Neuf personnes ont été tuées dans un quartier d'opposants du sud de Bujumbura peu avant le début d'opérations de désarmement forcé "maison par maison" dans le nord de la capitale du Burundi. Le président rwandais accuse son voisin burundais de "massacrer" son peuple.
Dans une virulente charge publique, Paul Kagame a estimé que la situation au Burundi "rappelle un peu celle qui a prévalu ici" au Rwanda en 1994 lors du génocide, qui en à peine 100 jours à partir d'avril 1994 a fait environ 800,000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi.
"Ils (les Burundais) auraient dû tirer les leçons de ce qui s'est passé ici," a-t-il déclaré. Il a également vivement critiqué son homologue burundais, Pierre Nkurunziza qui, selon lui, "s'enferme" et "se cache", dans un discours prononcé vendredi dont l'AFP a eu connaissance dimanche.
A Bujumbura, des centaines de policiers ont encerclé dimanche à l'aube le quartier contestataire de Mutakura, dans le nord de la capitale - déserté par ses habitants - où ils procèdent à des fouilles systématiques, selon des témoignages.
Le président Pierre Nkurunziza avait donné à ses opposants jusqu'à samedi soir pour "déposer les armes" en échange d'une amnistie, après quoi la police pourrait "user de tous les moyens".
Parallèlement, le maire de Bujumbura a fait état de sept morts dans un bar au sud de la capitale dans la nuit. Des hommes armés "ont tiré" sur des personnes qu'elles ont obligé à se coucher à terre "froidement". "C'était vraiment une exécution", a déclaré le maire. Le bilan de cette attaque a grimpé à neuf morts, selon des sources médicales, deux blessés ayant succombé à leurs blessures.
Plusieurs quartiers du sud de la capitale ont été en pointe dans la contestation du troisième mandat présidentiel. Des insurgés armés, qui se nomment eux-mêmes " les résistants, y sont présents, a-t-on appris de sources concordantes. Le maire a reconnu que "les quartiers contestataires, surtout ceux situés dans le Nord, se sont pratiquement vidés de tous leurs habitants".
Pris de panique, les habitants des quartiers de Mutakura et Cibitoke, où ont eu lieu des manifestations anti-gouvernementales et où l'on recense chaque jour plusieurs morts, ont fui dimanche matin à l'arrivée des forces de l'ordre.
"Les gens sont totalement paniqués, certains terrorisés, et cette peur se nourrit des rumeurs d'attaques de la police et des Imbonerakure (ligue jeune du parti au pouvoir, considérée comme une milice par l'ONU) qui ont été confortés par les discours incendiaires des autorités", explique un analyste burundais.
Au moins 200 personnes sont mortes depuis la fin avril, et quelque 200,000 ont fui le pays depuis le début de la crise. La présidence a tenté samedi de rassurer la communauté internationale qui redoute des violences ethniques à grande échelle, assurant qu'il n'y aurait ni "guerre" ni "génocide" au Burundi.
Alors que les relations entre le Rwanda et le Burundi sont au plus bas, le président Kagame a ajouté que "les gens meurent tous les jours (au Burundi), les cadavres jonchent les rues". Bujumbura accuse Kigali de soutenir ses opposants, voire de servir de base arrière à une rébellion naissante.
Le Rwanda s'inquiète du retour depuis plusieurs mois d'une possible présence de rebelles hutu des FDLR au Burundi, dont certains membres sont accusés d'avoir activement pris part au génocide au Rwanda en 1994 et d'éventuels massacres ethniques à grande échelle chez son voisin.
La candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat, contraire, selon les opposants burundais et Washington, à la Constitution et à l'accord d'Arusha ayant mis fin à la guerre civile, a plongé le Burundi dans une grave crise politique, émaillée de violences meurtrières. – AfricaLog avec agence