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Hadja Rabiatou Sérah Diallo: « Cinquante un ans d'indépendance, cinquante un ans de misère, il faut que cela s'arrête »

Apr 09, 2010

La Présidente du Conseil National de la Transition (CNT), en Guinée, Hadja Rabiatou Sérah Diallo, a tenu ce 8 avril, une conférence de presse. AfricaLog vous propose l'extrait des échanges avec la presse.

Il y a bientôt un mois depuis que les membres du CNT ont pris leurs fonctions. Peut-on avoir un bilan de ce qui a été fait depuis cette date jusque maintenant?

Nous avons fait beaucoup de choses. Quand la présidence du CNT a été nommée, nous nous sommes dits à trois, qu'il faut travailler. Heureusement que le Président intérimaire a nommé les deux vice-présidents du CNT qui ont participé au choix des autres membres qui devraient être nommés. Nous avons travaillé dur, selon la clé de répartition de Ouaga. Mais dans ce travail, nous avons constaté que la clé de répartition de Ouaga ne pouvait pas répondre aux aspirations de la population. Nous nous sommes dit alors, puisque dans la feuille de route, on parle de réconciliation, il ne faut pas qu'il y ait exclusion. Mais qu'il faille partir avec une lettre, expliquer au Président que les accords de Ouaga n'ont pas pris en compte, sans le vouloir, la participation, par exemple des magistrats, des médias publics. Après donc toute consultation, on a eu l'aval de faire l'élargissement, pour que l'image réelle de notre pays soit représenté dans le CNT. Parce qu'il ne faut pas se perdre de vue que le CNT est un organe qui légifère. Alors, dès que le décret est tombé, nous avons interpellé les membres pour leur dire qu'il faut revoir le fonctionnement du CNT. Nous avons fait le projet, l'adopté en plénière. Nous sommes penchés ensuite sur le règlement intérieur, la formation des Commissions. À ce niveau, nous avons dit que chacun sait de quoi il est capable et de s'y inscrire. Neuf commissions ont été donc constituées. Ce sont les commissions constitutionnelles, réconciliation nationale et droits humains, défense et sécurité, communication, code électoral, suivi et évaluation de l'action gouvernementale, lois, accords, convention et traités, évaluation et suivi des activités de la CENI, affaires économique financières et plan. Les commissions se sont réunies pour élire les présidents, suivi du plan d'action de chaque commission, et mettre un bureau exécutif de 17 membres, comptant en son sein tous les présidents des Commissions. La première plénière a été consacrée à faire tout cela et l'adopter. Depuis les commissions travaillent dur et continuent à travailler. Nous avons reçu des contributions des Guinéens de l'extérieur. Certains d'entre eux viennent eux-mêmes, d'autres nous les envoient par des mails.
Nous ferons autre chose. Au niveau de la Commission réconciliation par exemple, nous ne dirons pas qu'avant la fin de la transition, nous aurons abouti à cette réconciliation, mais nous aurons posé les jalons, pour que ceux qui viendront après nous trouvent le terrain balayé. Voilà pour quoi, avec le partenariat du BIT, nous formons les membres du CNT sur les techniques du dialogue social. Nous prenons aussi contact avec les victimes, pour les faire comprendre qu'elles ne sont les seules victimes, mais nous sommes tous des victimes. Il faut les mettre en confiance afin qu'elles n'oublient pas, mais qu'elles arrivent à pardonner.

Vous étiez Secrétaire générale de la CNTG. Allez-vous y retourner après avoir fini la mission au sein du CNT?

Je ne suis pas la seule du mouvement social guinéen à être membre du CNT. Dans nos statuts, je peux bien être en mission, après laquelle je peux retourner dans le mouvement syndical. Le congrès de la CNT devrait se tenir au mois de septembre 2010, le bureau confédéral s'est réuni pour m'accorder cette mission. C'est pourquoi, j'exerce les activités du mouvement syndical tant sur le plan national, africain qu'international. Donc après cette mission, je vais retourner à ma base.

Le CNT éprouve-t-il des difficultés d'ordre financier dans l'exécution de sa mission?

Il y a des difficultés certes, mais nous avons décidé de prendre à bras le corps ces problèmes dès le départ, pour commencer à travailler. Parce que nous sommes limités par le temps, nous avons pris des engagements. Il y a des choses qu'on peut résoudre par les finances, mais il y en a d'autres qui peuvent être réglées sans les finances. J'avoue que ces difficultés d'ordre financier se posent. Mais un montant de 7 milliards de francs guinéens nous a été accordé, et une avance de 2 milliards doit tomber dans le compte du CNT à la Banque centrale. Mais j'avoue que tous les membres du CNT se sont engagés à travailler en attendant que tout cela ne soit réglé. Il y a de bonnes volontés qui nous sont venus au secours, telles que les opérateurs économiques qui sont représentés au sein du CNT, qui nous ont fait une avance pour au moins les transports des conseillers.

Le CNT pourra-t-il achever sa mission avant la date du 27 juin, prévue pour la tenue du premier tour de l'élection présidentielle?

Si le CNT, de par la sorcellerie, pourrait rapprocher cette date de demain, il l'aurait fait. Parce qu'il faut que le pays sorte de la crise. Le travaille est en train d'être fait dans ce sens. Nous ne voulons pas que ce qui est arrivé à ce pays ces dernières années se répètent. Cinquante un ans d'indépendance, cinquante un ans de misère, il faut que cela s'arrête. On ne peut pas l'obtenir si nous n'allons pas à une démocratie réelle si nous n'avons pas un Président démocratiquement élu, si nous n'avons pas un Président de l'Assemblée démocratiquement élu. C'est le retour à l'ordre constitutionnel, qui pourra freiner la mal gouvernance.

Nous, nous pensons que la date du 27 juin est un peu éloignée. Mais puisqu'il en est ainsi, nous travaillons en fonction de la date fixée. Nous n'avons aucun problème par rapport à ça, sinon que travailler pour sortir de la crise. Nous nous donnons corps et âme, nous n'avons pas d'heures, ni de fête…

Je ne dirai pas que tout est fini, mais nous sommes très avancés par rapport à la date qui a été fixée. Nous ne nous amusons pas avec cette date. Chacun de nous en fait son point d'honneur. Nous œuvrons dans ce sens entre nous, en dehors de nous, partout, pour motiver les uns et les autres d'accepter d'aller aux élections. Il n'y a pas de raisons qu’on n’aille pas aux élections le 27 juin. Si nous n'allons pas aux élections à cette date, ce sera le manque à la volonté politique… Tout travail qui va se faire doit être dans le sens du respect de la date du 27 juin 2010, retenue pour le premier tour de l'élection présidentielle. Chacun doit avoir l'ambition que ces élections aient lieu à cette date prévue. J'espère que Dieu nous écoute et nous entendra. Ceci est sincère, ça vient au fond de mon cœur.

Quels sont les points qui méritent d'être modifiés dans la constitution?

Ce n'est pas toute la Loi Fondamentale qui doit être remise en cause. Celui qui est né en 1992 sait, quel est le mal fondamental que cette loi renferme, comme tous les Guinéens. Il ne faut pas qu'on se jette la poudre aux yeux. Nous connaissons ce qui a menotté le peuple de Guinée. Chacun sait où on a taillé dans la constitution, à la mesure d'un homme. Ce n'est donc pas toute la loi qui est remise en cause. Cette lutte a commencé bien avant le 28 septembre 2009. Il y a eu par exemple la campagne menée par le Conseil économique et social à travers la Guinée avec l'appui du PNUD et IFES. Une recommandation a été faite au Novotel de Conakry. Cette recommandation est encore d'actualité. L'Assemblée nationale était encore fonctionnelle, mais on avait dit toilettage de la Constitution et tout le monde l'avait accepté…

Vous venez de dire que la date du 27 juin ne pose pas problème au CNT et que seul un manque de volonté politique empêchera les Guinéens à aller aux urnes à cette date. Quelle sera la réaction du CNT, si le Gouvernement ne réussissait à accomplir sa mission d'organiser les élections comme le veut le peuple de Guinée?

Le peuple est là. Il saura qui veut libérer ce pays et qui ne le veut pas. Nous avons notre lettre de mission et nous ferons notre travail en fonction de cette lettre. Le président de la transition tranchera, parce que c'est lui qui s'est engagé par un décret. Vous l'avez entendu à Bamako, à Dakar, à Paris, partout il a dit sur les antennes que le 27 juin 2010 est à respecter. La lettre de mission n'est pas faite pour satisfaire un homme, ma conviction c'est de la suivre, aider le peuple de Guinée à sortir de cette crise. Il n'y a pas de conflit de compétence entre les deux. Le gouvernement c'est l'exécutif, le CNT c'est législatif. Nous avons les mêmes objectifs, mais nous n'avons pas le même chemin. Il n'y a aucun problème entre le Premier ministre et la Présidente du CNT, ils sont frères et sœur, des Guinéens tout court. Mais quand vous êtes même des jumeaux dans une classe, vous ne pouvez pas aller de la même vitesse. Souvent je dis aussi que le mensonge prend l'ascenseur, il ira vite, la vérité prendra les escaliers, ils n'arriveront pas en même temps, mais ils prendront ensemble l'ascenseur pour descendre. Nous allons avec la vérité, peut être avec lenteur, mais sûrement nous serons au rendez-vous du 27 juin 2010.

Votre dernier message…

Merci d'être venu. L'avenir de ce pays est dans vos mains, aidez-nous à véhiculer le bon message. N'encouragez pas la division, les médias sont au coeur de la transition. Aidez-nous à sortir le pays de la crise. L'histoire retiendra que chacun de nous a joué un rôle dans ce pays.

Propos recueillis par Mamadou Siré Diallo
 

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