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Après 52 ans de dictature, la Guinée prépare sa première élection libre

Jun 24, 2010

Quatre millions de Guinéens sont appelés, dimanche, à choisir leur président parmi 24 civils, pour la première élection libre de l'histoire du pays, marqué par une alternance de dictatures, civile et militaires, depuis son indépendance en 1958.

Dans un pays malade de son armée, brutale et indisciplinée, la grande majorité des Guinéens attendent avec impatience que les militaires laissent enfin le pouvoir qu'ils confisquent depuis 25 ans, à l'issue du scrutin très ouvert de dimanche. Pour la première élection libre de l'histoire du pays, marqué par une alternance de dictatures, civile et militaires, depuis son indépendance en 1958, quatre millions de Guinéens sont appelés, dimanche, à choisir leur président parmi 24 civils.

Il y a neuf mois, Conakry vivait un cauchemar: les forces de défense et de sécurité réprimaient dans le sang un rassemblement politique contre la "dictature militaire" et tuaient au moins 156 opposants. Après cette tuerie du 28 septembre, qualifiée par l'Onu de crimes contre l'humanité, la communauté internationale a honni le chef de la junte, Moussa Dadis Camara, porté au pouvoir par un putsch, fin 2008, après la mort du général-président Lansana Conté. Puis, coup de théâtre, en décembre 2009, Dadis Camara a été victime d'une tentative d'assassinat par son propre aide de camp. Ecarté du pouvoir, "Dadis" poursuit actuellement sa "convalescence" officielle au Burkina.

Depuis, c'est le général Sékouba Konaté, ancien numéro 3 de la junte, qui dirige la "transition". Ayant dit et répété qu'aucun militaire ni dirigeant de la transition ne serait candidat à la présidentielle, cet officier a tenu parole et se montre pressé de restituer le pouvoir aux civils.

Les jeux sont très ouverts, car les Guinéens ont le choix entre 24 candidats dont une femme. Trois d'entre eux semblent se détacher du peloton: les anciens Premiers ministres Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré et l'opposant historique Alpha Condé. Chacun possède un fief électoral important dans sa région d'origine : Moyenne-Guinée pour Cellou Dalein Diallo, Basse-Guinée pour Sidya Touré et Haute-Guinée pour Alpha Condé.

Le scrutin doit être encadré par une force de 16 000 policiers et gendarmes et des observateurs étrangers seront déployés, dont au moins 70 observateurs de l'Union européenne et 30 mandatés par une ONG américaine, le Centre Carter

"Depuis 1958, il n'y a pas eu d'élection libre et transparente en Guinée", souligne le président de l'Observatoire national de la démocratie et des droits de l'homme (ONDH), Mamadou Aliou Barry. "Sous Ahmed Sékou Touré (1958-1984), on a connu 26 années de système de parti-état. Sekou Touré était président à vie".

Le "père de l'indépendance", applaudi pour avoir refusé la Communauté franco-africaine proposée par le général de Gaulle, s'était mué en dictateur paranoïaque, faisant régner la terreur chez ses opposants, morts emprisonnés ou contraints à l'exil. "Puis, avec le régime militaire de Lansana Conté (1984-2008), il n'y a eu que des élections à sens unique, avec bourrage des urnes", explique M. Barry. En 2003, Conté avait ainsi été réélu avec 95 % des voix face à un unique adversaire quasiment inconnu. Enfin, le capitaine Camara, qui promettait de travailler pour le "bas peuple de Guinée", a rapidement ruiné les espoirs placés en lui. Très mal entouré, il s'est accroché au pouvoir, en dirigeant mégalomane et agité.

La campagne a révélé l'immense attente des électeurs, dans un pays pauvre pourtant doté d'énormes richesses minières que se disputent les multinationales. Après le scrutin, "les nouveaux responsables ne devront pas perdre de temps pour aborder les problèmes de la corruption endémique et des abus des institutions qui, pendant des décennies, ont ruiné les vies d'inombrables Guinéens", résume Corinne Dufka, fine connaisseuse du pays, de l'ONG américaine Human Rights Watch.

Dates clefs de la Guinée depuis l'indépendance

2 oct 1958 : Ahmed Sékou Touré proclame l'indépendance. Fin septembre, la Guinée a voté non au référendum instituant une "communauté" franco-africaine, proposée par le général de Gaulle.

27 jan 1961 : Sékou Touré élu à la présidence.

2 oct 1967 : Le socialisme est proclamé.

3 avr 1984 : Une semaine après la mort de Sékou Touré, un Comité militaire prend le pouvoir. Lansana Conté devient chef de l'Etat.

19 déc 1993 : Conté est officiellement élu lors du premier scrutin présidentiel pluraliste, marqué par des manifestations hostiles à son déroulement.

21 déc 2003 : Conté réélu avec 95 % des voix face à un unique adversaire, lors d'un scrutin boycotté par l'opposition.

10 jan 2007 : Début de deux grèves générales. La répression des manifestations fait plus de 180 morts et 1 200 blessés (ONG).

23 déc 2008 : Une junte prend le pouvoir par un coup d'Etat sans violence, au lendemain du décès de Lansana Conté. Le capitaine Moussa Dadis Camara est nommé président du "Conseil national pour la démocratie et le développement".
28 sept 2009 : Les forces de sécurité répriment dans le sang un rassemblement d'opposants.

3 déc 2009 : Dadis Camara est blessé par balle à la tête, à Conakry, par son aide de camp.

21 jan 2010 : Le président intérimaire, le général Sékouba Konaté, nomme l'opposant Jean-Marie Doré Premier ministre de la transition. – L’Expansion
 

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