Les firmes multinationales rivalisent depuis des années pour s'accaparer les énormes ressources minières de la Guinée, et son futur président aura le plus grand mal à assainir ce secteur "totalement corrompu", jugent des représentants de la société civile.
"Nous sommes le deuxième pays producteur mondial de bauxite, nous avons un minerai de fer convoité par tout le monde, de l'or, du diamant, du pétrole, etc. Mais nous végétons dans la misère, nous manquons même d'eau et d'électricité", énumère amèrement Mamadou Taran Diallo, président de la coalition guinéenne "Publiez ce que vous payez".
Le nouveau président élu à l'issue d'un deuxième tour prévu dimanche "devra procéder à un assainissement". "C'est un combat. Il faut le mener et le gagner, cette fois-ci !", dit-il à l'attention des deux candidats, Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo.
Première gageure: faire le tri dans les contrats "négociés en cachette et signés à la sauvette" ces dernières années, notamment sous le régime de transition présidé depuis janvier par le général Sékouba Konaté, dit-il.
"Le gouvernement de transition n'était pas du tout chargé de signer des contrats miniers mais d'organiser les élections (après 25 ans de régimes militaires, ndlr). Les deux candidats se sont engagés à dénoncer tous ces contrats", assure le secrétaire exécutif du Conseil national des organisations de la société civile, Aziz Diop.
Récemment, "un contrat signé avec une société américaine pour l'exploration du gaz et du pétrole off shore a choqué pas mal de Guinéens. Une société écran a acquis des droits pour les revendre aussitôt, par pure spéculation", accuse M. Diop, décrivant un "environnement minier totalement corrompu".
"Les compagnies chinoises, aussi, sont là, avec leur arsenal de corruption pour accéder au fer et à la bauxite, selon un système de troc: +vous nous donnez votre minerai et on vous offre des infrastructures+", assure-t-il.
La junte au pouvoir en 2009, dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara, avait été très critiquée pour avoir signé un contrat avec China International Fund, quelques semaines après le massacre de 157 opposants à Conakry. L'accord prévoyait des investissements de 4,5 milliards d'euros d'infrastructures.
"Depuis, China International Fund est entrée en joint venture avec la société australienne Bellzone Mining, pour l'exploitation de l'un des plus grands gisements de fer non exploités au monde, celui de Kalia, à Faranah", explique le journaliste spécialisé Aboubacar Akoumba Diallo (L'Aurore).
Par ailleurs, les immenses réserves de minerai de fer des Monts Simandou (sud-est) restent l'objet d'une dispute féroce entre les géants miniers.
Ces firmes ont promis des investissements gigantesques: 2,9 milliards de dollars pour le projet du groupe anglo-australien Rio Tinto associé à la firme chinoise Chinalco; 2,5 milliards pour celui du brésilien Vale associé à une filiale du groupe israélien Beny Steinmetz Group (BSG-Resources).
"En fait, ces firmes sont en phase d'étude et d'exploration. Les Guinéens soupçonnent certaines d'entre elles de vouloir seulement conserver ces réserves, en privilégiant la spéculation boursière", dit M. Diallo.
Pour ce journaliste, ce qui attend le prochain président, c'est "tout un panier de problèmes" car "chaque compagnie a maintenant des parrains dans le système administratif national qui les aident à évoluer sans respecter les textes réglementaires".
"S'il prend le risque de déstabiliser ces compagnies minières, elles pourraient elles-mêmes déstabiliser son pouvoir", juge-t-il. - AFP