Richard Mugenzi, témoin à charge dans l'enquête sur l'attentat contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana en 1994, a affirmé que son témoignage avait été dénaturé et s'est déclaré mercredi "prêt à collaborer avec la justice française".
Dans son ordonnance accompagnant les mandats d'arrêt contre neuf proches du président Paul Kagame en 2006, le juge Jean-Louis Bruguière écrivait que M. Mugenzi, ex-opérateur radio de l'armée rwandaise, avait "personnellement intercepté" et "retranscrit" un message des rebelles tutsis du Front patriotique rwandais (FPR). Ce message félicitait "l'escadron renforcé" auteur de l'attentat commis la veille, le 6 avril 1994, contre l'avion du président Habyarimana. Mais dans un entretien accordé le 31 mai à Kigali au journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier, Richard Mugenzi affirme que ce message lui a en fait été dicté par ses supérieurs, des extrémistes hutus. "Le télégramme n'a pas été intercepté, il m'a été donné par un supérieur, je l'ai recopié", a déclaré M. Mugenzi, joint par l'AFP à Kigali depuis Paris. Interrogé en 2001 par des enquêteurs français, M. Mugenzi affirme qu'il était déjà disposé à donner cette version mais qu'on ne "(lui) a pas posé la question". "J'ai appris que M. Bruguière (qui n'est plus chargé de l'enquête, NDLR) me considérait comme un témoin à charge mais je ne l'ai jamais rencontré, il ne m'a rien demandé", a ajouté M. Mugenzi, 48 ans. Il s'est dit "prêt à collaborer avec la justice française". "L'essentiel est que les enquêteurs me posent les questions sans idée toute faite", a-t-il ajouté. Les mandats d'arrêt émis par le juge Bruguière contre des proches de M. Kagame, soupçonnés d'avoir participé à l'attentat contre M. Habyarimana, sont la principale pomme de discorde entre Paris et Kigali, qui avait rompu ses relations diplomatiques dans la foulée. L'attentat est considéré comme le signal déclencheur du génocide qui a fait, selon l'ONU, 800 000 morts principalement parmi la minorité tutsie. Dix Casques bleus belges avaient aussi été tués le lendemain de la chute du Falcon 50 présidentiel. En novembre 2008, une proche de M. Kagame, Rose Kabuye, directrice du protocole présidentiel rwandais, avait été arrêtée à Francfort, et inculpée en France. M. Kagame avait jugé à l'époque que son arrestation pourrait permettre de "crever l'abcès" qui bloque toute réconciliation entre les deux pays. La Belgique représente depuis novembre 2006 les intérêts français au Rwanda. - RTBF