Dans la guerre froide à Conakry tout y passe: hypocrisie, intoxication, trahison, mensonge, manipulation…. A l’entame de son discours à la nation le 15 Septembre en relation avec le report de la date du second tour de l’élection présidentielle sine die, le général d’armée Sékouba Konaté déclarait : « Je m’adresse à vous à un tournant critique de l’évolution de notre processus de transition. Après l’espoir que cette entreprise historique a suscité en Guinée et à travers le monde, l’heure est aux doutes et aux interrogations. » Dans cet article, nous allons sacrifier le caractère scoop de certaines informations obtenues.
Comment est-on arrivé au statu quo?
Après la proclamation des résultats provisoires du premier tour de la présidentielle du 27 Juin 2010, les militants de l’UFR, les "chemises rouge", descendent dans les rues de Conakry pour protester avec un langage teinté d'insanités à l’endroit du Président de la transition.
Le Secrétaire général de la présidence, Tibou Kamara rassure : «Le président de la République par intérim, Président de la transition, général Sékouba Konaté a été neutre dans l’organisation du scrutin du 27 juin dernier».
Le Tigre de général menace de démissionner et avertit : « … ceux qui sont en train de manipuler, le moment viendra et la vérité sortira ». Des personnes seront finalement identifiées avec preuve comme étant à l’origine de cette expression de haine vis-à-vis de Sékouba Konaté. Ses amitiés ont même failli en prendre de sérieux coups.
Pendant ce temps, le candidat malheureux de l’UFR à la présidentielle n’a cessé de monter au créneau et d’accuser nommément le général Sékouba Konaté, le ministre français des Affaires étrangères, l’informaticien de l’Organisation Internationale de la Francophonie d’avoir aidé à la manipulation des chiffres sortis des urnes en sa défaveur. Toutes ces personnes auraient, selon Sidya Touré, roulé pour le candidat du RPG, Alpha Condé.
Sidya Touré était si simplement frustré qu’il ne poussera pas l’analyse pour la bonne compréhension de ce qui s’est passé et qui a vue le changement du scenario de ses calculs : un second tour Sidya-Cellou.
Une certitude cependant, la CENI de Ben Sékou Sylla était prête à accompagner ce scenario mais c’était, sans compter les résultats de la Guinée forestière et particulièrement Nzérékoré qui n’étaient pas favorables à l’ami Sidya. L’enfant du pays, Papa Koly Kourouma, le candidat présenté par le RDR a fait une percée inattendue.
Le 2 juillet, jour de la proclamation des résultats, une source dans le système de la CENI révéla a AfricaLog : « le résultat devait être le suivant pour ce premier tour : 1- Cellou Dalein Diallo, 2- Alpha Condé, 3- Sidya Touré, 4- Lansana Kouyaté. Ils n'auraient pas encore réussi à jouer sur les chiffres au profit de Sidya qu'ils voudraient voir affronter Cellou. Les observateurs de l'UE sont présents dans la salle de centralisation, 24/24. La publication officielle serait prévue pour 20h au palais du peuple.»
Ce jour, votre site AfricaLog publie une dépêche révélant à son audience l’obtention des résultats provenant d’une source et s’est toutefois réservé de les publier au cas où il y aurait manipulation des chiffres. Loin de jouer les complices de la CENI, le site a voulu préservé le tissu social. Responsabilité sociale oblige. Sans pour autant perdre de vue que si le pays a décidé d’aller à des élections libres et transparentes, elles doivent permettre de juger le poids politique des uns vis-à-vis des autres.
Effectivement, le soir indiqué, la CENI publie les résultats officiels provisoires dans l’ordre obtenu par votre site de sa source ; à savoir : 1-Cellou Dalein Diallo, 2-Alpha Condé, 3-Sidya Toure, 4-Lansana Kouyaté.
Les candidats malheureux du scrutin dénoncent la mascarade électorale. Des dysfonctionnements graves sont relevés au niveau de la CENI et qu’il faut absolument corriger avant la tenue du second tour.
Entretemps, des tractations sont entreprises pour des alliances en vue du second tour de l’élection présidentielle.
Le RPG du candidat Alpha Condé est sorti de ce scrutin affaibli. Alpha commence une campagne agressive. C’est le seul moyen pour sa suivie politique.
Du côté de l’UFDG c’est l’euphorie. Le candidat de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo ayant obtenu près de 44 % des voix, les militants et sympathisants pensent qu’il ne faut que 6% pour gagner. Un calcul trop simpliste. On revient quand même sur terre. Des alliances costaudes sont nouées : Sidya Touré, Ibrahima Abe Sylla et autres encore comme les populistes du PUP. Seul hic : la base suivra-t-elle?
En attendant, la CENI n’a toujours pas révélé ses secrets, le Président de la transition n’a pas encore fait ses révélations.
Lors du dernier passage du médiateur de la CEDEAO, Blaise Compaoré à Conakry, Sékouba Konaté confesse qu’il a soutenu Sidya Touré en violation de l’accord de Ouagadougou. Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo se regardent comme pour se demander : «Sidya a voulu nous faire ça?»
Tibou Camara, le félon ou le recours?
Sékouba Konaté n’est pas seulement le Chef de la transition. Il se doit de jouer dans l’arène politique comme étant le chef d’un triumvirat. Avec des membres, pas des moindres, comme le Premier ministre Jean Marie Doré et le ministre Secrétaire général de la Présidence de la République Tibou Kamara. Celui-ci dont les ambitions présidentielles ne tarderont plus à se faire jour à force de l’étouffer. Son protecteur ne s’en cache plus d’ailleurs. Et les sorties de Sékouba Konaté dans ce sens ne se voilent plus. La veille de Ramadan, il l’a dit. Très récemment, devant proches et témoins, Sékouba Konaté a poussé l’expression de son admiration et de sa faiblesse pour Tibou Kamara en ces termes : « De tous les guinéens, c’est en ce monsieur seulement que j’ai confiance. Mon petit, ne sois pas pressé. Si vos politiciens ne se comprennent pas, je vais moi-même faire un coup d’Etat et te mettre à la tête du pays...»
En faisant une relecture de son dernier message à la Nation à l’occasion du report de la date du second tour de la présidentielle, le général Sékouba Konaté avertit, sibyllin : « Je n’hésiterais pas à prendre mes responsabilités pour qu’il n’existe pas le moindre doute à propos de la neutralité et de la sincérité de mes collaborateurs dans le gouvernement et mon cabinet. Ni moi, le Chef du Gouvernement, ni aucun autre responsable de la transition, à quelque niveau que ce soit, n’a le droit et ne peut avoir le pouvoir de retarder, bloquer la transition ou la détourner de ses objectifs.
Le maintien ou la révocation de chacun de mes collaborateurs et proches dépendra, à compter d’aujourd’hui, de son engagement à respecter avec moi la parole donnée qui, seule compte à mes yeux. La Guinée ne peut pas continuer à souffrir d’ambitions personnelles qui l’ont ébranlée et conduit à sa ruine totale. »
Le scribe n’est personne d’autre que Tibou Kamara. Rien ne permet de mettre en doute sa mise en pole position par le Président de la transition. Il fait dire à Sékouba, comme pour vraiment préparer les esprits : « Je refuse de croire que l’unique enjeu de cette transition est la conquête, l’exercice ou le partage du pouvoir d’État. Il s’agit d’abord de réconcilier les Guinéens avec eux-mêmes et la Guinée avec le reste du monde. Il s’agit aussi d’honorer la mémoire de tous nos compatriotes qui ont donné leur vie notamment pendant les évènements tragiques du 28 septembre 2009 pour permettre à notre pays de tourner de sombres pages de son histoire. »
Il peut être traité de félon, par un certain Cellou Dalein Diallo, cependant, comme un recours par un Sékouba Konaté. L’imprévu sera toujours, dans ce cas, la grande muette. Même si la réponse est tout trouvée : « Je donne l’assurance que les forces de défense et de sécurité en aucune étape du processus ne manqueront à leur devoir, ne renonceront à leur engagement pour préserver l’espoir et la confiance qu’elles ont créés. Je tiens à les féliciter pour leur contribution déterminante au succès de la transition et à la détermination à être au rendez-vous de l’histoire. » Quid del professor Alpha Condé?
Mais puisqu’en trinquant, on se laisse aller à ses trippes, Sékouba Konaté, dans l’intimité de ses fréquentations, a laissé parler son cœur.
Et pour cause. Il serait déçu par les hommes politiques et leurs comportements lors de la campagne électorale. Il ne semble pas comprendre qu’il ait pris le risque d’accepter d’isoler pour ne pas dire de sacrifier son amitié d’avec Moussa Dadis Camara, aujourd’hui en convalescence à Ouagadougou et pendant ce temps, les mêmes hommes politiques réchauffent les relations avec ce dernier pour la simple et bonne raison de gagner l’électorat de son fief, la Guinée forestière.
De son côté, le Premier ministre Chef du gouvernement d’union nationale de transition ne roule pas pour Alpha Condé comme beaucoup le pensent mais pour le triumvirat. La manœuvre pour modifier la loi électorale par décret est similaire à sa prise de position d’avant le premier tour pour l’adoption de la constitution par referendum. Pour Jean Marie Doré il s’agit de prolonger la transition par tous les moyens.
Une détente pour sortir de la crise?
Le candidat du RPG a refusé d’aller chez le Médiateur insistant sur le fait que le problème peut se régler en Guinée au niveau de la CENI.
En réalité, la CENI n’a pas été a la hauteur dans l’organisation de l’élection présidentielle et ce, sur toute la ligne. Elle est consciente qu’il ya eu des insuffisances graves dans le système. Un audit pourra révéler que la liste électorale n’est pas fiable. Les observateurs indépendants comme l’Union Européenne insiste sur la publication du fichier électoral à ce jour la CENI ne l’a pas encore fait.
Pour remettre l’institution sur les rails cela pourra prendre du temps. La démocratie étant un exercice qui permet de bâtir les institutions, il faut dépasser les clivages pour trouver une solution «outside the box»
Une solution préventive à la Kenyane. Les deux candidats peuvent signer un protocole d’entente pour diriger le pays ensemble, les détails et les modalités de fonctionnement de cet autre gouvernement d’union nationale pourraient être négociés.
Le gagnant des élections sera Président et le perdant, Premier ministre. Il est certain que les partisans qui attendaient des postes ou défendaient certains intérêts égoïstes vont s’opposer à ce genre de solution de sortie de crise. On peut comprendre pourquoi. Il ne s’agit pas d’une victoire de l’Alliance Cellou Dalein Président ou celle de l’Alliance Arc-en-ciel mais de bâtir une nation avec des institutions fiables et prendre rendez-vous dans 5 ans pour une bonne compétition politique dans un pays réconcilié.
Et pour revenir au scénario catastrophe pensé par le patron de la transition, faut-il un vrai faux coup d’Etat pour mettre Tibou Kamara en selle ? Avec quel appui ou quelle complicité ? Pour le général Sékouba Konaté, «c’est notre comportement qui déterminera notre destin plus encore pendant ces moments critiques. C’est notre comportement qui déterminera l’avenir de la transition dans nos mains à tous. Je l’ai dit, je le répète, je ne crois pas à l’homme providentiel et au destin singulier dans cette transition qui est à la fois un défi et un espoir pour aujourd’hui et demain.»
Des extraits à méditer. – AfricaLog.com
A lire dans la série:
L’offensive du «triumvirat» Sékouba-Tibou-Doré
La traversée du désert du général Nouhou Thiam