Par Obadias Ndaba et Joseph Rubagumya
Le Président américain Barack Obama est actuellement en visite de 8 jours en Afrique, avec des arrêts prévus dans trois pays: Sénégal, Afrique du Sud et Tanzanie. La visite d’Obama cette semaine doit aller au-delà grands projets d’aide et de longues leçons sur les « institutions démocratiques » et les « droits de l’homme » dont l’Afrique a pris l’habitude - et parler affaires et ouverture des marchés mondiaux pour un large éventail de produits africains. Il y a de solides raisons pour soutenir que la prospérité économique pourrait bien être le fondement de la démocratie. Et pas l’inverse.
La Policy Directive d’Obama pour l’Afrique sub-saharienne ayant pour but de stimuler la « croissance économique, le commerce et l’investissement » sonne bien en théorie. Mais, dans la pratique elle reste encore énigmatique. Pas étonnant que l’euphorie qui avait suivi son élection en 2008 en Afrique soit retombée. Voici deux façons dont M. Obama pourrait s’engager auprès de l’Afrique, ou plutôt, de commercer avec l’Afrique:
Aider à rendre les marchés mondiaux plus équitables
La Banque mondiale estimait il y a une dizaine d’années qu’un accord pour ouvrir les marchés mondiaux pourrait générer plus de 60 milliards de dollars par an pour les pays en développement, aidant à tirer des millions de gens de l’extrême pauvreté et à mettre fin à la crise alimentaire dans les pays pauvres en raison de la flambée des prix des denrées alimentaires. L’étude met en évidence le coût de 300 milliards de dollars de subventions aux agriculteurs dans les pays riches, qui équivaudrait à six fois le total de l’aide accordée aux pays en développement. Les statistiques actuelles sont difficiles à trouver, mais ce chiffre doit être plus élevé.
Ces subventions compromettent gravement la capacité de l’Afrique à exporter ses produits pour concourir sur le marché mondial. Dans de nombreux pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), un club de pays riches, l’agriculture emploie moins de 3% de la population, mais une vache européenne est subventionnée 2,20 dollars par jour, soit plus du double que ce que touchent les 1,2 milliard de pauvres qui survivent avec un dollar par jour…
L’Afrique abrite plus de 1 milliard de personnes dont 70 pour cent gagnent leur revenu du secteur agricole. Alors que le continent dispose d’opportunités de développement importantes, aucune ne touche à l’agriculture, qui contribue pour près de 32 pour cent à son PIB selon la Banque mondiale.
Malgré le cycle de négociations de Doha de l’OMC visant à libéraliser les marchés mondiaux, les pays riches ont continuellement protégé et augmenté les revenus de leurs agriculteurs, au détriment de prix justes qui aideraient grandement à éradiquer l’extrême pauvreté dans les pays les plus pauvres du monde.
Étendre l’AGOA et établir des accords de libre-échange
L’African Growth and Opportunity Act (AGOA), l’initiative de Bill Clinton pour l’Afrique, vient à échéance en Septembre 2015 et devrait être renouvelé. L’Afrique du Sud et le Kenya, font déjà pression sur le gouvernement américain pour son renouvellement. Mais il y a plus important : une nouvelle étape est nécessaire pour entamer des accords commerciaux possibles avec les pays africains, individuellement ou par blocs économiques régionaux.
Depuis 1985, les Etats-Unis se sont activement engagés dans les accords de libre-échange (ALE) avec des pays de tous les continents du Chili à la Chine, de l’Espagne à Singapour. Les données du représentant au commerce des États-Unis montrent que non seulement les blocs de libre échange permettent aux pays de prospérer et de réduire considérablement la pauvreté extrême, mais aussi que les Etats-Unis ont gagné de nouveaux marchés pour les produits américains et des produits moins chers pour leurs consommateurs. Un tel ALE ) favoriserait la stabilité politique, la propagation de la valeur de la liberté et de l’état de droit, ainsi que le développement économique.
Si Obama est « engagé » pour le développement africain, l’effort doit être dirigé en faveur d’un commerce mondial avec les mêmes règles pour tous et qui nous enrichit tous.
Aujourd’hui, le verrouillage du Congrès américain a un impact direct sur les petites villes et villages des pays en développement. Dans ce monde interconnecté, les deux blocs n’ont jamais eu tant besoin l’un de l’autre, et en établissant une zone de libre-échange avec l’Afrique - ou avec les pays africains – les avantages tangibles en résultant sont les plus susceptibles d’aider les Américains et les pauvres dans les pays africains. La suppression des obstacles au commerce - notamment les tarifs douaniers, les quotas et l’entrée simplifiée des produits agricoles africains aux États-Unis - fourniraient aux marchés américains des produits bio bon marché et les exportations américaines vers l’Afrique augmenteraient pour créer des emplois américains.
Donc, si le président Obama veut aider ces gens qui taperont sur des tamtams en portant d’épaisses tenues traditionnelles lors de journées chaudes et ensoleillées afin que son voyage en Afrique reste mémorable, rendre les marchés mondiaux plus équitables et ouvrir le marché américain aux produits africains serait un pas dans la bonne direction.
Obadias Ndaba et Joseph Rubagumya, observateurs de la vie économique et politique africaine.
Une version plus longue de cet article a paru initialement en anglais sur le site du Huffington Post.
Publié en collaboration avec www.libreafrique.org