«La tenue des législatives maintenant ne fera que plonger le pays dans une crise profonde aux conséquences imprévisibles et désastreuses» fait-il remarquer. «La mise en place d’un gouvernement d’union nationale pour l’achèvement de la période de transition», suggère-t-il.
«Le renvoi des élections législatives en 2015 pour les coupler avec les élections présidentielles mais sans la candidature de monsieur Alpha Condé», propose-t-il.
Face à la situation sociopolitique, chacun des acteurs fait savoir sa position soit de façon globale, soit de façon esseulée avec des propositions selon son humeur.
C’est dans ce cadre que le Bloc libéral (BL) de Dr Faya Lansana Millimouno a convié les journalistes à la Maison de la presse vendredi 8 mars pour faire connaitre la vision de sortie de crise de cette formation politique dont les responsables ont soutenu leur «attachement aux principes de préservation de l’unité nationale, de l’intégrité territoire, de respect des libertés dans un Etat de droit » mais également, «de respect de la dignité humaine, de la sauvegarde de la démocratie et de renforcement des institutions constitutionnelles».
D’entrée de jeu, le Président du parti a condamné les violences qui ont suivi la marche «pacifique» du 27 février ainsi que la journée ville-morte auxquelles avait appelé l’opposition regroupée au sein de la coalition dite "opposition plurielle": ADP, Collectif et CDR: «en l’absence d’Institutions républicaines solides et grâce à l’impunité devenue légendaire, ces autorités [le pouvoir, NDLR] continuent à s’inscrire dans la même logique de violences politiques qu’a connues la Guinée en janvier et février 2007, le 28 septembre 2009, le 3 avril 2011, le 27 septembre 2011, la nuit du 3 au 4 août 2012 à Zogota, le 21 septembre 2012, etc.». Pour lui, «tous ces crimes non élucidés plongent le pays dans une situation délétère».
Dr Faya Millimouno estime que le préalable est, aujourd’hui, «à la libération de tous les manifestants interpellés car, c’était une marche autorisée par le pouvoir» et partant, «les individus qui ont été arrêtés sont des prisonniers politiques», a-t-il fait remarquer avant de materler que «la CENI [Commission Electorale Nationale Indépendante, NDLR] est à l’origine de la crise actuelle. C’est pourquoi, nous demandons l’arrêt de ses activités sur l’ensemble du territoire et sa refonte au profit d’une CENI véritablement autonome avec un opérateur consensuel ; en tout cas pas avec Waymark», estimant que les actes actuellement posés par la CENI sont «en contradiction avec la loi.»
Parmi les mesures envisagées à cet effet par le patron du BL, figure la mise en place d’une administration électorale pérenne totalement indépendante de l’Administration publique.
Par rapport à la date annoncée par le Président de la CENI pour l’organisation des élections législatives, M. Millimouno affirme que «nous avons toujours fait savoir notre pessimisme, dès le départ, suite à la proposition unilatérale de date faite par le Président Bakary Fofana de la CENI. Nous avons dit que la date du 12 mai 2013 n’était pas tenable. Et nous pensons que rien n’est en train d’être fait pour que les élections législatives puissent se tenir à cette date et même au mois de juin ; encore moins en octobre ou en décembre. Je ne vous apprends rien que depuis que monsieur Alpha Condé est au pouvoir, trois (3) ou (4) dates ont été proposées et qui n’ont jamais pu être respectées. Tout cela ne peut pas nous faire avancer».
Et l’homme politique de proposer: «nous, nous avons estimé au Bloc libéral , que pour permettre d’aborder sereinement le problème, qu’on renvoie les élections législatives en 2015, pour les coupler avec les élections présidentielles mais sans la candidature de monsieur Alpha Condé. On aura, entre-temps, mis en place une véritable administration électorale avec un opérateur crédible, comme je l’ai dit plus haut».
Selon lui, «la tenue des législatives maintenant ne fera que plonger le pays dans une crise profonde aux conséquences imprévisibles et désastreuses».
Et il va insister sur le fait qu’aucun gestionnaire de la période transitoire [actuelle] y compris le Président Alpha Condé, ne devra être candidat ni à l’élection présidentielle, encore moins à celles législatives de 2015.
D’ici là, l’opposant propose au Président Alpha Condé, «comme solution pour une sortie de crise, la mise en place d’un gouvernement d’union nationale pour l’achèvement de la période de transition ». Il souhaite que ledit gouvernement bénéficie « de la caution politique et sociale» et qu’il soit «composé essentiellement de cadres compétents et intègres et un Premier ministre aux compétences étendues que le Président de la République ne pourra pas démettre».
Autres suggestions du Président du BL, «la mise en place d’un cadre de concertation durant la nouvelle période transitoire» ainsi ouverte «avec une facilitation internationale, la reforme du CNT [Conseil National de Transition, NDLR] pour son adaptation aux nouvelles réalités, la révision et l’adoption de la constitution par referendum [contrairement à l’actuelle qui a été adoptée par décret du Président de la transition, général Sékouba Konaté, NDLR] en se basant sur les réalités du pays et non une constitution "copiée collée" taillée sur mesure et écrite au nom et à la place du peuple». Il suggère également, «la mise en place d’un système de contrôle permanent de la fiabilité du fichier électoral par les experts de la mouvance et de l’opposition».
De son côté, regrettant le fait que, contrairement à l’espoir né de l’élection du Président Alpha Condé en 2010 «sur la base d’un véritable espoir de démocratie et d’un retour définitif à l’ordre constitutionnel», le chargé de communication du parti, Aliou Bah dira que cette élection n’a finalement pas pu «contribuer à mettre fin à la longue période transitoire que connait le pays et cette transition est loin d’être finie et le pays est plutôt retombé dans le blocage politique et la fracture sociale s’accentue», a-t-il relevé.
Pour M. Bah, «la crise actuelle est le résultat d’un manque de cadre consensuel de dialogue et pire, d’une politique d’exclusion et de mépris de l’autre. Devant cette situation, le Bloc libéral constate avec regret que les Guinéens continuent encore à faire les frais de l’arbitraire entretenu par l’Etat au mépris même de la constitution et des lois qui protègent chaque citoyen».
Mémorandum du Bloc Libéral pour la sortie de crise en Guinée
Le leader du Bloc Libéral a préféré l’appeler «Mémorandum du Bloc Libéral pour la sortie de crise en Guinée». Il s’agit d’une contribution de son parti face aux réalités que vit notre pays. Document présenté lors de sa dernière rencontre avec la presse. Vous remarquerez que dans la mise en ligne, les extraits sont exploités tels qu’enregistrés lors de l’intervention des membres du BL.
AfricaLog a reçu ledit document que voici, ci-dessous (les mises en forme sont de la rédaction) :
«La Guinée a connu en 2010 ses premières élections présidentielles sur la base d'un véritable espoir de démocratie et d’un retour définitif à l’ordre constitutionnel et à la paix sociale. L’élection du président de la République devait contribuer à mettre fin à la longue période transitoire que connait le pays, par la tenue d’élections législatives, libres, transparentes et crédibles.
Malheureusement, deux ans et demi après l’investiture du nouveau Président, la transition est loin d’être finie et le pays est retombé dans le blocage politique et la fracture sociale. La violation des droits et des libertés est fragrante. L’impunité et l’insécurité sont caractéristiques de la situation actuelle du pays. La Guinée est plus que jamais fragilisée et les tensions sociales sont vives. La paix et la réconciliation nationale sont profondément compromises. L’activité économique est au ralenti. Le chômage et la pauvreté vont crescendo.
Or, le 21 décembre 2010, date de sa prestation de serment, le président Alpha Condé avait pourtant déclaré qu’il est «le président de tous les Guinéens… » Il a ajouté que: «le changement que nous prônons, n’est pas dirigé contre un parti politique ou contre une ethnie, encore moins, contre une catégorie sociale ou socioprofessionnelle». Ce discours qui avait pourtant soulevé tant d’espoir est loin de la réalité que la Guinée vit de nos jours.
La crise sociopolitique actuelle est donc le résultat d’un manque de cadre consensuel de dialogue et pire d’une politique fondée sur l’exclusion et le mépris de l’Autre.
Devant cette situation, le Bloc Libéral constate, avec regret, que les Guinéens continuent encore à faire les frais de l’arbitraire entretenu par l’Etat au mépris même de la Constitution et des lois qui protègent chaque citoyen. En l’absence d’institutions républicaines solides, et grâce à l’impunité devenue légendaire, ces atrocités continuent à s’inscrire dans la même logique de violences politiques qu’à connu la Guinée : en janvier et février 2007, le 28 septembre 2009, le 3 avril 2011, le 27 septembre 2011, la nuit du 3 au 4 août 2012 à Zogota, le 21 septembre 2012 etc. Tous ces crimes non élucidés plongent le pays dans une situation délétère.
Au regard de ce constat, le Bloc Libéral réaffirme son attachement aux principes ci-après:
préservation de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale;
respect des libertés, de l’Etat de droit et de la dignité humaine ;
sauvegarde de la démocratie et renforcement des institutions ;
protection des citoyens et de leurs biens.
Rappelant le fait que le pays est encore dans une transition inachevée et en référence aux principes ainsi énumérés, le Bloc Liberal recommande un moment d’arrêt et de réflexion pouvant éviter la précipitation. Car, dans la précipitation, c’est encore une fois une décision importante sur l’avenir de la Guinée qui serait prise sans consulter le peuple sous prétexte que nous manquons de temps. En plus, dans la précipitation, et encore une fois, il s’agirait de facto d’une répétition de l’histoire, de la conquête d’un idéal qui a démontré ses défaillances, donc de remettre en place le système qui a fait défaut.
En accord avec cette recommandation, le Bloc Liberal adopte une proposition de sortie de crise articulée autour des points suivants:
1. Libérer immédiatement tous les prisonniers politiques et dédommager tous ceux qui ont été arbitrairement arrêtés et ceux dont les biens ont été saccagés ou volés par les forces de l’ordre y compris les commerçants ayant perdu leurs biens.
2. Faire arrêter systématiquement toutes les activités de la CENI sur toute l’étendue du territoire national.
3. Organiser des élections couplées (présidentielle et législatives) en 2015. La tenue des élections législatives maintenant ne fera que plonger le pays dans une crise profonde aux conséquences imprévisibles et désastreuses.
D’ici à 2015, il faudra :
Mettre en place une véritable commission électorale indépendante dotée de compétences et de vrais pouvoirs. Celle-ci sera technique à l’image de l’organe en charge des élections au Ghana et dotée d’une administration électorale permanente et indépendante. Cela nécessitera une nouvelle loi portant création, organisation et fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la révision du Code électoral.
Procéder au recrutement en toute indépendance d’un opérateur compétent pour élaborer un fichier électoral fiable, à travers une révision du fichier existant en toute transparence.
Elaborer, adopter et mettre en œuvre un chronogramme permettant la tenue effective d’élections justes et crédibles dans un climat apaisé.
4. Mettre en place un gouvernement d’union nationale, bénéficiant de la caution politique et sociale et composé essentiellement de cadres compétents et intègres, dirigé par un Premier ministre aux pouvoirs élargis que le Président ne pourra pas démettre d’ici la fin de la transition en 2015. Le choix du Premier ministre sera fait sur la base d’un profil qui sera défini par consensus.
5. Mettre en place un cadre de concertation durant toute la période transitoire avec une facilitation internationale de haut niveau. La certification technique de la fiabilité du fichier électoral sera faite par la médiation internationale.
6. Mettre en place un véritable programme de réconciliation nationale du niveau local au niveau national. Ce programme devra être basé sur la mise en place de «contrat local de cohésion sociale» et sur l’établissement de la vérité et de la justice.
7. Réformer le Conseil national de la transition (CNT) pour l’adapter aux nouvelles réalités.
8. Réviser et faire adopter par référendum la Constitution basée sur les réalités du pays et non une constitution copiée-collée, taillée sur mesure et écrite au nom et à la place du peuple. Les consultations communautaires devraient être privilégiées.
9. La mise en place d’un système de contrôle permanent de la fiabilité du fichier électoral par les experts de la mouvance et de l’opposition.
Une feuille de route accompagnera ce mémorandum dans les jours à venir.
Conakry, le 8 mars 2013
Le Bloc Libéral
NB : Tous les gestionnaires de la période transitoire, y compris le président de la République ne seront pas candidats aux élections présidentielles et législatives.»
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