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De «raciste» à victime

Jul 22, 2010

Accusée de racisme par des médias conservateurs et forcée à la démission par ses supérieurs de l'administration Obama, une employée noire du ministère de l'Agriculture s'est vue décrite mercredi par le président des États-Unis comme la victime d'une «injustice».

Fonctionnaire anonyme il y a quelques jours à peine, Shirley Sherrod, responsable d'un programme du ministère de l'Agriculture en Géorgie, est ainsi devenue le nouveau symbole des tensions raciales qui persistent aux États-Unis. Il y a un an presque jour pour jour, ce rôle avait été tenu par le professeur Henry Louis Gates, de l'Université Harvard, qui avait été invité à la Maison-Blanche avec le sergent James Crowley, de la police de Cambridge, pour boire une bière et mettre fin à la première polémique liée au racisme de la présidence de Barack Obama.

«C'est une décision que je regrette d'avoir prise à la hâte», a déclaré en conférence de presse à Washington le ministre de l'Agriculture, Tom Vilsack, lorsqu'il a présenté ses excuses à son employée, à qui il a offert un nouvel emploi.

L'ancien gouverneur de l'Iowa a endossé la responsabilité du limogeage de Shirley Sherrod, qui est survenu lundi, après la diffusion par des médias conservateurs d'une vidéo tronquée d'un de ses discours.

«Pas de doute, Mme Sherrod mérite des excuses. Je les présenterai au nom de l'administration», a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, quelques heures avant le point de presse de Tom Vilsack.

Le porte-parole de la présidence a ajouté que Barack Obama lui avait confié qu'il considérait le limogeage de la fonctionnaire comme une «injustice».

L'affaire a pour point de départ une résolution adoptée la semaine dernière par la NAACP, la plus importante association américaine de défense des droits civiques, qui exhorte les dirigeants du Tea Party à se défaire des «éléments racistes» de leur mouvement de contestation anti-Washington.
Au cours du week-end, le site conservateur BigGovernment.com et son éditeur, Andrew Breitbart, ont donné la réplique à la NAACP, qu'ils ont accusée de tolérer le racisme dans ses propres rangs. Leur preuve? Une vidéo de deux minutes et demie dans laquelle Shirley Sherrod avoue devant des membres de l'association afro-américaine avoir eu une attitude discriminatoire à l'endroit d'un fermier blanc.

Rediffusée en boucle sur la chaîne Fox News, la vidéo a mené non seulement à la démission de la fonctionnaire, lundi, mais également à la dénonciation de ses propos par le président de la NAACP, Benjamin Jealous. Le hic, c'est que la vidéo complète du discours, d'une durée de 43 minutes, ne justifie pas plus la démission de la fonctionnaire que la dénonciation de la NAACP.

Shirley Sherrod racontait une histoire vieille de 24 ans à la fin de laquelle elle expliquait comment, à titre d'employée d'un organisme à but non lucratif, elle était parvenue à surmonter son ressentiment initial à l'égard du fermier blanc pour lui venir en aide et sauver sa terre. Le fermier et sa femme ont confirmé cette version des faits mardi lors d'une entrevue sur CNN.

Le même jour, après avoir vu la vidéo intégrale, le président de la NAACP a retiré sa dénonciation et présenté ses excuses à Shirley Sherrod.

Malgré les excuses et l'offre de Tom Vilsack, l'ex-fonctionnaire a déclaré mercredi qu'elle n'était pas certaine de vouloir retourner au ministère de l'Agriculture. Elle a expliqué que ses supérieurs, dans la crainte des retombées médiatiques de la controverse, l'avaient sommée de démissionner sans prendre la peine d'écouter sa version des faits.

«Cela me blesse qu'ils n'aient même pas essayé de voir ce qui est arrivé?; ils s'en balançaient», a-t-elle déclaré mercredi matin lors d'une entrevue télévisée.

Elle a plus tard accusé Andrew Breitbart et Fox News de racisme et déploré l'attitude de l'administration Obama à leur égard.

«Avoir si peur de la machine que la droite a mise en place, c'est ce qui a contribué à cette affaire», a-t-elle déclaré sur CNN.

Pour lui, cette affaire est plus grave que la polémique soulevée l'année dernière par les critiques de Barack Obama à l'égard d'un policier blanc qui avait arrêté un enseignant noir de l'université de Harvard, Henry Louis Gates Jr., alors qu'il rentrait chez lui. Afin de clore l'incident, M. Obama, régulièrement soupçonné de racisme anti-blanc par ses détracteurs parce qu'il est le premier président noir des États-Unis, avait invité les deux protagonistes de l'histoire à boire une bière à la Maison Blanche.

Mme Sherrod, dont les propos avaient été filmés lors d'une réception locale de l'Association nationale pour l'avancement des gens de couleur (NAACP), a reçu le soutien de cette organisation, fer de lance du mouvement pour les droits civiques.

La Maison Blanche a, selon un responsable ayant requis l'anonymat, appelé le ministère de l'Agriculture mardi soir après la diffusion du reste de la vidéo. Les deux interlocuteurs sont tombés d'accord sur la nécessité de réétudier cette affaire à la lumière de ces nouveaux éléments.
Le ministre de l'Agriculture, Tom Vilsack, qui se dit seul responsable de la démission de Shirley Sherrod, a déclaré mercredi qu'il réexaminerait la décision de ses services.

C'est un revirement manifeste de l'administration fédérale, alors que quelques heures auparavant, le responsable de la Maison Blanche cité plus haut déclarait que le président Obama avait été informé de la démission de la fonctionnaire et approuvait la façon dont l'Agriculture avait agi.

Or, mercredi soir, le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, a reconnu que le limogeage de Shirley Sherrod était une injustice et une erreur, et que l'administration ne connaissait pas tous les éléments quand elle a pris sa décision. Il a ajouté que le ministre de l'Agriculture essayait d'entrer en contact avec l'ex-employée pour lui présenter les excuses du gouvernement.

«J'accepte les excuses», a déclaré Shirley Sherrod sur la chaîne CCN après avoir vu l'intervention de M. Gibbs.

Elle avait affirmé avant de recevoir des excuses ne pas savoir si elle voulait reprendre son poste. «Tout simplement parce que je ne suis pas sûre de la façon dont j'y serai traitée», a-t-elle expliqué.
Elle a même reçu le soutien de la famille d'agriculteurs au coeur de l'anecdote. «Nous n'aurions probablement plus (notre exploitation) aujourd'hui si elle ne nous avait pas mis sur la bonne voie», a déclaré Eloise Spooner, épouse de Roger. «J'espère qu'elle récupérera son poste parce qu'elle a été bonne avec nous.» - La Presse

 

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