A quelques heures de la disparition du Conseil National de la Transition, CNT, au profit de l’Assemblée nationale issue des élections législatives du 28 septembre 2013, sa Présidente fait le point.
D’entrée de jeu, elle donne la raison pour le CNT, d’avoir accepté de siéger autour du projet de loi de finances alors que l’institution aurait "filé" le dossier aux députés élus. Ceux de l’opposition avaient même crié au scandale: «Ça n’engage qu’eux. Je suis désolée. Vraiment, je suis désolée parce que je connais tous les leaders de l’opposition-là , comme la paume de ma main. Ce sont de bons cadres, de hauts cadres de l’Etat. Qui ont servi l’Etat à des postes de responsabilité très élevée. Et c’est pourquoi je dis, quand la loi est en faveur d’une partie, il n’y a pas de problème. Quand elle n’est pas en leur faveur, ils critiquent».
Justement, à propos du décret de convocation de la session budgétaire, fût-elle extraordinaire, qu’en est-il ? Hadja Rabiatou Sérah Diallo est sereine: «Depuis que la Guinée est Guinée, la session budgétaire a toujours été convoquée par un décret. Et il en est ainsi depuis 2010 que nous sommes là . Et quand elle est convoquée par un décret, ce n’est pas nous [du CNT ; NDLR] qui l’avons fait. Ils [les opposants ; NDLR] devraient plutôt s’attaquer alors à celui-là [le signataire de l’acte ; NDLR] ;même si chacun d’entre nous avait voulu que ladite session soit examinée par les nouveaux députés. Mais, vous avez vu, depuis que les résultats [définitifs] ont été annoncés, l’opposition disait qu’elle ne voulait pas siéger. Il a fallu que les partenaires fassent des démarches pour ramener les uns et les autres [à de meilleurs sentiments ; NDLR] pour qu’il y eut cette déclaration qui est très salutaire pour toute la Guinée, qu’ils [les députés élus de l’opposition ; NDLR] prennent conscience pour dire qu’ils vont siéger à l’Assemblée, ramenant ainsi les débats de la rue au niveau de l’Hémicycle, ça a pris du temps».
Rabiatou Sérah prend le contre-pied de ceux qui pensent que les membres du CNT n’ont pas envie de quitter: «Regardez autour de mon bureau, allez visiter les autres bureaux, vous constaterez que l’on a rangé tous nos effets, parce que l’on s’attendait à chaque instant à la convocation des nouveaux députés. Mais, que voulez-vous ! Même quand le temps semblait court, que l’on ramène le pays à une crise financière ? On n’allait pas adopter le projet de budget 2014 au sein du CNT, disant que l’on attend les nouveaux députés. Il faut respecter un décret. C’est l’expression de l’autorité de l’Etat. L’Etat c’est qui ? C’est vous, c’est moi, ce sont les partis politiques, c’est tout le monde».
Explications de la Présidente du CNT: «Ils vont venir. Ils vont d’abord mettre leur bureau en place. Mais, quand ? Car, il ne faut pas que l’on se leurre! Tout le monde sait qu’entre eux, d’abord, ils ne s’accordent pas. A quel moment vont-ils s’entendre pour mettre le Bureau de l’Assemblée en place ainsi que les Commissions de travail? A quel moment ils vont finalement examiner la loi de Finances ? Tout le monde sait que depuis le début de la Transition, nous sommes toujours parvenus à adopter le budget au plus tard le 31 décembre, donc à temps, pour conforter la position de la Guinée auprès des Institutions de Breton Woods. Ils oublient ça. On allait créer une autre crise financière ! Même si certains estimaient que le Président de la République pouvait prendre une Ordonnance pour reconduire le budget passé [le 12ème provisoire ; NDLR]. Pour nous, au CNT, c’était un recul, c’était fuir nos responsabilités. On s’est dit, "non, il faut y faire face"».
L’ancienne responsable syndicale ne s’arrête pas là dans les explications: «Et puis, la porte n’est pas fermée. On a adopté ce budget. Au mois d’avril ou au mois d’octobre, ils auront la possibilité d’apporter leur contribution en révisant ou non cette loi. En attendant, il ne faut pas créer de problème là où il n’y en a pas. Ils sont élus, c’est vrai. Mais, ils ne sont pas encore installés ! Ils oublient que l’article 157 nous confère, jusqu’à leur installation, les prérogatives législatives. On ne pouvait donc pas faire autrement, que de faire face [à notre devoir] dans l’intérêt supérieur de la Nation pour que la Guinée ne recule pas».
D’où le regret de la Présidente du parlement de la transition: «Je suis désolée qu’il y a des députés élus qui sont parmi eux, qui ont participé aux discussions et à l’adoption de la Constitution. Ces derniers auraient dû leur rappeler cela. Parce qu’il ne faut pas créer de vide». Pour elle, «On allait convoquer les futurs députés. Le CNT allait quitter. Après, ils ne s’entendent pas pour la mise en place du Bureau et autres. Finalement, avant de faire face à l’examen du projet de budget. On sera le 1er janvier !».
Elle a, par ailleurs apprécié l’approche de Sidya Touré, député élu, qui avait tiré la sonnette d’alarme du fait que l’on s’acheminait vers le 1erJanvier sans que le budget 2014 n’ait été examiné. Ce qui nous conduisait vers le 12eme provisoire. Selon Rabiatou Sérah, cette intervention de Sidya «a encouragé les Conseillers». En effet, déclare-t-elle, «Sidya était inquiet, pas pour l’installation des députés mais, il était plutôt inquiet que jusque-là , on ne parlait pas du budget alors que le 1er janvier approchait. On allait donc être confronté à une crise financière».
Elle estime qu’«il ne s’agit pas du Président de la République. Il s’agit de restaurer l’autorité de l’Etat. Il ne s’agit pas de partis politiques de la mouvance présidentielle ou de l’opposition. Il s’agit de notre nation. Il s’agit de la Guinée. C’est pourquoi j’apprécie les gens de l’opposition qui pensent que non, "le CNT a parfaitement raison de répondre favorablement à l’appel du Chef de l’Etat en siégeant autour du projet de budget". Nous avons été suffisamment responsables», soutient-elle avant de révéler que l’opposition avait même appelé certains Conseillers à boycotter ladite session: «Malgré que l’opposition avait appelé les Conseillers à refuser de siéger, on a eu 122 présents, sans compter ceux qui étaient en mission, sans compter les malades hospitalisés. Et, il y avait les représentants des missions diplomatiques. Il faut donc, respecter les lois du pays. Sans ce respect, on ira de consensus en consensus et on ne s’en sortira pas».
Et face à ceux qui affirment que le CNT a reçu de l’argent de l’Exécutif pour qu’il accepte de siéger autour du projet de budget, la patronne du CNT est catégorique: «Je suis désolée que l’on parle toujours argent, argent, argent. Je verrai bien comment la future Assemblée va travailler. Moi, je ne vais pas sur ce terrain. Je pense que le Pr. Alpha Condé est mieux placé pour donner la raison de la non convocation des députés élus pour leur session inaugurale. En Côte d’Ivoire, ils ont mis six (6) mois avant la mise en place de l’assemblée. L’Allemagne a mis trois (3) mois !».
Elle se montre dépitée: «Quel argent ? Quel argent ? Moi, depuis que je suis à ce poste, je devrais avoir les mêmes avantages que Konaté [Sékouba, le Président de la Transition ; NDLR], que Jean Marie Doré [Premier ministre du Gouvernement de transition ; NDLR] en tant que Présidente d’une Institution de transition mais, je suis toujours dans mon logement. Je n’ai pas été logée. Même quand le Président Alpha Condé a appris que je me trouvais toujours dans mon logement habituel, il a voulu rectifier cela mais, je lui ai dit que ce n’est pas une priorité pour moi et que je préférais rester dans mon logement. Konaté a voulu me loger en son temps quand il est allé me rendre visite chez moi. Je lui dis que "je suis là pour six (6) mois, pourquoi, demander à être logée ?" Pourtant, on a reconstruit chez les autres, moi, même pas une brique de posée».
Par rapport au fameux ticket de sortie réclamé par les membres du CNT, la présidente de l’institution de la transition s’insurge: «Est-ce un crime de donner des jetons de présence aux Conseillers ? Quel est le crime ? Quand j’ai appris que le Président Alpha a promis de l’argent aux Conseillers partants, … Et puis, ce n’est pas lui qui a proposé cela. Il y a une ordonnance qui est claire : l’Exécutif qui est sorti [le gouvernement de Jean Marie Doré ; NDLR] est allé avec 500 millions de GNF, chaque Ministre avec son véhicule de commandement. Qu’en a-t-il été ? C’est le Président de la transition, Konaté qui a proposé cela. Et cela, il l’a décidé après l’envoi de missions au niveau des autres pays pour s’enquérir de la façon dont ont été "traitées" les institutions de la transition. Qu’est-ce qu’on nous a donné à nous ? Même ce qui a été accordé par Konaté, les 300 millions de GNF, on n’a pas eu ! Je vous le dis haut et fort. On ne les a pas eus. On pouvait protester parce que l’administration est une continuité. Mais, on n’est pas là pour de l’argent. On est là pour la Nation, pour défendre le peuple de Guinée. Alors, récompenser des gens qui ont bien travaillé, qui n’ont pas eu de congé depuis trois (3) ans, qui n’ont pas eu de vie de famille, mais, pourquoi critiquer cela, alors qu’ailleurs, ça se fait ?», s’interroge-t-elle.
Alors que les Conseillers du CNT s’apprêtent à passer la main aux députés élus, dans les heures qui suivent, la Présidente de l’institution de transition se dit heureuse: «Nous les saluons, nous les félicitons. Nous sommes pressés qu’ils viennent [qu’ils soient installés ; NDLR] parce que c’est la deuxième institution du pays. Parce que le Peuple veut le changement». D’ailleurs, par rapport à la session inaugurale de l’Assemblée nationale qui aura lieu le lundi 13 janvier 2014, elle annonce que les membres seront accueillis avec tous les honneurs: «C’est la première fois qu’une Assemblée élue sera accueillie. Nous allons organiser une cérémonie d’accueil des nouveaux députés».
Rabiatou Sérah Diallo de conclure par un appel aux nouveaux députés: «Ce que je voudrais dire à mes frères et à mes sœurs, qu’ils méritent la confiance du peuple qui a accepté de les choisir parmi tant de millions de Guinéens. Qu’ils sachent, à l’Assemblée nationale, ils ne sont ni peulhs, ni sosso, ni maninka, ni forestiers, ils sont Guinéens tout court. C’est de défendre les intérêts de la nation. Et je suis sûre et certaine, tous les cadres qui ont été élus, leur souci, c’est de défendre la Guinée».
Elle souhaite que les femmes qui y seront, jouent leur rôle pour défendre les lois, en convainquant les uns et les autres, en rapprochant les Guinéens, en promouvant le dialogue, pour que le débat politique soit effectivement au niveau de l’Assemblée nationale et quitte la rue.
Propos recueillis et transcrits par AfricaLog.com