Donald Trump s'est tourné samedi, depuis une église de Detroit, vers les Afro-américains, promettant des emplois et de l'espoir à une communauté qui le regarde avec grande méfiance et est presque toute acquise à sa rivale Hillary Clinton.
«Je suis ici pour écouter votre message », a lancé le candidat républicain à la Maison Blanche, dans une allocution à la tonalité apaisée [« nous sommes tous frères et soeurs»] contrastant singulièrement avec celle de ses rassemblements de campagne.
En difficulté dans les sondages à l'approche de l'élection présidentielle de novembre, l'homme d'affaires de New York tente depuis quelques semaines de tendre la main à cette partie de l'électorat qui vote traditionnellement très largement démocrate et à laquelle il n'avait jusqu'ici prêté que peu d'attention.
Selon un sondage USA TODAY/Suffolk University publié jeudi, il ne recueille le soutien que de... 4 % des électeurs noirs.
Insistant sur le droit de vivre en sécurité avec «un emploi bien payé», le milliardaire a promis de faire de la politique autrement et de reconstruire Detroit, avec « des usines partout, des écoles».
«Je vais faire bouger les choses pour vous», a-t-il lancé, évoquant «les magasins fermés, les gens assis sur le trottoir, sans emploi, sans activité». Il a ensuite rejoint l'assistance, tentant de suivre le rythme de la musique.
Une centaine de manifestants s'étaient rassemblés devant l'église où s'est exprimé le magnat de l'immobilier en présence notamment de son ex-rival aux primaires, le neurochirurgien à la retraite Ben Carson, qui était le seul candidat noir en course.
«Trump n'aura pas ma voix», pouvait-on lire sur l'un des panneaux brandis dans la foule.
Dans l'ancienne «Motor City», nombre d'Afro-américains reconnaissent que leurs conditions de vie ont peu évolué au cours des deux mandats de Barack Obama, premier président américain noir de l'histoire, mais rares sont ceux qui sont prêts à se laisser convaincre par l'offensive tardive du candidat septuagénaire.
«Nous avons étudié le programme du parti républicain et l'avons trouvé insuffisant. Nous avons écouté son candidat et l'avons trouvé révoltant», explique Eric Williams, qui anime des ateliers pour aider les petits entrepreneurs noirs au sein de la Wayne State University, dans cette grande ville du nord des États-Unis.
«Il n'y a absolument rien que Donald Trump puisse faire pour améliorer son image au sein de la communauté afro-américaine ».
Charelle, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, juge «absurde» d'imaginer que Trump ait véritablement la volonté de répondre aux inquiétudes de sa communauté: «C'est juste un prétexte pour faire des photos et dire : ''Regardez, je ne suis pas raciste !"».
La fermeture des usines de production automobile à partir des années 70 a eu des effets dévastateurs sur la ville où des quartiers entiers restent dans un état de délabrement avancé.
«C'est la classe moyenne noire qui a le plus souffert », souligne Reynolds Farley, professeur à l'Université du Michigan qui étudie l'évolution de la population de la ville.
Au-delà du programme, la personnalité et les prises de position passées de Trump suscitent de vives réticences.
Bien avant de se lancer dans la course à la présidence, le magnat de l'immobilier avait pris la tête d'une campagne aux relents racistes visant à remettre en cause la nationalité américaine de Barack Obama en mettant en doute la validité de son certificat de naissance.
«Nous n'avons pas oublié cela», dit Eric Williams. «Cela en dit long sur cet homme».
Pour David Bullock, militant des droits civiques et candidat au conseil municipal de la ville, Hillary Clinton a un avantage décisif sur Trump: «Elle a bâti sur la durée une relation de confiance avec les représentants de la communauté noire».
Plutôt que de faire basculer des votes en sa faveur, tâche qui s'annonce ardue, la stratégie du milliardaire pourrait consister à convaincre - discours sombre à l'appui - une partie de cet électorat de rester chez elle le 8 novembre.
«Du point de vue de Trump, [cette visite] a sa logique. Mais nous savons qu'il ne s'agit pas d'aider Detroit», assure David Bullock. – AfricaLog avec agence