Il détenait le record de longévité à la tête d'un Etat -exception faite des monarques d'Angleterre et de Thaïlande. Le président du Gabon Omar Bongo Ondimba, arrivé au pouvoir en 1967 à la tête de l'ancienne colonie française riche en pétrole, était l'un des derniers potentats francophones du continent africain. Figure incontournable de la "Françafrique", il s'est éteint lundi à l'âge de 73 ans.
Né Albert Bernard Bongo le 30 décembre 1935, il était le dernier d'une famille de 12 enfants. Après des études au lycée technique à Brazzaville, il avait servi dans l'armée française. De retour au Gabon, il intègre l'administration du pays devenu indépendant en 1960, en gravit les échelons. Dauphin du président Léon M'Ba, père de l'indépendance, il lui succède après son décès et devient président de la République gabonaise le 2 décembre 1967. Agé de 32 ans, il est alors le plus jeune chef d'Etat d'Afrique. Il est successivement réélu en 1973 -année de sa conversion à l'Islam et de l'adoption du prénom Omar-, en 1980 et en 1986 comme candidat du parti unique qu'il a fondé, le Parti démocratique gabonais. Si le multipartisme est instauré en 1990, les résultats de la première élection pluraliste en 1993, remportée par sa formation, sont contestés par l'opposition. Omar Bongo s'impose également en 1998 et en 2005 lors d'élections marquées par des allégations de fraude et une certaine agitation. En 2003, le Parlement -dominé par ses partisans- supprime de la Constitution la limitation du nombre des mandats présidentiels. La plupart des 1,5 million d'habitants du Gabon, pays du centre-ouest de l'Afrique où l'espérance de vie est de 53 ans, n'ont jamais connu que lui à la tête de l'Etat. Comme nombre de chefs d'Etat du continent, Omar Bongo rencontrait peu d'opposition. Sous sa présidence, des journalistes qui avaient osé le critiquer personnellement ont été incarcérés, l'intimidation ayant mené la plupart de leurs confrères à l'autocensure. Les adversaires du président ne disparaissent pas ou ne meurent pas mystérieusement dans la nuit, mais Omar Bongo a neutralisé ses opposants en "leur offrant les principaux postes et leur donnant une part" du gâteau, juge Moussirou Mouyama, un professeur de linguistique de l'Université Omar-Bongo de Libreville. Selon lui, il ressemblait à "un boa constricteur: il étouffe sa proie jusqu'à ce qu'elle soit faible, puis l'avale". Les détracteurs du président qu'on entend le plus aujourd'hui au Gabon font partie du mouvement politique baptisé Bongo Doit Partir (BDP-Gabon Nouveau).
Le Gabon d'aujourd'hui "n'est ni une dictature ni une démocratie, pas plus que le paradis ou l'enfer", estimait en 2008 Louis-Gaston Mayila, qui dirige l'Union pour la Nouvelle République, formation pro-Bongo. "Nous nous trouvons dans un entre-deux." Cette situation a placé le Gabon au premier rang des pays de l'Afrique sub-saharienne sur l'Indicateur du développement humain (IDH) de l'ONU. Mais la richesse du pays -cinquième exportateur de brut de l'Afrique sub-saharienne- dépend de ses réserves pétrolières, appelées à s'épuiser d'ici 2030. Le Gabon compte plus d'oléoducs (1.425km) que de routes goudronnées (936km). Un pour cent seulement de ses terres sont cultivées, ce qui le rend dépendant pour ses importations de produits alimentaires du Cameroun voisin et de la France. "Le Gabon a ses problèmes", reconnaît Louis-Gaston Mayila. "Il n'y a pas de routes, pas assez d'écoles, trop de chômage. Mais nous devons régler tout cela à notre rythme, à notre façon, pacifique", dit-il. Selon l'organisation Freedom House basée à Washington, le président gabonais a amassé une fortune qui en faisait l'un des hommes les plus riches du monde, quand un tiers des Gabonais vivent sous le niveau de pauvreté (moins d'un euro par jour) selon Transparence International. La section française de cette ONG qui se consacre à la lutte contre la corruption a déposé en décembre dernier une plainte contre X pour "recel de détournement de fonds publics" et "blanchiment" notamment, visant les conditions d'acquisition en France du patrimoine de trois chefs d'Etat africains, dont Omar Bongo. Le 7 mai, le parquet de Paris a fait appel de la décision d'une juge d'instruire cette plainte. Omar Bongo avait été mis en cause dans d'autres procédures. Il a ainsi démenti en 2003 avoir bénéficié de comptes en Suisse ouverts par le géant pétrolier français Elf. Les ressources minières et pétrolières du Gabon, la longévité et la stabilité du régime d'Omar Bongo en faisaient un interlocuteur incontournable, dans la région et pour les différents gouvernements français, depuis plus de 40 ans. Silhouette familière dans la cour de l'Elysée, avec sa capeline et ses talonnettes, il a été le deuxième président africain reçu rue du Faubourg Saint-Honoré, en mai 2007, par Nicolas Sarkozy après son élection à la présidence. AP