L'affaire de la valise de billets offerte à un agent du Fonds monétaire international (FMI) au Sénégal, pour un montant total de 133.000 euros, embarrasse le président Abdoulaye Wade qui a rejeté mardi l'accusation de corruption et invoqué une "erreur" de son aide de camp.
Un mois après les faits, le FMI a annoncé lundi soir que le président sénégalais lui avait "confirmé avoir organisé la remise dun cadeau en argent" à son représentant à Dakar. Soit "100.000 euros et 50.000 dollars américains (33.000 euros)", selon le FMI. L'affaire de la mallette débute le soir du 25 septembre alors que le fonctionnaire Alex Segura doit prendre un avion pour Paris, au dernier jour de son séjour de trois ans au Sénégal comme représentant-résident du FMI. Le ressortissant espagnol - qui avait souvent critiqué la gestion des fonds publics par l'Etat sénégalais - est invité in extremis à dîner avec Abdoulaye Wade. Et c'est après ce repas qu'il reçoit son "cadeau". "Le président a expliqué que l’argent avait été remis en guise de traditionnel cadeau d’adieu à M. Segura (...) et n’était destiné en aucune manière à influencer ni M. Segura, qui quittait définitivement le pays, ni le FMI", a rapporté l'institution. Le FMI aura ainsi tardé un mois à livrer sa version détaillée des faits. Quant au président Wade, âgé de 84 ans et candidat à sa propre succession en 2012, il est apparu sur la défensive, mardi, devant la presse. Refusant de parler de l'affaire, il a renvoyé à la lecture de son communiqué. Le chef de l’Etat y soutient que le montant du "cadeau" remis à M. Segura résulte d'une "erreur" de son aide de camp. "L’aide de camp a demandé au président de la République s’il fallait lui donner quelque chose comme de coutume. Le président de la République a répondu +oui+ sans préciser la somme car il y avait une pratique. L’aide de camp s’est trompé sur la somme", affirme M. Wade. "C’est un non sens que de parler de corruption de quelqu’un qui vous quitte définitivement sans la moindre chance que vous puissiez vous rencontrer un jour" plaide également le chef de l'Etat. Son communiqué débute d'ailleurs par les mots: "M. Segura n’était pas l’ami du Sénégal. Il a été le plus souvent dur même sur ses appréciations. Il ny avait pas de raison de lui offrir un cadeau important". Le Premier ministre sénégalais, Souleymane Ndéné Ndiaye, avait auparavant tenté de minimiser l'affaire, en affirmant dans une interview troublante: "100.000 euros, c'est rien. (...) Avec cette somme, qu'est-ce que vous pouvez acheter en France ? Vous ne pouvez même pas vous payer un appartement". "C'est la première fois qu'un scandale pareil éclate dans notre pays", a assuré à l'AFP le député Mbaye Niang (opposition), ajoutant: "Si on était dans un pays démocratique, un président qui commet un acte qualifié de corruption devrait être traduit devant une juridiction". Début octobre, les 133.000 euros ont été remis, à Barcelone, à "l’ambassadeur du Sénégal en Espagne" selon le FMI. Le président sénégalais a lui-même "tenu à préciser" que la somme donnée avait bien été "restituée aux autorités sénégalaises". A Dakar, mardi, des Dakarois plaisantaient en s'interpellant: "Alors, tu as pris ta valise au palais?" Quant à M. Segura, désormais à Washington, il ne dit plus un mot aux médias. La presse a évoqué l'hypothèse d'une machination contre lui. "Est piégé qui croyait piéger. Le corrupteur a été pris à son propre jeu", avance ainsi L'Observateur. Mais l'attitude du fonctionnaire - ayant pris le risque d'accepter la mallette et de quitter le pays avec - a été très discutée. Le FMI a fait valoir qu'il redoutait de "rater son vol" et de ne pas trouver "d’endroit sûr où laisser l’argent au Sénégal". - AFP