Dans les années 90, l'Afrique bouge dans tous les sens. Au rythme du vent de l'Est. Les dictatures et le monolithisme basculent et laissent la place au multipartisme. Le Cameroun est dans le bain. Mongo Beti, profite de cette mouvance politique pour retourner triomphalement au Cameroun. Sur invitation d'intellectuels proches de l'opposition que sont Ambroise Kom, Célestin Monga, Jean Marc Ela. Mongo Beti remet ça quelque temps après. Fonde la librairie des peuples noirs, installée dans le quartier Tsinga à Yaoundé, et crée des plantations de bananes plantains et de maïs à Akometam, son village natal. Mettant ainsi fin à 32 ans d'exil forcé en France.
C'est que Mongo Beti est un écrivain engagé et contestataire. Il rédige des pamphlets qui mettent à mal les dirigeants coloniaux et néo-coloniaux. Les régimes des présidents Ahidjo d'abord et Biya ensuite ne le portent pas en cœur. Durant toute sa vie, qui s'est définitivement achevée le 8 octobre 2001, Mongo Beti n'a eu que maille à partir avec les pouvoirs en place à Yaoundé. Pour avoir osé protester contre le blocage de Yaoundé toute une journée pour permettre au président Biya de se déplacer dans la ville, Mongo Beti fut giflé par les policiers. Sans que cela n'émeuve la hiérarchie. Coopté pour défendre les couleurs du Social democratic front (SDF) dans la circonscription de Mbalmayo aux législatives de 1997, l'administration lui déniera la nationalité camerounaise.
C'est donc un indésirable du pouvoir qu'on cherchera paradoxalement à magnifier lors de ses obsèques. Des messages de condoléances, gerbes de fleurs, une enveloppe et la médaille de chevalier de l'ordre de la valeur préparés par le pouvoir seront envoyés aux cérémonies d'inhumation. Heureusement, Odile Tobner, épouse Biyidi, elle aussi enseignante et militante de la première heure sera là pour opposer un refus catégorique, à la "reconnaissance" des autorités camerounaises qui ont assez trop attendu pour se prononcer sur le cas Biyidi.
Iconoclaste
Né à Mbalmayo dans le Centre du Cameroun en 1932, Alexandre Biyidi fréquente l'école de la mission catholique. Son intelligence pousse le père Gaschy à l'inscrire en 1943 au pré-séminaire d'Akono. Malheureusement, un an après, il est exclu pour indiscipline. En 1947, il intègre le collège moderne mixte de Yaoundé où il rencontre Ossendè Afana, militant de l'Union des populations du Cameroun (UPC). Cette rencontre fait un effet sur Mongo Beti, qui adhère les thèses de l'UPC qui lutte pour l'indépendance immédiate du Cameroun. Boursier de l'Etat du Cameroun en 1951 après son BACC littéraire, il s'inscrit à la faculté des lettres de l'université d'Aix-en-Provence en France. C'est de là qu'il rédige son premier roman en 1954, " ville cruelle" sous le pseudonyme de Eza Boto.
En 1959, Mongo Beti, après avoir décroché son capes est recruté dans l'enseignement en France. Il travaille aux lycées Rambouillet, Hélène Bouchet, Lambelle, avant d'être reçu en 1966 au concours d'agrégation. Par la suite, il est nommé professeur de lettres au lycée Corneille à Rouen. Sous le nom de Mongo Beti, Alexandre Biyidi se lance définitivement dans une carrière d'écrivain et publie plusieurs ouvrages qui sont : « Le pauvre Christ de Bomba »,1956; « Mission terminée », 1957 ; « Le roi miraculé »,1958 ; « Remember Ruben », 1974 ; « Main basse sur le Cameroun », 1972; « Perpétue et l'habitude du malheur », 1974 ; « Ruine presque Cocasse d'un polichinelle », 1979 ; « Les deux mères de Guillaume Ismaël Dzewatama », 1983 ; « La revanche de Guillaume Ismaël Dzewatama », 1984 ; « Lettre ouverte aux Camerounais ou la deuxième mort de Ruben Um Nyobè » , 1986 ; « Dictionnaire de la négritude », 1989 ; « La France contre l'Afrique, retour au Cameroun », 1993 ; « L'histoire du fou », 1994 ; « Trop de soleil tue l'amour » , 1999 ; « Branle Bas en noir et blanc », 2000.
La bibliographie de Mongo Beti est inépuisable et fait partie des meilleures d'Afrique. Les Occidentaux le reconnaissent en sourdine, même s'ils ne lui ont jamais attribué un quelconque prix. A preuve, ses œuvres sont étudiées en France. C'est sa trop grande liberté d'expression et d'esprit qui aurait poussé les attributaires de prix à se méfier de l'«iconoclaste». – AfricaLog