A 48 heures du scrutin, cinq candidats à l'élection présidentielle au Gabon ont annoncé vendredi la formation d'un front commun pour tenter de barrer la route au fils aîné du président défunt, Ali Bongo, adoubé par le parti présidentiel PDG
Au terme de tractations qui se sont terminées tard dans la nuit de jeudi, les cinq ont décidé de se désister au profit d'André Mba Obamé, ministre de l'Intérieur jusqu'en juin et membre de la direction du Parti démocratique gabonais pendant 23 ans avant de faire cavalier seul pour briguer la succession d'Omar Bongo. Ce dernier est décédé le 8 juin sans avoir rédigé de testament politique ou désigné ouvertement un dauphin, après 41 ans d'un pouvoir sans partage à la tête de cet "émirat pétrolier" du golfe de Guinée riche en pétrole, en manganèse et en bois. Jusque-là , une vingtaine de candidats briguaient la succession, facilitant ainsi la tâche d'Ali Bongo, considéré par beaucoup comme l'héritier politique "naturel" et soupçonné par certains de ses détracteurs comme ayant la haute main sur le "trésor de guerre" électoral du PDG. "Les consultations ont débouché sur un vote secret, qui ont désigné André Maba Obamé (comme notre candidat unique)", ont annoncé les cinq dans un communiqué rendu public par l'un d'entre eux, l'ex-candidate Anna Claudine Assayi Ayo. Toutefois, pour ajouter à la confusion ambiante, sept autres aspirants à la succession ont pris la peine de démentir leur retrait annoncé par certains médias. C'est le cas de deux candidats parmi les plus respectés, Casimir Oyé Mba, ancien Premier ministre d'Omar Bongo, et Bruno ben Moubamba. "Je ne reconnais pas avoir signé semblable document de retrait (de ma candidature) et de désistement en faveur d'André Mba Obamé", a assuré à Reuters Bruno ben Moubamba. Accusé d'avoir dilapidé la manne pétrolière et négligé le développement de ce petit pays de 1,5 million d'habitants, Omar Bongo, considéré comme l'un des piliers de la "Françafrique", était doté d'un grand sens politique lui permettant d'"acheter" ses opposants et de maintenir la paix sociale. PAS D'ATTROUPEMENT DEVANT LES BUREAUX DE VOTE A l'exception de Pierre Mamboundou, adversaire malheureux d'Omar Bongo à deux reprises et dont l'Union du peuple gabonais n'a jamais siégé au gouvernement, de nombreux candidats entretenaient des liens avec le défunt président. Le nouveau front uni constitué contre Ali Bongo, jusqu'encore récemment tout-puissant ministre de la Défense, paraît dominé par l'ethnie Fang, majoritaire au Gabon, contrairement aux Tékés du clan Bongo. Jeudi, le ministre de l'Intérieur, Jean-François Ndongou, a lancé une mise en garde aux éventuels fauteurs de troubles, rappelant qu'il ferait appliquer "la loi et toute la loi". "Nous appliquerons avec la fermeté nécessaire la loi, toute la loi", a-t-il dit en disant que les manifestations non autorisées ne seraient pas tolérées et en interdisant tout attroupement aux abords des bureaux de vote. Certains candidats avaient appelé leurs partisans à surveiller les bureaux de vote après avoir voté, pour empêcher d'éventuelles irrégularités. Les quelque 3.000 bureaux de vote bénéficieront dimanche d'une protection renforcée pour ce scrutin présidentiel à un tour. "Nous serons dans une situation explosive", redoute Wenceslas Mamboundou, un analyste politique gabonais, en évoquant les noms d'oiseaux échangés entre le PDG et la vingtaine de candidats. "En cas de victoire de l'opposition, quelle sera l'attitude du PDG ? L'acceptera-t-il ? Et quelle sera l'attitude de l'opposition si Ali Bongo l'emporte ?", s'interroge-t-il. Nombre de Gabonais n'ont en effet encore jamais vu de bulletin de vote portant un autre nom que celui de l'ex-chef de l'Etat. "Les gens sont nerveux en cette période pré-électorale. Ce n'est pas arrivé depuis 40 ans", souligne un diplomate occidental à propos de la compétition électorale, tout en balayant cependant le risque de guerre civile. - Reuters