Il n’y avait pas de meilleur cadre pour commémorer l’anniversaire d’Amilcar Cabral que l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. En effet, l’ambassade de Guinée-Bissau à Dakar a organisé hier jeudi 20 janvier 2011 à l’amphithéâtre B de la Faculté de Droit une séance de discussion pour rappeler le caractère culturel du combat d’Amilcar Cabral froidement assassiné le 20 janvier 1973 à Conakry.
C’est à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar que l’ambassade de Guinée Bissau au Sénégal a porté le débat sur le caractère culturel du combat mené par Amilcar Cabral pour libérer son peuple du joug colonial. En effet, l’amphithéâtre B de la Faculté de Droit a servi de cadre pour ressasser les grands jalons panafricanistes de l’homme. Henri Labery, compagnon de lutte d’Amilcar Cabral, a rappelé la dimension culturelle du combat de son ami. « La lutte pour la libération était en elle-même une lutte culturelle. C’est ce qu’il avait l’habitude de dire. Et les jeunes étudiants d’aujourd’hui doivent s’approprier ce discours », dit-il à l’assistance. Selon lui, c’était d’abord une lutte psychologique qui devait s’opérer par un éveil de conscience.
« Nous n’avons pas des combattants. Nous avons des militants armés. Notre force est l’arme culturelle. Le vrai combat est dans la tête. Il faut lutter pour le savoir », aimait-il à dire nous signale Henri Labery. Mario Cabral, ambassadeur de Guinée-Bissau a rappelé l’emprise et l’influence qu’avait Amilcar Cabral sur la jeunesse. Ce qui selon lui avait fait qu’il y avait plusieurs agronomes après lui. Massamba Lame, Professeur d’Histoire à la retraite, ancien conservateur du musée de la place Sowéto, a pour sa part signalé que cette initiative d’organiser cette commémoration dans l’enceinte même de l’université de Dakar « est du nouveau qu’on doit saluer », dans la mesure où « c’est une initiative de l’union et de la reconnaissance réciproque ».
Et de signaler qu’Amilcar Cabral et Cheikh Anta Diop, parrain de l’université, « sont tous deux combattants pour la liberté de l’homme noir qui avaient l’idéal de rassembler tous les africains ». Maria Elisa de Luna, Ambassadeur du Brésil au Sénégal, a soutenu que la Guinée Bissau et le Brésil ont une histoire commune qui n’est pas encore écrite mais évidente. Francisco Pereira da Veiga, ambassadeur de la république du Cap-Vert à Dakar, a rappelé qu’il a personnellement vécu la lutte de libération et a « un souvenir spécial de la mort d’Amilcar Cabral qui n’a pas hélas vécu les fruits de sa lutte ».
L’ambassadeur du Maroc au Sénégal, Taleb Barrada, a lui aussi fait son témoignage en ces termes : « Le Maroc est l’un des premiers pays à avoir soutenu Amilcar Cabral dans sa lutte. Le Maroc lui a fourni ses premières armes. Le roi Hassan 2 avait pris l’initiative de soutenir les mouvements de libération parce que notre pays a eu son indépendance en 1956 avait subi une occupation plurielle de son territoire ». Pr Amsatou Sow Sidibé a salué la grandeur de l’homme « géant », « visionnaire », « attachant », bref un « héros ». Elle estime que l’héritage laissé par Cabral est inépuisable.
Amílcar Cabral est né en Guinée portugaise (à Bafatá) en 1924 de parents originaires du Cap-Vert. Il part étudier l'agronomie à Lisbonne où il demeure jusqu'en 1952.De retour à son pays, il entame un combat pour l’amélioration de la condition de son peuple et sa libération de la domination coloniale portugaise. En 1956, il fonde, avec Luís Cabral, son demi-frère (futur président de la République de Guinée-Bissau), Aristides Pereira (futur président de la République du Cap-Vert), Abilio Duarte (futur ministre et président de l’Assemblée nationale du Cap-Vert), le PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert) dans la clandestinité.
Le PAIGC se bat contre l'armée portugaise sur plusieurs fronts à partir des pays voisins, la Guinée Conakry notamment et la Casamance, province du Sénégal. Il parvient peu à peu à contrôler le sud du pays, mettant en place de nouvelles structures politico-administratives dans les zones libérées. Il sera assassiné le 20 janvier 1973 à Conakry (Guinée-Conakry), six mois seulement avant l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert le 10 septembre 1974. – Sud Quotidien