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Le Niger cherche Ă  renouer le dialogue avec la CEDEAO

Nov 12, 2009

Le gouvernement du Niger a envoyé cette semaine une délégation en tournée dans les pays membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), conduite par son tout nouveau Premier ministre, Ali Badjo Gamatié.

«Le Niger a une position qui n'a pas été suffisamment expliquée et il faudrait que nous prenions des dispositions pour que ces explications puissent être portées au niveau de la CEDEAO", a déclaré Badjo Gamatié.

«La CEDEAO a suspendu le Niger, mais ne l'a pas exclu. Nous trouverons le plus rapidement possible les mécanismes et les moyens de nous retrouver dans la famille CEDEAO avec toutes nos prérogatives», a ajouté le Premier ministre nigérien.

Sans fermer la voie du dialogue, la CEDEAO a souhaité impliquer l'Union africaine (UA) sur ce dossier. Elle l'a officiellement saisie de la crise politique nigérienne, en lui demandant de prendre «les mesures appropriées».

Mais, le sommet du Conseil de sécurité et de paix de l’UA, réuni jeudi à Abuja, la capitale du Nigeria, n’a pas pris de décision particulière sur le Niger. Le conseil a tout simplement entériné les sanctions déjà prises par la CEDEAO et attend toutefois un rapport sur l’évolution de la situation dans le pays dans un mois.

Les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO ont décidé de suspendre le Niger de cette organisation sous-régionale qui a refusé de reconnaître les élections législatives du 20 octobre dont elle avait pourtant demandé le report.

Après le référendum contesté du 4 août dernier qui a balayé toutes les institutions légales et démocratiques de la 5ème République du Niger, le chef de l’Etat, Tandja Mamadou, a organisé ces élections législatives auxquelles avaient participé une vingtaine de partis politiques proches du pouvoir et des candidats indépendants. Mais elles ont été boycottées par l’opposition.

Dans un communiqué rendu public, le 20 octobre, la CEDEAO a annoncé qu’elle ne reconnaîtrait pas les résultats de ce scrutin et a suspendu le Niger de toutes ces instances à cause de son refus de reporter ces élections et du non-respect de l’article 45 de son protocole supplémentaire sur la démocratie et la bonne gouvernance.

Lors d’une réunion le 17 octobre à Abuja, l’organisation sous-régionale avait demandé aux autorités nigériennes de reporter le scrutin et d’ouvrir le dialogue avec l’opposition politique. Une mission de bons offices avait été conduite à Niamey, la capitale du Niger, le lendemain, par la présidente du Libéria, Ellen Johnson-Sirleaf, mais le gouvernement nigérien avait refusé d’obtempérer.

«La tenue de ces élections s'est faite au mépris total des chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO, et témoigne de la volonté manifeste des autorités nigériennes de poursuivre dans la voie de l'illégalité constitutionnelle qui prévaut actuellement», indiquait le communiqué.

Le chef de l’Etat nigérian, président en exercice de la CEDEAO, Umaru Musa Yar’Adua, a souligné que «l’attitude du président nigérien signifie également le rejet des appels au dialogue pour résoudre la crise constitutionnelle dans laquelle s'enfonce le pays».

Aux termes de cette sanction, le Niger se voit interdit de participer aux sommets des chefs d’Etat et aux réunions ministérielles de l’organisation sous-régionale. De même, les députés issus de ces élections du 20 octobre ne seront pas autorisés à siéger au Parlement de la CEDEAO.

La demande de report «est inappropriée et ils le savent. Les menaces de sanctions sont mal fondées, vous ne pouvez pas demander à un peuple de se dédire», avait réagi le ministre d’Etat de l’Intérieur, de la Décentralisation et de la Sécurité publique du Niger, Albadé Abouba.

«C’est comme un train lancé à 600 km/heure que vous voulez arrêter», avait estimé, pour sa part, Aïchatou Mindaoudou, chef de la diplomatie nigérienne.

Mais, l'opposition nigérienne ne partage pas ce point de vue. «Tout ce qui découle de la constitution du 4 août est anticonstitutionnel», a déclaré Mohamed Bazoum, vice-président du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), principale formation de l’opposition.

En boycottant ces élections, l'opposition nigérienne a déclaré contester la légitimité du président Tandja, dont le mandat, qui expire normalement en décembre prochain, a été prolongé de trois ans, à la faveur du référendum du 4 août auquel s'étaient opposées l'Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle du pays.

«La refondation de la République est irréversible», a soutenu Nouhou Arzika, président du Mouvement citoyen, une organisation de la société civile nigérienne favorable à la 6ème République issue de la nouvelle constitution votée le 4 août.

«Nous ne devons donc pas ignorer nos propres engagements internationaux pour nous mettre à crier que notre pays est souverain et qu’aucune organisation ne peut prendre des mesures à son encontre», a rappelé Moustapha Kadi, un autre membre de la société civile, opposé à la position officielle.

L’Union européenne (UE), un gros bailleur de fonds du Niger, avait également demandé le report du scrutin législatif, mettant en garde contre son impact négatif. L’UE a menacé de suspendre sa coopération si les autorités nigériennes ne restauraient pas l’ordre constitutionnel bouleversé depuis le référendum du 4 août. L'aide européenne au Niger, au titre du 10ème Fonds européen de développement, s'élèverait à près de 450 millions d'euros.

L’Union européenne pourrait activer l’article 96 des Accords de Cotonou, un document de coopération et de développement signé en juin 2000 au Bénin entre l’UE et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Cette disposition prévoit la possibilité d’une suspension de la coopération communautaire en cas de non-respect de critères démocratiques et de défense des droits de l’Homme.

De son côté, l’association française 'Survie', qui mène des campagnes d’information et d’interpellation des citoyens et des élus français pour une réforme de la politique de la France en Afrique, a demandé à Paris et à l’UE de ne pas se rendre complices du coup d’Etat constitutionnel au Niger pour les seules raisons de l’approvisionnement français en uranium.

Selon cette association, les autorités nigériennes sont soutenues par la Libye et par la diplomatie française qui freine toute prise de décision ferme de l’Union européenne. Cette attitude est en relation évidente avec la position dominante au Niger du groupe industriel français Areva, le numéro 1 du nucléaire civil au monde, soutient Survie.

Le 4 mai dernier, le groupe Areva et les autorités nigériennes avaient inauguré l'exploitation du gisement d’uranium d'Imouraren (nord du Niger), considéré comme le deuxième au monde, en présence du ministre français de la Coopération, Alain Joyandet.

Quelques semaines auparavant, le 27 mars, le président français, Nicolas Sarkozy, en visite à Niamey, avait finalisé l'accord entre le gouvernement nigérien et le groupe nucléaire. – IPS

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