Le Nigeria, le pays le plus peuplé d'Afrique et le premier producteur de pétrole du continent, pourrait doubler l'Afrique du Sud d'ici quelques années en termes de produit intérieur brut (PIB), selon les économistes, et devenir la première puissance économique africaine.
Mais cette progression fulgurante ne dévoile qu'une partie d'une réalité plus complexe, dans un pays rongé par la corruption, qui peine à fournir à sa population les biens publics de base, mais au potentiel gigantesque.
Selon nos estimations, d'ici trois à cinq ans, l'économie nigériane sera au moins aussi importante que l'économie sud-africaine, estime Yvonne Ike, directrice de Renaissance Capital pour l'Afrique de l'Ouest.
C'est d'abord un changement du calcul du PIB, décidé par les autorités nigérianes, qui pourrait permettre au Nigeria de réduire l'écart avec l'Afrique du Sud.
Pour l'année 2011, selon la Banque mondiale, le PIB du Nigeria, calculé en prenant comme année de base 1990, est de 244 milliards de dollars, contre 408 milliards de dollars pour l'Afrique du Sud.
Afin d'obtenir des données plus justes, le bureau national nigérian de statistiques a décidé de modifier l'année de base de calcul du PIB. La nouvelle estimation du PIB, avec comme année de base 2008 au lieu de 1990, est prévue pour le mois d'octobre.
L'année de base du calcul du PIB est modifiée assez fréquemment par les pays, afin de prendre en compte l'évolution des prix et de la production. Le Nigeria ne l'ayant pas fait depuis plus de 20 ans, on s'attend à ce que cette modification engendre une augmentation très importante du PIB.
Nous partons sur une hypothèse prudente de 40% d'augmentation du PIB, estime l'économiste Charles Robertson, du cabinet Renaissance Capital.
Le bureau d'études britannique Oxford Analytica, qui parle également d'un bond de 40% du PIB nigérian, précise que ce nouveau calcul ne va rien changer aux réalités de l'économie nigériane. Mais il va permettre de mettre en avant le potentiel économique sous-estimé du pays.
La croissance économique nigériane étant largement supérieure à la croissance sud-africaine --avec, en prévision, pour 2012, un taux de 6,6% contre 2,5%-- le pays ouest-africain devrait rattraper son rival d'Afrique australe dans les années à venir, si cette tendance se poursuit.
L'essor de l'économie nigériane s'appuie notamment sur le prix élevé du pétrole et sur le boom du secteur de la téléphonie mobile. L'agriculture représente 40% du PIB et l'Etat cherche à augmenter sa production dans ce secteur.
Mais l'économiste nigérian Bismark Rewane rappelle que le Nigeria compte 160 millions d'habitants, contre seulement 52 millions en Afrique du Sud. Il faudrait donc que le PIB nigérian soit plus de trois fois supérieur au PIB sud-africain pour que le Nigeria rattrape son rival en matière de PIB par habitant.
Actuellement, l'économie repose sur l'industrie pétrolière qui représente 80% de ses recettes. Mais une grande partie de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
Les infrastructures sont dans un état désastreux, et les Nigérians sont privés d'électricité plusieurs heures par jour. La corruption a pénétré toutes les strates de la société, creusant un fossé gigantesque entre une élite et des millions de pauvres.
Le projet immobilier géant Eko Atlantic, qui va s'étaler sur 10 kilomètres carrés de sable dragué au fond de l'océan, devant l'île de Victoria, à Lagos, et qui a pour vocation de devenir un carrefour des affaires à l'échelle du continent, est une vitrine du potentiel nigérian.
Mais pour certains, cette ville dans la ville entièrement privée, qui aura sa propre usine d'électricité, son système d'eau potable et qui sera protégée par une société de sécurité, offrira à ses habitants ce à quoi la grande majorité des Nigérians n'a toujours pas accès. – AfricaLog avec agence