Laurent Gbagbo , qui se revendique président de la Côte d'Ivoire comme son rival Alassane Ouattara, a nommé dimanche soir l'universitaire Gilbert Marie N'gbo Aké au poste de Premier ministre, a-t-on appris de source officielle.
M. Aké "est nommé Premier ministre, chef du gouvernement", selon un décret présidentiel lu à la télévision publique.
Cet économiste considéré comme proche de M. Gbagbo est président de la principale université d'Abidjan, dans le quartier chic de Cocody.
Sa nomination survient le jour même d'une visite de l'ex-président sud-africain dépêché par l'Union africaine (UA), et quelques heures après la présentation du gouvernement dirigé par Guillaume Soro à la demande de M. Ouattara .
Chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) et Premier ministre de M. Gbagbo après avoir conclu avec lui en 2007 l'accord de paix de Ouagadougou, M. Soro a reconnu la victoire de M. Ouattara à la présidentielle du 28 novembre.
Le pays est en pleine tourmente depuis que le président sortant Laurent Gbagbo a été proclamé vendredi vainqueur de la présidentielle avec 51,45% des suffrages par un Conseil constitutionnel acquis à sa cause, qui a invalidé les résultats de la Commission électorale indépendante (CEI) donnant son rival en tête avec 54,1%.
Jack Lang appelle son "cher Laurent" Gbagbo à quitter le pouvoir
Le député socialiste français Jack Lang, pourtant proche du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, l'a prié dimanche de quitter la tête du pays, estimant qu'il se "grandirait en reconnaissant les résultats" qui proclament la victoire de son rival Alassane Ouattara.
"Tu te grandirais en reconnaissant les résultats proclamés par la Commission électorale indépendante mise en place avec ton plein accord. L'élection d'Alassane Ouattara a été par ailleurs reconnue par l'ensemble de la communauté internationale", déclare M. Lang dans une lettre adressée à son "cher Laurent" et rendue publique.
"Il t'appartient, à présent, d'accomplir le geste de retrait qui préservera l'unité ivoirienne et assurera la perpétuation de la démocratie dont tu as été le refondateur", écrit l'ancien ministre à M. Gbagbo, qui était au pouvoir depuis 2000. "Il faut espérer aussi que le Président nouvellement élu saura, à ton exemple, constituer un gouvernement de réconciliation nationale", poursuit le député.
"J'en appelle à ton amitié et aux valeurs communes que nous partageons. L'oeuvre accomplie par toi pour la Côte d'Ivoire est importante", a ajouté le député PS, estimant qu'il y avait "contribué à restaurer la paix".
Un pays, deux présidents, Thabo Mbeki intervient
L'ancien président sud-africain Thabo Mbeki est arrivé dimanche en Côte d'Ivoire pour tenter une médiation entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, qui ont tous les deux prêté serment comme nouveau président samedi, plongeant à nouveau le pays dans la confusion et la crise politique.
M. Mbeki a rencontré Laurent Gbagbo à la résidence présidentielle, a rapporté Augustin Gehoum, un proche de M. Gbagbo.
Défiant la pression internationale, qui a reconnu la victoire d'Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, déclaré vainqueur du scrutin par le Conseil constitutionnel ivoirien, a tenu samedi au palais présidentiel sa cérémonie d'investiture, suivi quelques heures plus tard par Alassane Ouattara.
Ce dernier a été donné vainqueur de la présidentielle par la commission électorale indépendante (CEI), une victoire reconnue par les Nations unies, l'Union européenne, l'Union africaine et les Etats-Unis.
Dimanche, c'est le secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), Abdou Diouf, qui a dit dans un communiqué avoir pris note de la "certification des résultats de l'élection (...) qui confirme les résultats annoncés par la CEI reconnaissant la victoire de Monsieur Alassane Ouattara".
Selon le Conseil constitutionnel, tenu par des proches de Laurent Gbagbo, le président sortant a remporté le scrutin de dimanche avec 51,4% des voix, contre 48,6% pour le chef de l'opposition.
La commission électorale indépendante a, elle, donné la victoire à Alassane Ouattara avec 54,1% des voix, contre 45,9% pour Laurent Gbagbo. Des résultats reconnus par l'Union européenne, les Etats-Unis et la France.
«L'armée seule n'est pas en mesure de maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir»
Plusieurs scénarios de sortie de crise se dessinent, explique Philippe Hugon, spécialiste de la Côte d'Ivoire, qui redoute un 'troisième tour dans la rue'.
Anne, une ivoirienne exprime son ras-le-bol et son impuissance:
"Tout est très calme. On est dimanche, les gens sont chez eux. Je reçois aujourd'hui une quinzaine d'amis, qui viennent tous de quartiers différents de la ville. Et ils n'ont rencontré aucun problème. Des heurts ont eu lieu samedi, quelques pneus brûlés, mais pas à Abidjan."
"L'aéroport de la ville est toujours fermé, alors qu'il devait rouvrir samedi. Il n'y a personne dans la tour de contrôle, et du matériel d'aviation est éparpillé sur la piste."
"Les gens en ont marre de cette élection. On est tous impuissants. Une amie m'a dit : 'Ce que j'en pense ? Mon encéphalogramme est à zéro...'. Mbeki va rencontrer les deux présidents, mais on ne sait pas du tout ce que va donner cette médiation. Il vient vraiment jouer le pompier de service."
"C'est la première fois que la Côte d'Ivoire se retrouve avec deux présidents. Depuis 2000, le pays ne connaît que des problèmes politiques, mais là c'était du jamais vu. On a été trop optimistes, trop euphoriques. On pensait que mettre en place cette élection"
Un pays deux présidents
Les résultats sont tombés, deux fois. Le serment pour la magistrature surprême a été prêté, par deux présidents. Alors que Laurent Gbagbo a été investi ce samedi après-midi président de la Côte d'Ivoire.
La cérémonie d'investiture a été retransmise en direct à la télévision nationale (RTI) après que le chef d'état-major des armées, le général Philippe Mangou, eut renouvelé la veille au soir son allégeance envers Laurent Gbagbo.
L’opposant Alassane Ouattara a prêté serment "en qualité de président de la République de Côte d'Ivoire" par un courrier au Conseil constitutionnel.
Une situation ubuesque qui n'est que le dernier épisode d'une élection longue et très contestée. Le Conseil constitutionnel a invalidé vendredi les résultats de la commission électorale donnant Alassane Ouattara en tête. Avant de proclamer le président candidat Laurent Gbagbo gagnant.
Depuis, les instances internationales multiplient les déclarations offrant leur soutien à Ouattara. Le secrétaire général de l'ONU a ainsi "félicité" l'opposant pour sa victoire". Depuis l'Inde, Nicolas Sarkozy n'a pas dit autre chose: "Il y a un président élu en Côte d'Ivoire. L'ensemble de la communauté internationale et les Nations Unies l'ont reconnu. Ce président c'est Alassane Ouattara." Bruxelles, enfin, a fait savoir qu'elle reconnaissait aussi Ouattara comme "président élu".
Le Premier ministre ivoirien lui-même reconnaissait Ouattara. Guillaume Soro a annoncé qu'il allait lui remettre la démission de son gouvernement. "Nous reconnaissons que M. Alassane Ouattara est le vainqueur de cette élection, a déclaré devant la presse à Abidjan Guillaume Soro. J'ai décidé d'aller lui rendre la démission de mon gouvernement et ma démission en tant que Premier ministre.". Il a jugé "injuste et inacceptable" la décision du Conseil constitutionnel de proclamer Laurent Gbagbo vainqueur en invalidant les résultats de la commission électorale qui donnaient son rival en tête.
Après avoir prêté serment, Ouattara a bien reçu la démission de Soro, et l'a reconduit à son poste. Deux pouvoirs tentent désormais de prouver leur légitimité en parallèle.
Les violences dans la nuit de vendredi à samedi qui ont fait au moins deux morts n'augurent rien de bon. Samedi, au cours de la matinée des centaines de jeunes en colère sont sortis, dans les quartiers populaires pour protester contre la proclamation de la victoire du président sortant. – AfricaLog avec agence
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