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Bissau: La veuve de Nino Vieira garde le silence sur la mort de son mari

Mar 14, 2009

L'exposition en chapelle ardente, lundi (9 mars), du corps du défunt président Joao Bernardo "Nino" Vieira de la Guinée-Bissau a été la première apparition publique de Isabel Romano Vieira, la veuve qui, depuis la brutale disparition de son mari le 2 mars dernier, évite toute déclaration publique sur ce mystérieux malheur familial.

La dépouille mortelle du général Nino Vieira a été exposée en chapelle ardente, lundi nuit et veille de son enterrement, dans une des salles du siège de l'Assemblée national populaire (ANP, Parlement) à Bissau, où la presse et le public ont pu avoir les premières images de l'épouse. Auparavant, durant les sept premiers jours de deuil, Isabel Vieira, actuellement sous la protection de l'ambassade de l'Angola où elle s'était retirée à sa demande après avoir été recueillie par les Nations Unies le jour du meurtre, s'était isolée complètement de sa société et a rejeté systématiquement toutes les demandes de la presse à vouloir entendre sa voix et sa version des faits.

"La dame est très choquée, abattue et déprimée. Elle ne veut pas parler à la presse ni recevoir de visites d'étrangers à l'exception de ses parents et autres personnes de confiance parce que ce qu'elle a vu est inédit, c'était une vraie sauvagerie", a indiqué un proche qui venait de lui rendre visite.

Selon de bonnes sources, la principale explication à ce silence relève, d'abord, de la nécessité de sauvegarder la sécurité du reste de sa famille, et d'elle-même. "Elle a pratiquement tout suivi et est en condition d'identifier les assassins de son mari car elle les a tous vus, sauf les personnes venues de loin", ont-elles déclaré.

En effet, observent les mêmes sources, Mme Vieira a assisté aux premières scènes jusqu'à sa libération par les assaillants qui "ont eu l'audace" de l'accompagner jusque chez sa mère, sa voisine, après avoir dépouillé le couple de tout ce qu'il avait de valeur, dont les téléphones mobiles et les bijoux, avant d'"extorquer" l'argent à un des oncles de la veuve qui étaient dans la maison maternelle. De ce fait, ayant vécu ou survécu à un tel épisode, elle est en meilleure position pour éclaircir le mystère artificiellement entretenu autour de l'assassinat de son mari, bien qu'il soit possible qu'il y ait encore plus de témoins potentiels dans le voisinage mais qui n'ont pas eu de contact direct avec les agresseurs, chose dont ces derniers et les commanditaires sont bien conscients.

Au vu de cet état de choses, les menaces n'ont certainement pas manqué contre la veuve contre toute tentative de dénonciation sous peine que la rage et la vengeance sauvages déchargées sur le mari ne s'étendent à d'autres membres de la famille, des plus proches aux plus lointains, ce qui pourrait plonger le pays dans un nouveau bain de sang.

On note une certaine unanimité entre différents secteurs de la population bissau-guinéenne, des cercles politiques à la presse au plus commun des citoyens sur le fait que les militaires "connaissent parfaitement" les assassins de Nino Vieira car il s'agissait d'une mort qui "arrangeait beaucoup de personnes".

Selon les dires de quelques voisins de l'ex-président, les scènes qui ont suivi sa mort ressemblaient à une fête. "Très rapidement, sont apparues des personnes qui ont commencé à saccager la maison en amenant presque tout, ne laissant que les choses les plus lourdes qu'elles ne pouvaient pas emporter immédiatement. D'autres se sont mis à boire les bières et autres boissons qui s'y trouvaient et en offrant à qui passait par là, pendant qu'ils chantaient et dansaient".

Et comme si cela ne suffisait pas, disent encore les mêmes témoins, des éléments de la police militaire, venus tardivement sur les lieux pour "empêcher" le saccage, se sont transformés pratiquement en "continuateurs de la fête" car ils ont même utilisé la cuisine du défunt pour se préparer à manger, ce qu'ils ont fait tranquillement sans aucun remord. "Arrêter ? Qui oserait arrêter qui?", s'interroge un des témoins devant la curiosité "ingénue" à vouloir savoir pourquoi la police n'a arrêté personne par les assaillants, en ajoutant : "c'est entre eux et ils se connaissent très bien".

Dans les spéculations de la presse locale, on insiste sur le fait que la mort de Nino Vieira a été au début une vengeance contre l'assassinat, la veille, du chef de l'état-major général des Forces armées d'alors, le lieutenant-général Batista Tagmé Na Waié, car, pour les militaires fidèles à ce dernier ainsi que pour les parents et amis, étiquetés surtout comme des gens ayant un esprit de "haine et de vengeance viscérales", le premier est le seul responsable de la disparition de leur chef et personne aimée et il devait "payer pour ce qu'il a fait".

L'hebdomadaire privé local "Gazeta de Noticias" cite des informations indiquant qu'un groupe de militaires fidèles à Tagmé Na Waié avait quitté la nuit, après la mort de ce dernier, le quartier général de Mansoa, dans le nord du pays, pour arriver à Bissau et encercler immédiatement le Palais présidentiel.

Toutefois, d'autres cercles de la presse croient aussi à la possibilité selon laquelle les agresseurs seraient même venus de la capitale du pays. "En tout cas, quelle que soit l'origine de ces militaires, le point commun et incontournable est qu'il s'agissait d'hommes fidèles au général (Na Waié) qui, une fois sur le terrain, ont compté avec la connivence et la prompte collaboration de quelques membres de la garde présidentielle", indique-t-on.

Pendant ce temps certaines personnalités politiques qui ont exigé l'anonymat considèrent "absurde" d'imputer directement la mort de l'un à l'autre, parce que, disent-ils, bien qu'on connaisse les divergences qui existaient entre les deux hommes, tous deux savaient qu'ils avaient besoin l'un de l'autre et que tout malheur qui arriverait dans le camp opposé serait toujours attribué à l'autre. De là, ces mêmes figures croient en la possibilité qu'il existe un troisième camp qui serait intéressé par la mort des deux, en profitant de la perspective latente de l'opinion publique à rendre l'un responsable de la mort de l'autre.

"Le scénario a été minutieusement préparé pour convaincre les personnes que ce fut Nino (Vieira) qui a tué Tagmé Na Waié. Mais vous voyez que la réaction a été automatique, car dans ce pays, on considérait que tout ce qui arriverait au général (Na Waié) viendrait du président et ceux qui l'ont tué ont pu ne pas attendre des ordres mais agir de manière automatique", ont-ils insisté.

Apparemment, certains n'ont pas aimé la manière dont les choses ont été gérées après ces incidents tragiques. Ainsi le Parti de la Rénovation Sociale (PRS), le principal parti de l'opposition, a quitté la semaine dernière une session parlementaire pour protester contre la décision des députés de discuter le cas à huis-clos. Le PRS, parti de l'ex-président Kumba Yala, avait envisagé en vain, que le débat parlementaire autour de la question fusse ouvert au public, une idée rejetée après que la décision finale a été soumise au vote dans un hémicycle où cette formation politique est minoritaire.

Le principal parti de l'opposition a exprimé aussi son indignation contre la "rapidité" avec laquelle a été investi le nouveau président de la République, le président d'alors de l'Assemblée Nationale Raimundo Pereira, dans une cérémonie tenue presque 24 heures après la mort de Nino Vieira. - PANA

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