Le partage des richesses du Gabon, important producteur de pétrole, est au centre de la campagne de la présidentielle du 30 août: tous les candidats s'accordent pour mettre en cause la gestion clientéliste de l'économie du président Omar Bongo décédé en juin.
Les Gabonais ne veulent plus des "détournements des deniers publics", de "l'enrichissement illicite", mais souhaitent une "nouvelle gouvernance", martèle depuis le début de la campagne l'ex-Premier ministre et candidat Jean Eyéghe Ndong. Cet ancien cacique du régime d'Omar Bongo, resté 41 ans au pouvoir, assure qu'il a compris "le voeu" de ses compatriotes qui "ne pensent et ne disent qu'une seule chose: +fini, le système Bongo+". Clientéliste, fonctionnant sur l'argent, le "système" de gestion mis en place par Bongo a permis de récompenser ses fidèles, mais pas de développer le Gabon, reconnaissent les 23 présidentiables en lice, dont le fils Bongo lui-même, Ali Bongo Ondimba, investi candidat par le parti au pouvoir. Peu peuplé, avec seulement 1,5 million d'habitants, le pays est pourtant riche: il est le quatrième producteur de pétrole d'Afrique sub-saharienne, le troisième producteur mondial de manganèse et le deuxième producteur africain de bois. Mais "60% des Gabonais vivent en-dessous du minimum vital (...) et seuls 2% de la population profitent réellement des richesses de notre pays", déplore l'ancien Premier ministre et candidat Casimir Oyé Mba. Routes quasi inexistantes à l'intérieur du pays, systèmes sanitaire et scolaire en lambeaux: le Gabon est "à faire", estime l'opposant-candidat Pierre Mamboundou. Selon Oyé Mba, la solution est simple: il faut "rationnaliser la gestion, pratiquer la bonne gouvernance à tous les niveaux, afin de garantir à chaque Gabonaise et à chaque Gabonais le fruit de son travail". Il faut "une meilleure redistribution de la richesse nationale", "une meilleure gestion des finances publiques", a aussi dit Ali Bongo à ses partisans. Pas si facile, estime cependant le sociologue Joseph Tonda. "Bongo va continuer à régner pendant plusieurs années". La "religion de l'argent" qu'il a développée "dépasse sa personne et se retrouve dans les structures physiques et mentales de toute la société" formatée pendant 41 ans, estime-t-il. Au Gabon, "les étudiants ont pris l'habitude d'être payés pour faire grève et payés pour arrêter de faire grève", souligne-t-il. La majorité des candidats à la présidentielle "ont vécu de ce système qui les a faits". "Nous sommes dans une logique de consommation: passer d'une économie de rente à une économie de production" va prendre beaucoup de temps. Même si la population "dénonce le fonctionnement négatif du système, elle en est demandeuse", précise aussi le sociologue. Si celui qui arrive au pouvoir "ne fait pas comme Bongo" en distribuant l'argent à ses proches, "il ne tiendra pas longtemps: tout le monde va lui tomber dessus", juge-t-il, rappelant l'importance de la culture "du don et du contre-don" en Afrique centrale. "Lorsqu'un homme politique va dans un village, on le reçoit, on lui donne à manger: c'est un don. Mais ce don appelle le contre-don. Et le contre-don qu'on attend du pouvoir, c'est de l'argent". La mort de Bongo c'est aussi la mort de son système, estime pour sa part une source proche de la présidence. "Les choses ne pourront plus être comme avant. Omar Bongo était partageur. Personne n'aura ni l'envie, ni la capacité de faire" comme lui, assure cette source. "Il n'y aura pas un autre Omar, c'est fini". - AFP