’agit à travers les médias de décrédibiliser son action, de le taxer de laxiste ou corrompu afin de retourner l’opinion contre la justice.
Dans ce paysage de désolation judiciaire, le Barreau ne permettra pas que l’exécutif puisse asseoir définitivement son emprise sur la magistrature, car pour nous, défendre la magistrature indépendante, c’est défendre l’Etat de droit et sauver la justice républicaine, celle qui est au service du peuple et qui est rendue en son nom.
Face à son destin qu’a fait la magistrature ? Presque rien, car la magistrature n’est pas unie. Il ne faut donc pas s’étonner qu’elle ne se soit pas levée, qu’elle n’ait pas protestée.
A bout de souffle, la magistrature n’a pas la volonté d’endiguer les graves atteintes à son indépendance, Il en résulte immanquablement une situation d’asphyxie des libertés.
Mesdames et messieurs, il n’est pas tard, seule une lutte concertée de ses acteurs peut lui instituer un rapport de force favorable face aux velléités hégémoniques répétées de l’exécutif à l’égard de la justice.
Certaines autorités en mal de publicité placent leurs propres intérêts avant ceux de la société, en s’efforçant d’empêcher que le respect des droits individuels par la justice, le respect également de la loi et des règles de procédure par celle-ci n’assurent un acquittement des suspects qu’elles ont livré à la justice. La société a un seul souci, celui de connaître la vérité. Les personnes poursuivies sont-elles coupables des faits à elles reprochés ou ne sont elles pas coupables?
Ces autorités avant de livrer les suspects à la justice ont pris l’habitude de les exhiber devant les écrans de la télévision comme des trophées de chasse, voulant prouver à ‘opinion nationale leur prouesse.
Une enquête se construit avec le temps. L’humiliation, es arrestations musclées, les menottes devant les caméras de la télévision c’est indigne d’une démocratie, contraire à l’idée que l’on se fait de la justice. C’est peut-être exagérer mais on peut à tort briser une carrière, ruiner une famille, salir à jamais une réputation.
La justice guinéenne fonctionnerait mieux si les lois existantes étaient appliquées et les droits de la défense respectés, l’information du Procureur de toute garde à vue, la présence immédiate de l’avocat à la phase préliminaire telle que prévue par l’article 1er de la Loi 014 du 26 mai 2004 portant réorganisation de la profession d’avocat en République de Guinée.
Mais toute autre façon de procéder qui rompt avec l’Etat de droit compromet la présomption d’innocence, fausse e cours de la justice, fait jeter publiquement le discrédit sur des personnes qui n’ont pas encore été jugées et qui n’ont pu apporter la contradiction à la télévision face aux accusations dont elles sont l’objet.
Sachons une chose, une personne qui a été accusée à tort ressort détruite, sa vie est détruite. Sa vie sociale est compromise, psychologiquement ce n’est plus la même personne. Il faut rappeler à tous sans distinction que les magistrats ne sont pas des fonctionnaires comme les autres. Ils assurent certes le fonctionnement d’un service public, celui de la justice, mais à la différence des autres fonctionnaires qui tiennent leurs pouvoirs d’une délégation du gouvernement, les magistrats, dans un Etat démocratique, puisent directement leurs missions et pouvoirs de la constitution au même titre que les membres du gouvernement et de l’assemblée nationale. La fonction de juger est une mission qui revient directement aux magistrats, sans délégation aucune du gouvernement ou de l’assemblée nationale.
Les magistrats eux-mêmes sont-ils conscients de cette réalité ?
Les magistrats sont considérés comme des fonctionnaires pour essentiellement deux choses: l’obéissance hiérarchique et la possibilité d’immixtion du Ministre de la Justice dans la gestion de leur carrière administrative mais jamais le Ministre ne peut et ne doit donner des instructions aux magistrats dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles.
Mais malheureusement, à force de les assimiler aux autres fonctionnaires tout le monde finit par oublier que les magistrats représentent une entité distincte de l’exécutif et du législatif: le pouvoir judiciaire ou l’autorité judiciaire.
Dans la conception guinéenne, l’inamovibilité du juge du siège est une garantie généralement citée dès l’évocation du sujet de l’indépendance de la magistrature. Déjà ‘inamovibilité n’est qu’un mythe. Dans la pratique, les magistrats guinéens le savent eux qui ne se sentent pas à l’abri d’une affectation intempestive ou arbitraire. L’affectation (disciplinaire) dans une juridiction de brousse demeure encore une arme efficace pour influencer un juge demeurant dans les grandes villes.
Dans un Etat de droit et dans notre législation actuelle, l’exercice de la discipline des juges encore appelés magistrats du siège incombe au Conseil supérieur de la magistrature.
En principe les magistrats ne devraient recevoir d’ordres de quiconque dans leur mission de rendre la justice. Seules la loi et leur intime conviction devraient les guider lors de la prise de leurs décisions.
Les tristes constats dressés ci-dessus nous amènent à attirer votre singulière attention sur la nécessaire réforme de la justice qui nous paraît aussi urgente que celle des Forces de défense et de sécurité car la justice est prise en otage actuellement autant par l’immobilisme des acteurs qui l’uniment que par les politiques qui la mettent sous pression de toutes sortes. Cette réforme est d’autant indispensable qu’elle constitue un gage certain pour l’Etat de droit au bénéfice tant des droits de l’Homme que de la sécurité des investissements aussi bien nationaux qu’étrangers.
C’est pourquoi, le Barreau de Guinée appelle de tous ses vœux la tenue des Etats généraux de la Justice. Au — delà de ces constats, je tiens à vous dire que le Barreau se réjouit de la tenue de ces assises.
En effet, c’est l’occasion, si les magistrats le veulent bien, de renouer avec la loi et le fondement de notre société de droit, la justice.
Aujourd’hui, nous sommes sur le terrain de la justice et elle se doit de faire bonne figure, autrement on n’aura donné raison à des millions de Guinéens qui se plaignent actuellement de leur justice.
Tout cela pour vous dire que le Barreau est heureux de participer avec vous au succès de ces assises qui se présentent comme un test pour les magistrats victimes des ingérences intolérables de l’exécutif.
C’est un test en ce sens que les magistrats sont appelés à faire la preuve de leur capacité à se soustraire aux multiples pressions qui minent leur indépendance et entament leur crédibilité aux yeux des justiciables.
Le Secrétaire Permanent du CNDD affirmait il n’y a pas longtemps devant les Avocats que les magistrats guinéens n’ont jamais su résister aux pressions politiques, financières
ou autres et qu’ils ont toujours rendu leurs décisions sous influence.
A contrario, le Garde des Sceaux actuel a toujours affirmé
qu’il ne sera jamais ce Ministre qui donnerait des instructions
à un juge pour décider contrairement à la loi et à sa
conscience. C'est pour dire que l’indépendance est d'abord et avant tout l’affaire des juges eux- mêmes, l’Etat ne pouvant leur donner que les moyens de leur indépendance.
Cette année, le Barreau pose, à l’ouverture solennelle ce la présente Cour d’Assises, une question à la fois imper taule et complexe. Comme toutes les grandes questions, elle tient en peu de mots: quelle justice pour la Guinée d’aujourd’hui?
Ma réflexion m’a ramené aux sources et aux fondements de la justice.
La justice c’est d’abord un principe moral.
Les principes de justice font des individus des êtres de raison, et des sociétés des organisations respectueuses des personnes.
Alors, à la question quelle justice pour la Guinée d’aujourd’hui, je réponds d’abord une justice pour les citoyens, une justice qui leur ressemble et qui les rassemble, et non une justice au service de l’exécutif.
Cette justice, elle n’est pas immobile. Elle est aussi vivante que la société et ses citoyens. Elle évolue selon les époques et les enjeux.
Une justice qui ne sait pas évoluer avec la société dont elle émane s’éloigne des citoyens.
Alors, quelle justice pour la Guinée d’aujourd’hui? Je vous dirai une justice qui évolue en harmonie avec les valeurs de la société.
Et nous avons cette justice évolutive. Il suffit de regarder derrière pour voir se multiplier les exemples de cette évolution.
Pensons seulement à la défunte Loi fondamentale, bien que taillée sur mesure à l’époque, elle nous a tracé la voie vers un plus grand respect de la dignité et de l’égalité des personnes en toutes circonstances.
Nous avons une justice qui est le miroir des valeurs consensuelles des citoyens et qui évolue avec ces valeurs.
Notre justice doit réaffirmer les grands principes de la vie en société tels que nous les concevons.
Les Guinéens se reconnaissent- ils dans leur système de justice? On le sait, c’est un système qui n’a pas inspiré confiance jusqu’à ce jour. Or, la confiance est la principale assise d’une bonne justice; une justice doit trouver une légitimité chez les citoyens qu’elle sert. N’oublions pas que justice est rendue au nom du peuple qui doit retrouver ses valeurs de vérité, d’égalité et de liberté dans les jugements.
Le Barreau de Guinée que j’ai l’honneur de diriger, en sentinelle infatigable de l’Etat de droit, saura jouer sa partition pour le triomphe de la vérité au cours des débats qui promettent d’être rudes entre le Ministère public et nous pour qu’à l'issue aucun innocent ne soit retenu dans les liens de la culpabilité.
Nous ne lui ferons aucun cadeau pouvant lui permettre de maintenir ses constructions faites sur du sable mouvant.
Autrement dit, nous serons là pour assurer la défense, toute la défense, rien que la défense pour que lesdites constructions s’écroulent comme des châteaux de cartes. Cela est valable pour tous les 115 dossiers inscrits au râle des présentes assises.
En accomplissant cette défense, nous interviendrons, loin de nous toute intention de mépris de la lutte légitime du peuple de Guinée contre les fléaux de la drogue de détournements de deniers publics qui avaient fini par gangrener notre société sous la Gouvernance précédant mais nous ne cautionnerons jamais qu’elle soit engagé sur fond de règlements de comptes.
En effet, certains organes de l’Etat ont dévoyé cette lutte noble simplement parce qu’ils ont dans leur point de mire certains hauts cadres auxquels ils veulent régler des compte en les détruisant à jamais. Leur acharnement contre ces personnes était tel qu’on a méprisé tous leurs droits.
Nous nous battrons dans les règles de l’art pour que ces droits pour la plupart d’ordre public qui ont été escamotés soient complètement rétablis à l’égard des personnes qui en sont bénéficiaires. Ce qui est regrettable, c’est la possibilité qu’ils ont offert à beaucoup de prédateurs de l’économie nationale de rester dans le pays et de continuer de narguer le peuple martyr de Guinée dont ils ont provoqué la misère noire alors qu’ils auraient du être devant les juridictions pour répondre de leurs actes criminels. Hélas pour la Guinée !
Quant aux personnes qui sont poursuivies aujourd’hui que certains ont déjà condamnées avant le procès leur regard demeure tourné vers la Cour.
C’est pourquoi, Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de Conakry, avant de terminer mon propos, je me tourne vers vous en disant que toutes les religions monothéistes de la planète ne vous diront pas que Dieu, quoiqu’il soit Maître de toutes les sciences, est médecin, littéraire, journaliste ou gendarme mais toutes vous diront qu’il est Juge. Alors, vous, vous êtes investi dans ce bas monde de cette noble fonction de Dieu. A vous de la mériter. Et nous estimons que vous la méritez.
En somme, nous souhaitons que la justice, celle qui fait jaillir la vérité, triomphe dans toutes les affaires inscrites au rôle des présentes assises.
Je vous remercie de votre bien obligeante attention.
Le Bâtonnier
Maître Mohamed SAMPIL
Commandeur de l’Ordre national du Mérite.