Le régime soudanais a catégoriquement rejeté le mandat d'arrêt émis mercredi par la Cour pénale internationale (CPI) contre le président Omar el-Béchir, ses fidèles scandant dans les rues de Khartoum leur intention de le protéger jusqu'à leur "dernière goutte de sang".
Les chefs rebelles du Darfour, région de l'ouest du Soudan en guerre civile depuis 2003, se sont en revanche félicités de la décision, le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM) estimant qu'il n'est plus possible de négocier avec Khartoum. Le Soudan "affirme son refus total de la décision de la CPI parce que le Soudan n'en est pas membre et cette Cour n'a pas de compétence au Soudan", a déclaré au Caire le chef la diplomatie soudanaise, Ali Karti. Khartoum "ne traitera pas avec cette Cour", a renchéri le ministre de la Justice Abdel Basit Sabdarat, rappelant que Khartoum avait déjà refusé de coopérer par le passé avec cette instance. M. Karti a annoncé que le président Béchir, 65 ans, participerait au sommet arabe de Doha prévu fin mars, pour montrer que la décision de la CPI serait sans effet sur le régime issu d'un coup d'état militaro-islamiste en 1989. Soulignant l'"engagement" de son gouvernement à respecter les accord de paix signés avec les rebelles, il a aussi dit son "attachement à l'immunité et aux privilèges" des organisations internationales et régionales et des ambassades étrangères au Soudan. Les autorités soudanaises ont toutefois décidé d'expulser une dizaine d'organisations non gouvernementales (ONG) étrangères dans la foulée du mandat d'arrêt, selon des responsables d'ONG et de l'ONU. En attendant, des milliers de Soudanais affluant dans la capitale soudanaise ont manifesté en scandant: "nous allons te protéger Béchir jusqu'à la dernière goutte de notre sang". Réunis devant le siège du gouvernement, en bordure du Nil, ils brandissaient des affiches à l'effigie du président tandis que d'autres piétinaient des photos du procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo. Des "petites manifestations" favorables au gouvernement ont également eu lieu dans les trois grandes villes du Darfour --el-Facher, Geneina et Nyala--, selon la force de maintien de la paix ONU-Union africaine au Darfour (Minuad). Mettant fin à un long suspens, la CPI a annoncé avoir délivré un mandat d'arrêt contre M. Béchir pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, où un conflit complexe a fait 300.000 morts selon l'ONU, 10.000 selon Khartoum. "Je ne pense pas qu'il soit éthiquement possible de négocier avec quelqu'un qui a commis des crimes au Darfour et a perdu sa légitimité", a réagi Ahmed Tugod Lissan, principal négociateur du JEM, qui avait signé en février avec Khartoum un pré-accord en vue de la paix au Darfour. "Nous demandons au président de donner sa démission", a souligné déclaré un responsable de la faction "Unité" de l'Armée de libération du Soudan (SLA), Mahjoub Hussein. "Nous allons prendre les mesures nécessaires pour livrer le président soudanais à la justice internationale". Plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, ont lancé des appels à l'extrême prudence pour leur ressortissants sur place. Les autorités soudanaises ont prévenu la population locale que toute déclaration publique en faveur de la CPI serait passible de répression. "Si elles (forces gouvernementales) font du mal à des civils, le JEM va réagir", a prévenu de son côté Khalil Ibrahim, chef du groupe. - AFP