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Guinée: Les ratés du chronogramme électoral créent le doute sur la junte

Jul 22, 2009

Plus de sept mois après son arrivée au pouvoir, la junte militaire en Guinée n’arrive pas à rassurer l’opinion sur son intention de quitter les affaires, malgré les propos persistants de son chef Moussa Dadis Camara qui affirme que le calendrier électoral sera respecté.

Le groupe international de contact (GIC) pour la Guinée, a insisté jeudi dernier auprès de la junte et des acteurs politiques en Guinée pour le «respect de leurs engagements» visant à organiser des élections avant la fin du mois de décembre de cette année.

«Un comité ad hoc a déjà été constitué, ses membres choisis et aussitôt après la mission du GIC, ils auront 10 jours pour rendre des conclusions pour nous dire comment nous pourrons organiser des élections en 2009», a indiqué à IPS, Jean Marie Doré, porte-parole des «forces vives» qui sont composées des principaux partis politiques et des leaders de la société civile.

«Dans tout le processus, on remarque qu’il y a des problèmes. Les structures comme le Conseil national de transition, qui est censé piloter le processus et qui aurait dû être théoriquement créé depuis le mois de mars, n’est pas en place. Au niveau du recensement, il y a des problèmes parce que le financement n’est pas suffisant», explique à IPS, Thierno Maadjou Sow, président de l’Organisation guinéenne des droits de l’homme, une organisation non gouvernementale (ONG) basée à Conakry, la capitale guinéenne.

«A notre niveau, nous constatons que malgré toutes les déclarations de bonnes intentions, il n’y a aucun acte concret qui soit posé dans le sens du respect du chronogramme», observe Amadou Mouctar Diallo, le jeune leader des Nouvelles forces démocratiques, un parti récemment constitué. «Le manque de volonté politique est évident car depuis tout le temps que l’on parle des élections, on ne devrait pas être à ce stade», affirme-t-il à IPS.

Les opérations préélectorales se heurtent notamment aux écueils liés au bouclage du recensement général, mais également à la grogne des opérateurs de saisie qui réclament leurs primes impayées, faute de fonds.

Par ailleurs, la nouvelle méthode d'enrôlement sur support numérique a créé, à un moment donné, des difficultés aux agents électoraux qui avaient du mal à s'adapter au matériel offert par l'Union européenne (UE). Tous ces problèmes, associés dans un premier temps au non-paiement des trois millions de dollars par trimestre promis par l'Etat, ont aggravé le retard dans le processus électoral.

Les autorités ont annoncé avoir débloqué trois millions de dollars pour achever les opérations de recensement sur un apport total estimé à neuf millions de dollars représentant la participation du gouvernement pour l’organisation du scrutin à venir.

Les autres bailleurs de fonds, essentiellement l’UE, devraient compléter quelque 27,2 millions de dollars pour boucler le budget général de ces élections cruciales pour ce pays d’Afrique de l’ouest, second producteur mondial de bauxite après l’Australie.

«On devrait pourtant se focaliser sur la possibilité d’organiser des élections justes et transparentes, ce qui est une condition incontournable pour remettre ce pays sur la bonne voie», souligne Sow.

«Je pense qu’il faut s’en tenir à l’engagement du chef de l’Etat qui a dit et répété qu’il va respecter le chronogramme proposé par les forces vives, et il a accepté notre initiative de mettre en place un comité ad hoc pour arrêter des dates précises», estime Doré.

Mais dimanche dernier, un communiqué signé du capitaine Camara, annonçant un complot international fomenté par des narcotrafiquants pour attaquer la Guinée à partir des frontières de la Guinée-Bissau, de la Casamance (Sénégal) et du Liberia, est venu renforcer le scepticisme des observateurs par rapport aux intentions réelles de la junte.

«Le ministère de la Sécurité a été informé par les services de sécurité, ainsi que d’autres sources dignes de foi de la préparation d’une attaque contre la Guinée, à partir de ses frontières avec la Guinée-Bissau et dans la région de la Casamance. Il est en effet signalé des regroupements et des mouvements d’hommes à la frontière nord avec la Guinée-Bissau, à la frontière sud à Foya sur le territoire libérien», affirme le communiqué.

«Les autorités guinéennes tiennent à prévenir que tout groupe, qui franchira ses frontières, aura posé un acte de guerre et sera réprimé avec la dernière énergie, et sera poursuivi jusque dans le pays qui aura servi de base arrière à la tentative de subversion...», ajoute-t-il.

Toutefois, les gouvernements des pays visés par les accusations de Conakry ont tous catégoriquement rejeté les informations du capitaine Camara, les qualifiant de «sans fondements».

«Nous espérons que les autorités guinéennes vont accepter de partager avec nous les informations concernant cette menace», a déclaré cette semaine le commissaire à la sécurité et à la paix de l’Union africaine, Ramtane Lamamra.

De son côté, le capitaine Camara persiste sur ses accusations et menace de poursuivre toute personne qui tenterait de dire qu’il cherche un prétexte pour repousser les élections.

Mais, cette dernière sortie du chef de la junte a provoqué la colère de certains citoyens qui craignent pour la liberté d’expression.

«Cette déclaration est totalement inadmissible. La liberté d’expression est un droit inaliénable que personne ne devrait remettre en cause. On ne peut pas faire une déclaration publique et tenter d’empêcher les gens d’en discuter», affirme Thierno Diallo, un activiste des droits de l’Homme.

La presse locale a vivement condamné la réaction du chef de la junte suite à l’annonce de son communiqué faisant état de la menace de déstabilisation.

Pour sa part, l’ONG américaine 'Human Rights Watch' a invité, début-juillet, les nouvelles autorités militaires à respecter les droits de l’Homme, en faisant allusion aux plaintes de nombreux citoyens concernant les brimades, exactions et abus de pouvoir commis par des militaires depuis leur prise du pouvoir.

En juin, l'ancien Premier ministre, Cellou Dalein Diallo, leader de l'Union des forces démocratiques de Guinée, a été empêché d'entrer dans la ville de Kérouané par des éléments armés affirmant obéir aux ordres de la junte. Plus tard, le ministre de l'Administration du Territoire, Frédérick Kolié, a publié un arrêté interdisant toute manifestation ayant allure de "campagne électorale", mais il a été vigoureusement désavoué, dès le lendemain, par le capitaine Camara.

"Nous sommes dans une situation où tout peut basculer dans un sens ou dans l'autre. Il faut absolument recadrer la junte pour qu'elle ne s'éloigne pas de sa mission qui consiste à réussir la transition et organiser des élections libres et transparentes", affirme Amadou Camara, un juriste indépendant. "Il faut absolument soumettre tous les citoyens, y compris les militaires, à la loi qui doit rester au-dessus de tout le monde". - IPS

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