La qualification pour le Mondial-2010 du Cameroun, bien mal parti dans son groupe des éliminatoires, est devenue une affaire d'Etat dans un pays où le football est au centre des préoccupations.
"Il y a une forte mobilisation autour de l'équipe nationale en ce moment parce que le président de la République Paul Biya accorde un grand intérêt à sa participation à la Coupe du monde", affirme sous couvert danonymat un responsable du ministère des Sports.
Après un début de campagne catastrophique (une défaite, un nul et la dernière place du groupe derrière le Gabon, le Togo, le Maroc), un Comité de stratégie a été créé, le président sest personnellement impliqué dans le recrutement du Français Paul Le Guen, ancien champion de France avec Lyon notamment, appelé à la rescousse fin juillet pour tenter de sauver les meubles. La victoire est impérative samedi à Libreville contre le Gabon, leader du groupe.
Jamais l'arrivée dun nouveau sélectionneur navait suscité une telle mobilisation au Cameroun. Autorités sportives, anciens ministres des Sports, ex-capitaines des Lions indomptables et supporters se sont rendus en masse le 27 juillet au Palais des Sports de Yaoundé pour participer aux cérémonies de signature du contrat et dinstallation du nouveau coach. Plus de 100 millions de FCFA (152.000 euros) ont été dépensés pour l'opération, selon la presse camerounaise...
L’homme-lion, comme on surnomme souvent Paul Biya, na pourtant pas la réputation dêtre fan de foot...
Loin dêtre sportif, l'enjeu est avant tout politique, estime Claude Abé, sociologue et enseignant duniversité. La qualification apporterait "du crédit au président Biya, ainsi quaux autres membres de lappareil gouvernant eu égard aux échéances politiques qui pointent à l’horizon".
Au pouvoir depuis 1982, Paul Biya a fait modifier la constitution afin de se représenter aux présidentielles de 2011. Il devrait briguer un nouveau mandat comme le souhaitent ses fidèles mais il attend le moment idéal pour officialiser sa candidature. Une annonce couplée avec une qualification des Lions pour le Mondial serait la bienvenue, selon M. Abé.
Au Cameroun, les victoires sportives sont utilisées comme "un outil de marketing politique" et "servent à régler les tensions sociales et politiques", affirme le sociologue dans un pays où chaque match de l'équipe nationale est un événement majeur et où même un match en club de l'idole national Samuel Etoo draine des millions de téléspectateurs.
Les autorités en sont bien conscientes et en profitent quelquefois pour faire passer des mesures impopulaires: le soir de la qualification du Cameroun pour la finale de la Coupe dAfrique des nations-2008 au Ghana, elles avaient par exemple augmenté le prix de lessence à la pompe.
Dans ses discours, Paul Biya présente très souvent les joueurs de léquipe nationale comme des exemples à suivre. Quand ces derniers remportent un trophée, il les reçoit systématiquement dans son somptueux palais dEtoudi à Yaoundé, en compagnie de son épouse Chantal qui n'hésite alors pas à arborer les couleurs vert-rouge-jaune du drapeau national sur ses ongles...
M. Abé note toutefois que le président Biya est "ingrat avec le football : le foot lui a tout donné mais il ne lui a rien donné en retour". En 27 ans de pouvoir marqués notamment par quatre victoires du Cameroun en Coupe dAfrique des nations (CAN) ou un quart de finale de Coupe du Monde, il na fait construire aucun stade de football dans son pays. - AFP