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"Big Ben" court toujours

Aug 23, 2009

Ben Johnson est un gentil garçon. Il ne refuse ni autographes ni photos. Difficile de déjeuner en paix au restaurant, à l'intérieur décoré façon cabane au Canada, perdu dans la banlieue nord de Toronto, où il donne ses rendez-vous. A 47 ans, "Big Ben" reste une vedette en son pays. Le Canadien d'origine jamaïcaine se lève sans sourciller pour poser avec un groupe de jeunes qui le lui demande, en plein milieu du repas, comme il le fera quelques heures plus tard avec des écoliers au stade d'athlétisme de l'université de York (à Toronto), où il se rend cinq jours sur sept pour garder la forme.

C'est là qu'il s'est entraîné pendant des années avant les Jeux olympiques de Séoul. Ce 24 septembre, Ben Johnson pulvérise le record du monde du 100 mètres en 9 s 79 et coupe la ligne d'arrivée le doigt tendu vers le ciel devant son éternel rival, l'Américain Carl Lewis. L'image du "colosse volant" fait le tour de la planète. Trois jours plus tard, Ben Johnson est au coeur du premier scandale de dopage de l'ère médiatique. Contrôlé positif aux stéroïdes anabolisants, il devient un héros maudit.

Sa descente aux enfers commence. Après avoir nié en bloc puis fait valoir qu'il aurait été dopé à son insu, il admet finalement les faits en 1989. Deux ans plus tard, le sprinteur tente un come-back. Demi-finaliste au 100 m des J.O. de Barcelone en 1992, il est à nouveau contrôlé positif lors d'une course à Montréal en janvier 1993. La sanction est immédiate : surnommé "Benoïde", il est radié à vie de toute compétition.

Vingt ans plus tard, sur la piste de "son" stade, il continue pourtant de courir, pour le plaisir. "Je me mets dans les starting-blocks et je me sens tout de suite bien", confie-t-il avant de rejoindre, Blackberry à la main, l'un des dix jeunes athlètes auprès desquels il joue le rôle de "consultant" bénévole. "Je ne veux plus faire de l'entraînement comme tel, dit-il. Je les aide à se développer, à travailler mentalement, pour être forts et améliorer leur vitesse."

Le reste du temps, il mène une vie qu'il qualifie de "saine et active". Il surveille son alimentation, s'occupe de sa famille, s'inquiète de son apparence en demandant s'il a "beaucoup changé". L'homme tient manifestement à son image. A Markham, dans une banlieue de la classe moyenne torontoise, son train de vie a bien réduit... Fini la grande maison où il vivait avec sa mère et l'une de ses quatre soeurs. Fini les Porsche et Ferrari des temps glorieux, quand il gagnait plus de 400 000 dollars canadiens (260 000 euros) par mois en contrats publicitaires. "Ce n'est pas facile d'avoir une vie simple quand, dit-il, on a gagné beaucoup d'argent comme moi. J'en ai perdu beaucoup ensuite, mais je reste le même Ben Johnson, un gars qui aime les gens simples et a autant d'amis qu'avant."

De l'argent, il aimerait tout de même bien en récupérer un peu, notamment auprès de son ancien avocat, Ed Futerman, qu'il accuse de lui avoir volé 37 millions de dollars canadiens (24 millions d'euros). Cet argent l'aiderait bien à réaliser de nouveaux projets. L'ex-sprinteur cite son père : "Il aimait dire qu'il y a des millions d'autres façons de vivre que l'athlétisme ", qu'on n'est sur terre que pour un temps limité et qu'il faut en profiter. Balayée, l'évocation des J.O. de Séoul : "Le passé est le passé. J'aurais pu être en colère, mais ma mère m'a appris à tout laisser entre les mains de Dieu. J'ai ainsi trouvé le courage de passer à travers les épreuves, même si cela n'a pas été facile. Ma vie d'aujourd'hui est complètement différente d'avant et je ne m'intéresse plus tellement aux sports", lâche-t-il pour clore le sujet.

Pourtant, en 2008, il rêvait encore d'imprimer sa marque dans le monde du sport en créant une entreprise au titre ronflant de Groupe international de performance athlétique. Dans un court curriculum vitae intitulé "Ben Johnson, l'homme le plus rapide au monde", il rappelle avoir joué les conseillers auprès de Diego Maradona et Saadi Kadhafi, le fils du leader libyen. Deux footballeurs dont les carrières ont été entachées de condamnations pour dopage.

Depuis, plus de contrats d'importance... En 2006, Ben Johnson revient bien sur les écrans américains, mais pour vanter dans un spot publicitaire les mérites d'une boisson énergisante à base de ginseng, qui rappelle étrangement celle qu'autrefois il affirmait avoir bue avant la finale de Séoul pour expliquer son contrôle positif au stanozolol. Son dernier gros contrat visait à être "commentateur" sportif aux Jeux de Pékin, mais le Comité international olympique s'y est opposé.

En 2007, il a aussi tenté sans succès de lancer sous son nom une collection de vêtements de sport et de ville. On peut encore en voir la publicité sur YouTube, mais "le projet est au point mort", avoue-t-il. Il dit aussi vouloir le relancer en réduisant ses ambitions à une courte ligne de "vêtements urbains" et caresse le rêve d'avoir son propre magasin à Toronto.

Mais on devine que la réalité n'est pas à la hauteur des attentes quand Ben Johnson parle du livre qu'il vient d'écrire. "Je voulais le publier en 2008, pour le vingtième anniversaire de cette mauvaise année que fut 1988", souligne-t-il sans expliquer pourquoi le projet tarde à se concrétiser. Il affirme encore que Seoul to Soul - c'est son titre -, sortira cet été, mais il reste évasif quand on le questionne sur le nom de l'éditeur. A force d'insister, il avoue qu'il en "cherche encore un". L'homme est plus disert sur le contenu du livre : "J'y parle de ma vie, de ma famille et de la façon dont j'ai réussi à surmonter tout ce qui m'est arrivé, ce cauchemar de 1988. C'est surtout un livre de motivation, pour aider les autres à passer par-dessus les difficultés de la vie, mêmes les pires." Il assure également vouloir y faire des révélations sur les événements ayant entouré son exclusion à vie... Mais il n'en dira pas plus.

On le sent plus sincère quand il parle de sa vie actuelle. "Je ne supporte pas les gens qui ont une énergie négative et j'essaie avant tout de maintenir mon niveau de stress à zéro en travaillant suffisamment pour vivre mais pas plus", confie-t-il. De quoi vit-il justement ? Principalement de bons placements dans l'immobilier torontois, concède-t-il. "Rien de gros", mais assez pour lui permettre de mener une vie tranquille. Il a "appris à cuisiner et à faire la lessive", roule en petite BMW, regarde des films, écoute de la musique et passe beaucoup de temps avec sa petite-fille de 4 ans, Micaila. "C'est la plus belle chose de ma vie, s'extasie le jeune grand-père. Je l'emmène à la garderie ; je mange des glaces avec elle ; je lui apprends ce que je peux... A être heureuse et à courir." – Le Monde 

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