« J’attends la proposition officielle et ferme de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) pour appeler aux urnes les Guinéens impatients d’élire leur Président tant il est vrai qu’ils ont déjà trop attendu. » Message du 2 octobre 2010 du Président par intérim, Sékouba Konaté.
« Guinéennes, Guinéens
Mes chers compatriotes
Le 2 octobre 1958 nous rappelle une page de fierté nationale et de grande ferveur pour notre peuple, celle de la proclamation de notre indépendance.
Unis et mobilisés autour de l’idéal de liberté, les pères de l’indépendance ont relevé cet important défi de l’histoire.
Aujourd’hui encore, les valeurs qui les ont guidés et éclairés dans leur action à savoir le patriotisme, l’unité de la nation, la grandeur de notre pays, le sens du devoir et de la responsabilité, constituent pour nous et en un moment pour notre pays qui se trouve à la croisée des chemins, un précieux héritage.
L’anniversaire de la souveraineté et de la liberté retrouvée de notre pays cette année, coïncide avec des événements qui interpellent notre conscience patriotique citoyenne.
Dans le recueillement et la sobriété que nous impose une douleur trop récente, nous avons vécu le triste anniversaire de la tragédie du 28 septembre 2009. Je renouvelle mes condoléances et celles de la nation à toutes les familles éplorées. J’implore le pardon de chacun et de tous au nom de l’indispensable réconciliation nationale pour que plus jamais ça.
Justice doit être rendue aux victimes. Justice doit être aussi rendue pour que cesse l’impunité qui est à l’origine de tous les crimes dans notre pays depuis toujours.
Mes chers compatriotes
Nous célébrons aussi notre indépendance à la veille de l’organisation du second tour de l’élection présidentielle du 27 juin dernier.
J’attends la proposition officielle et ferme de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) pour appeler aux urnes les Guinéens impatients d’élire leur Président tant il est vrai qu’ils ont déjà trop attendu.
A ce jour, j’affirme haut et fort qu’aucune proposition de date pour le second tour de l’élection présidentielle ne m’a été soumise pour mon approbation.
A ce propos, le ministre d'État vient de terminer une séance de travail avec la CENI qui a assuré qu’elle travaille ardemment à déterminer la date tant attendue. Je veillerai personnellement à ce que l’attente ne soit plus longue.
D’ici là, il n’est un secret pour personne que la transition qui avait suscité beaucoup d’espoir auprès des guinéens et de nos partenaires est confrontée aujourd’hui à de nombreuses incertitudes.
L’avenir plein de promesse de notre projet démocratique qui nous a mobilisés et fait rêver tous, parait maintenant incertain. D’où la nécessité impérieuse d’un sursaut national et patriotique de notre part à tous car, c’est unis et solidaires que nous avons relevé le défi de l’indépendance. C’est encore unis et solidaires donc plus forts, que nous allons surmonter l’étape fatidique du deuxième tour pour combler nos espérances démocratiques. Un deuxième tour que j’appelle de tous mes vœux et que je souhaite se tenir le plus rapidement possible dans un climat apaisé et dans la confiance entre tous les acteurs de la transition que j’invite à resserrer les rangs car la nation attend beaucoup d’eux, et chacun est face au jugement de l’histoire dont le verdict est implacable.
Mes chers compatriotes
J’appelle une nouvelle fois les acteurs de la transition à un dialogue permanent et à une concertation régulière pour surmonter tous les obstacles.
C’est vrai que le Médiateur dans la crise guinéenne et Président du Faso, son excellence M. Blaise Compaoré est à côté ainsi que la Communauté internationale pour nous appuyer dans nos efforts. Mais, c’est en nous guinéens d’abord qu’il faut trouver les solutions à nos problèmes. C’est dans ce cadre et après consultation de tous les protagonistes et sur la base aussi des accords historiques de Ouagadougou, que j’ai décidé de la mise en place d’un comité de suivi et d’évaluation des actes préparatoires de l’élection présidentielle. Son mandat est clair et limité dans le temps.
Nous attendons que la CENI, seule habilitée à organiser les élections, avec le concours de ce comité, qu’elle nous conduise vite et bien aux élections en créant les conditions nécessaires, à mettre en confiance les candidats pour limiter les risques de contestation des résultats qui seront issus des urnes.
Mes chers compatriotes
Je vous félicite pour l’effort de patience et vous demande encore plus de retenue et de sagesse pour maintenir le climat de paix actuel qui nous permet de regarder l’avenir avec confiance et sérénité. Malgré les apparentes tensions, la Guinée se fera avec tous les guinéens condamnés à vivre dans la même société comme ils l’ont toujours fait par une parfaite intégration de toutes les communautés. Ensemble, nous avons fait face à tous les défis, surmonté toutes les difficultés. Le malheur nous a unis. Ce n’est pas le bonheur qui nous divisera.
Cette démocratie, les élections que nous avons revendiquées au prix de la vie de beaucoup de nos compatriotes, maintenant qu’elles sont à notre portée, constituent une chance que nous devons tous saisir au risque d’être condamnés par l’histoire et de trahir la mémoire de nos martyrs.
J’appelle chaque guinéen dans son comportement et ses propos, à œuvrer pour la paix, la tolérance, l’unité nationale pour que la Guinée demeure une et indivisible et les guinéens continuent à vivre en frères et sœurs unis pour toujours.
J’engage en particulier nos vénérables sages de toutes les régions du pays à cet effort de rassemblement et les invite à prendre des initiatives pour amener les deux candidats à se rencontrer, à se parler et à comprendre que le destin des Guinéens et l’avenir de la Guinée sont entre leurs mains.
J’appelle les jeunes et les femmes qui sont les couches vulnérables, donc les plus exposées à la violence et à ses conséquences, à se mobiliser pour la liberté et la démocratie et en faveur d’une forte mobilisation pour des élections paisibles et libres.
Au nom du gouvernement et du peuple de Guinée, je salue l’effort et les initiatives de médiation de chefs d'État de pays amis ainsi que les nombreuses bonnes volontés à travers le monde pour rapprocher les positions et concilier les intérêts pour qu’une certaine limite ne soit jamais franchie.
Mes chers compatriotes
Personnellement, je me propose de rencontrer les deux candidats qualifiés pour le second tour de l’élection présidentielle afin de discuter avec eux des élections mais surtout d’une possible collaboration pour rétablir la confiance dans la transition et aussi pour prévenir les violences.
Ce sont eux qui doivent nous montrer à tous la voie à suivre. Ils ont la clé de la paix et ont les moyens de nous rassurer à propos de notre avenir car, chacun des deux candidats a la confiance d’une partie de la population. Une confiance qui nous amène à en faire des interlocuteurs incontournables pour les grandes décisions du pays.
J’ai foi en l’un et l’autre et crois fermement qu’ils mettront en face la Guinée qui est au-dessus de tout et de tout le monde.
Mes chers compatriotes
A ces premières élections démocratiques de notre pays, il n’y aura ni vainqueur ni vaincu. C’est ensemble que nous allons gagner et épargner à notre pays un autre rendez-vous manqué avec son destin.
La victoire de l’un n’est pas la défaite de l’autre car celui à qui les Guinéens accorderont leur confiance à l’issue de l’élection présidentielle, a le devoir de faire appel à tous les autres qui, à leur tour, ont la responsabilité de répondre à une main franchement tendue.
Je l’ai dit et je le réitère car, c’est à la fois ma conviction et mon vœu, en un moment où l’enjeu des élections provoque des inquiétudes que, seul notre engagement à privilégier la Guinée pourrait dissiper, la lutte ayant été menée ensemble, la récompense de cet effort commun doit être partagée.
Mes chers compatriotes
Mes compagnons d’arme et moi-même avons donné une parole, celle d’organiser des élections pour que la Guinée soit dotée d’un Président démocratique élu afin de reprendre une vie constitutionnelle normale.
Je réitère cet engagement et souhaite que notre engagement et notre bonne foi soient compris et partagés par tout le monde. Car, la transition, la Guinée c’est l’affaire de tout le monde et non celle du seul Président de la transition qui, sans le soutien et la confiance des uns et des autres, ne peut rien avec toute la volonté du monde.
A ce propos, je tiens à dire que je ne suis pas homme à ne pas assumer ses responsabilités. Seulement, je ne crois pas que c’est à moi de tout faire. Chaque fois que ce sera nécessaire, j’agirai et je réagirai.
La recherche du compromis pour moi n’est pas une faiblesse, mais un effort d’équilibre et d’équité dans un climat dominé par la suspicion, les préjugés, les procès faciles et les condamnations sans discernement.
J’essaie de réfléchir avant d’agir, de consulter avant de décider pour éviter un exercice solitaire du pouvoir qui amène à toutes les dérives.
A ce propos, je félicite les forces de défense et de sécurité, aujourd’hui en première ligne de l’effort de démocratisation du pays.
Je félicite les populations qui gardent leur calme et la sérénité malgré tout.
Je remercie la communauté internationale pour son appui constant et sa confiance totale.
Je suis convaincu que notre détermination et notre engagement à tous, permettront de dominer les passions, de vaincre les peurs et les hésitations pour sortir d’une transition qui a duré plus que prévu mais surtout pour construire un grand destin pour une Guinée qui, après 52 ans d’émancipation politique, est appelée à tirer toutes les leçons de son histoire afin de ne pas compromettre son avenir en réalité. Celui de chacun d’entre nous. Un avenir qui sera ce que nous voudrons et ferons aujourd’hui à ce tournant de la vie de notre nation.
Vive la République
Que bénisse la Guinée et les Guinéens
Vive la démocratie
Je vous remercie. »
2 octobre 2010
Propos recueillis et transcrits par AfricaLog.com