Par Abdou Karim Sawadogo (L’Observateur)
“Vaut mieux aller bien qu’aller vite”, dit un proverbe africain. Dans le domaine politique, surtout en temps de crise, cette sagesse trouve tout son sens. Il suffit de propos tenus à un moment inopportun, d’un acte posé prématurément pour qu’un pays, une région, une localité ou une communauté soit à feu et à sang. Voilà pourquoi on attend depuis 5 ans des élections en Côte d’Ivoire ; et les Guinéens ont dépassé le délai constitutionnel prévu sans être fixés sur la date du second tour de la présidentielle.
En effet, selon la loi fondamentale du pays de Sékou Touré, le second tour de leur présidentielle aurait dû se tenir le 4 août 2010 soit 14 jours après la proclamation des résultats définitifs du premier tour qui s’est déroulé le 27 juin dernier. Ce qui suscite des craintes légitimes sur d’éventuelles perturbations du processus de sortie de crise, surtout que nous sommes dans un pays où les institutions comme l’armée cherchent encore ses repères et où le communautarisme est malheureusement en train de s’affirmer.
Affichant sa crainte, le Mouvement social guinéen a du reste proposé que le scrutin se tienne au plus tard le 22 août prochain. “Le silence inquiétant sur la date du second tour constitue une menace pour la transition et les agissements de certains démontrent une volonté manifeste de compromettre le processus”. Le président du Faso, Blaise Compaoré, médiateur dans cette crise, a partagé le même point de vue lors de sa visite mardi dernier à Conakry.
Il a mis en garde les acteurs de la transition, notamment le président Sékou Ba Konaté et son premier ministre Jean-Marie Doré ainsi que les partis politiques : “Nous souhaitons que le premier tour s’organise. Nous allons dire le plus rapidement possible. Si vous laissez, dans des élections aussi majeures, entre deux tours, beaucoup d’espace, beaucoup de temps, vous allez voir se créer d’autres illusions qui vont perturber le processus”.
Comme une réponse du berger à la bergère, le premier ministre Jean-Marie Doré, qui tient son poste grâce aux accords de Ouagadougou, a dit 24h plus tard : “Il est fondamental de corriger toutes les imperfections et des carences enregistrées au premier tour avant de lancer une date pour le second tour”, avant d’asséner : “Je dis pour mon pays ce qui doit être fait”. Pour lui donc, pas de fétichisme de date, l’important étant d’avoir une élection crédible.
Personne n’est contre celle-ci d’autant plus qu’elle est la condition sin qua non pour une sortie de crise réelle. Pour autant, on ne peut que dénoncer ceux qui, en Guinée ou ailleurs, aiment à chanter ce refrain qui cache mal leur volonté de prolonger leur juteux poste quitte à proroger la souffrance de tout un peuple.
Ce temps d’attente est long pour les Guinéens et il l’est encore plus pour Cellou Dalein Diallo qui est à deux doigts de la victoire ; et quand on sait que les agitateurs ne demandent pas souvent beaucoup de temps pour semer le trouble, il faut savoir presser le pas pour son pays. Si on l’aime comme on le clame. – L’Observateur