Le discours du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, au début de la conférence de l'Onu sur le racisme à Genève, a provoqué l'indignation des Etats de l'Union européenne qui ont quitté la réunion.
Dans son allocution, attendue - et redoutée par certains - comme l'un des moments forts de ce sommet, Ahmadinejad a dénoncé la création d'un "gouvernement raciste" au Proche-Orient en faisant clairement référence à Israël, sans toutefois citer ouvertement le nom de l'Etat hébreu. Le chef de l'Etat iranien, qui par le passé avait souhaité qu'Israël soit "rayé de la carte", a affirmé que "la souffrance des Juifs" avait servi, après la Seconde Guerre mondiale, de prétexte "à des agressions militaires qui ont créé une nation de sans-abri". "Les Etats-Unis et d'autres régions du monde ont envoyé des immigrants venant d'Europe pour établir un gouvernement totalement raciste dans la Palestine occupée", a-t-il poursuivi. "Cela s'est fait en compensation des affreuses conséquences du racisme en Europe." Avant même la fin du discours, les représentants de l'Union européenne ont quitté la conférence, comme la France avait menacé de le faire si le président iranien se livrait à des dérapages ou des provocations. Le président français Nicolas Sarkozy a dénoncé ce qu'il a qualifié d'"appel intolérable à la haine raciste", justifiant le départ de la délégation française. Le discours du président iranien "bafoue les idéaux et les valeurs inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme", déclare le chef de l'Etat français dans un communiqué. DISCOURS DÉPLACÉ La France était représentée à la conférence de "Durban II" par son ambassadeur auprès des Nations unies à Genève, Jean-Baptiste Mattei qui a été un des premiers à quitter la salle. "Il est dommage que M. Ahmadinejad tente de prendre cette conférence en otage", a-t-il déclaré à sa sortie. "Nous sommes prêts à des discussions sérieuses mais ce qui vient de se passer dépasse ce que nous redoutions." "De telles remarques insultantes et antisémites n'ont pas leur place dans un forum de l'Onu consacré à la lutte contre le racisme", a déclaré l'ambassadeur britannique à Genève, Peter Gooderham. "Nous déplorons vivement le langage employé par le président de l'Iran", a renchéri Rupert Colville, porte-parole du haut commissariat aux droits de l'Homme. "De notre point de vue, ce discours est totalement déplacé dans une conférence destinée à promouvoir la diversité et la tolérance." Le ministre norvégien des Affaires étrangères Jonas Gahr Store a dit que son pays ne pouvait pas accepter qu'un des intervenants détourne de la sorte les efforts collectifs consentis par de nombreux autres Etats. Malgré le départ des délégués de huit pays occidentaux, d'autres délégations ont écouté le discours dans son intégralité et l'ont applaudi. L'Australie, l'Allemagne, la Pologne, l'Italie et les Pays-Bas avaient rejoint les Etats-Unis et Israël dans leur refus de participer à un sommet qualifié, avant le début de ses travaux, "d'hypocrite et de contre-productif" par le président Barack Obama. Américains et Israéliens faisaient valoir que la conférence de Genève, baptisée Durban II, risquait de se transformer en un prétoire visant à faire le procès de l'Etat hébreu comme cela avait été le cas en 2001 en Afrique du Sud. A l'époque, Américains et Israéliens avaient quitté la conférence après que le sionisme eut été assimilé au racisme par des Etats arabes. Plusieurs pays, qui avaient finalement accepté de se rendre à cette conférence, ont dépêché des délégations de second rang, à l'instar de la Grande-Bretagne et de la République tchèque, qui assure la présidence tournante de l'Union européenne. Ce discours d'Ahmadinejad a donc sapé les efforts du secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, qui a tenté, un temps, de sauver ce qui pouvait l'être, affirmant que le texte servant de base aux discussions avait été "soigneusement élaboré". La présence de délégués du Vatican a été mal accueillie par les associations juives qui y ont vu "une nouvelle mesure imprudente" du pape Benoît XVI après la levée de l'excommunication de l'évêque britannique Richard Williamson, accusé de négationnisme. - Reuters