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Après Fort Hood, le malaise des soldats musulmans

Nov 13, 2009

Sur fond de rumeurs concernant les motivations du responsable de la fusillade qui a fait 13 morts sur une base du Texas, de nombreux militaires de confession musulmane ont du mal Ă  trouver leur place.

Décidé à servir son pays, Abdi Akgun s’est engagé dans les marines en août 2000, juste au sortir du lycée. Les attentats du 11 septembre 2001 ont renforcé sa résolution à combattre le terrorisme. Mais, lorsque deux ans plus tard, ce soldat de confession musulmane a été envoyé en Irak, la perspective de se retrouver face à d’autres individus de la même confession l’a fait réfléchir. Il était hanté par l’idée de tuer des civils innocents. “C’est un peu comme la guerre de sécession, quand des frères ennemis se battaient de part et d’autre de la ligne Mason-Dixon”, explique-t-il. Il est revenu d’Irak sans avoir appuyé une seule fois sur la gâchette. “Je ne veux pas salir ma foi, je ne veux pas salir mes frères musulmans et je ne veux pas salir le drapeau de mon pays”, ajoute-t-il.

Des milliers de musulmans ont servi dans l’armée américaine depuis la Première Guerre mondiale. Toutefois, à l’heure où les Etats-Unis sont enlisés dans deux guerres dans des pays musulmans, le fait que des soldats de confession musulmane servent sous les drapeaux est la fois plus nécessaire et plus complexe que jamais. Après le massacre de Fort Hood perpétré par le psychiatre militaire Nidal Malik Hasan, bon nombre de soldats et d’officiers musulmans craignent que leurs relations avec l’armée ne se compliquent encore plus. Trois jours après la fusillade, le chef d’état-major de l’armée de terre, le général George Casey, s’est dit préoccupé par les possibles représailles contre les musulmans dans les forces armées et a rappelé combien leur présence était importante. “La diversité de notre armée et de notre pays est un atout, a déclaré le général. Aussi épouvantable que soit cette tragédie, la diversité ne doit pas en pâtir, cela ne ferait qu’empirer les choses.”

Plusieurs figures de la communauté musulmane et des soldats musulmans sont également montés au créneau pour dénoncer ce massacre et prendre leurs distances avec le commandant Hasan. Ils font notamment observer que son comportement violent n’a rien à voir avec sa foi. “Je ne vois pas pourquoi la communauté musulmane devrait se sentir responsable”, déclare Ingrid Mattson, présidente de la Société islamique d’Amérique du Nord. “L’armée a eu au moins autant d’influence sur lui que la communauté musulmane.” Quelles qu’aient été les motivations du commandant Hasan, la manière dont il a été traité au sein de l’armée éclaire les difficultés et les frustrations rencontrées par de nombreux soldats musulmans. Le psychiatre était écœuré par les guerres d’Irak et d’Afghanistan, qu’il considérait comme des attaques contre l’islam. Ses amis et ses proches expliquent qu’il faisait l’objet de moqueries et se sentait exclu du fait de son appartenance religieuse. Un jour, certains de ses camarades l’ont même traité de “conducteur de chameau”, raconte son oncle, Rafik Hamad, qui vit à Ramallah (en Cisjordanie). Les expressions comme haaji [celui qui a fait le pèlerinage à La Mecque] ou raghead [enturbanné]sont devenues de plus en plus courantes dans le langage des soldats envoyés au front en Irak et en Afghanistan, rapportent plusieurs soldats musulmans. Ils tâchent de prendre cela avec philosophie et disent comprendre que cela fasse partie du processus de déshumanisation de l’ennemi. Mais les soldats musulmans, notamment les arabophones, ont parfois du mal à se distancer de l’ennemi qu’ils combattent dans ces pays.

Après les attentats du 11 septembre, l’armée américaine a largement recruté des musulmans américains afin de pouvoir compter sur des soldats possédant des aptitudes linguistiques et une bonne connaissance culturelle du Moyen-Orient. Selon les chiffres officiels, sur les 1,4 million de militaires d’active, 3 557 seraient musulmans. Les organisations musulmanes américaines estiment toutefois que ce chiffre est en réalité beaucoup plus élevé, la déclaration d’appartenance religieuse étant une démarche volontaire. Bon nombre de musulmans sont attirés par l’armée pour les mêmes raisons que les autres recrues. Ils évoquent le patriotisme, une recherche de discipline et le besoin de financer leurs études. Certains disent également s’être engagés pour gagner le respect de leurs nouveaux compatriotes dans un pays où les hommes et les femmes de leur religion doivent se battre pour être acceptés.

L’engagement de ces soldats dans l’armée américaine est souvent salué par les non-musulmans, mais cela suscite parfois une réaction sensiblement différente chez leurs pairs. Certains reviennent exténués et traumatisés du front, uniquement pour s’entendre dire dans leur mosquée locale qu’ils iront droit en enfer pour avoir “tué des musulmans”, explique Qaseem Uqdah, directeur exécutif de l’American Muslim Armed Forces and Veterans Affairs Council. Reste que plus de 3 500 musulmans ont été déployés en Irak et en Afghanistan, selon les chiffres du Pentagone. Depuis 2006, ce sont 212 soldats musulmans américains qui ont été décorés pour leurs faits d’armes dans ces deux pays – et sept sont morts au champ d’honneur.

Trop d’Américains méconnaissent le comportement héroïque de ces soldats, estime le capitaine Eric Rahman. Il cite, par exemple, le cas du marine Michael Monsoor qui a reçu une médaille après avoir mis un camarade à l’abri pendant une fusillade en 2006, à Ramadi, en Irak. Michael Monsoor est mort en sauvant un autre Américain, mais, contrairement au commandant Hasan, le public ne se souviendra pas de lui, déplore le capitaine Rahman. Quoi qu’il en soit, ajoute-t-il, la présence de ces hommes au sein de l’armée est cruciale pour remporter une victoire en Irak et en Afghanistan. “Regardez ces guerres !Nous avons besoin des aptitudes et des connaissances de ces hommes.” – NY times

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