Par Mohamed Condé
Excellence, Monsieur le Président,
Favoriser l’insertion de la jeunesse et de la diaspora guinéenne dans le tissu socio-économique en Guinée, il n y a rien de plus urgent !
La Guinée a connu, durant les dernières années, une crise politique et sociale liée à des problèmes de gouvernance et accentuée par la suspension de la coopération avec les Institutions de Bretton Woods et les pays développés. Cette situation a fortement freiné le processus de développement du pays, affaibli, voir anéanti, la capacité de l’Etat et mis à mal la cohésion nationale.
Durant cette période de calvaire qui a désorienté une jeunesse laissée pour compte, plongée dans un désespoir total et sans aucune perspective d’avenir, bon nombres de guinéens ont choisi de s’exiler et d’autres de s’installer aux termes de leurs études, en Europe (France, Belgique, Allemagne, Suisse…), en Amérique du Nord (USA, Canada…) et a ailleurs dans le monde. Ces expatriés qui bénéficient de niveaux de formation appréciable notamment avec des compétences pointues, dans les domaines scientifiques et techniques, au niveau de certaines professions, en matière d’investissement et des finances, etc. peuvent apporter sous diverses formes, leur expertise pour le développement du pays.
Monsieur le Président, au terme d’une période de transition qui a abouti à votre élection à la magistrature suprême du pays, le Gouvernement a relancé le dialogue avec la Communauté Internationale, qui est de bon augure, et la diaspora espère que cela conduirait le Gouvernement à circonscrire (1) les réformes à mener pour améliorer la gouvernance politique et économique, (2) les multiples défis à relever et en particulier, les actions prioritaires à mener et enfin (3) les ressources, notamment humaines et financières à mobiliser pour atteindre les objectifs assignés.
Dans ce cadre, Monsieur le Président, la diaspora guinéenne voudrait compter sur l’engagement du Gouvernement, sous votre haute autorité, à aménager une période définie durant laquelle des stratégies de renforcement des capacités nationales seront mises en place. Il s’agirait, notamment de promouvoir un programme de mobilisation des compétences de la diaspora pour appuyer le développement du pays. Et pour ce faire il faudrait :
1. Créer un environnement propice au retour des Guinéens de la diaspora qui pourront offrir immédiatement de nouvelles opportunités dans des domaines prioritaires.
2. Améliorer le climat des affaires et de l’entreprenariat privé pour inciter des guinéens de la diaspora, à transférer leurs activités au pays et ainsi créer des emplois pour les jeunes en particulier.
3. Assurer la formation professionnelle des guinéens intéressés au programme de retour dans leur pays et autres candidats à l’immigration.
Ces différentes stratégies devraient viser d’une part, à renforcer le pilotage du développement (amélioration de la coordination de l’action gouvernementale, remise en place d’une capacité minimale de gestion des réformes économiques, financières et sectorielles…) et, d’autre part, à renforcer la capacité des structures en charge des missions de services publics essentiels avec des nationaux rompus à la tâche, et enfin à assurer la formation professionnelle de certains guinéens pour faciliter leur insertion dans le tissu socio-économique du pays.
C’est dans ce cadre que pourrait s’inscrire le besoin de mettre en place une base de données à l’effet, d’une part, de collecter, de traiter, de classer par domaine de compétence et de mettre à la disposition de l’Etat et des institutions intéressées les informations relatives aux compétences et autres ressources de la diaspora guinéenne, et d’autre part, d’informer sur les efforts du gouvernement pour inciter la diaspora à investir en Guinée et de prendre sa place dans le processus de développement socio-économique du pays.
Monsieur le Président, dès après votre élection à la magistrature suprême du pays, vous avez lancé un appel en encourageant les Guinéens de la diaspora à venir participer au développement socio-économique du pays. Vous avez aussitôt ajouté que l’Etat ne doit pas être regardé comme étant le seul pourvoyeur de l’emploi car l’Etat est limité dans sa capacité d’absorption du chômage. Votre message est perçu et bien apprécié par la jeunesse et la diaspora guinéenne qui savent désormais compter sur votre bonne volonté d’engager l’Etat à jouer son rôle de créateur d’environnement favorable et des conditions propices au développement du secteur privé et de l’entreprenariat, facteurs clefs du développement socio-économique.
Le rôle du secteur privé, en général, et des Petites et Moyennes Entreprises (PME), en particulier dans la croissance économique et la réduction de la pauvreté est reconnu à travers le monde, en raison de son apport à l’économie nationale, selon différents documents de politique économique ou sectorielle tels que: le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), la Stratégie de Développement du Secteur Privé (SDSP), le Programme Intégré de I’ONUDI et la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA).
Au plan régional, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique accorde une importance particulière à la promotion et au développement des PME dans le domaine d’action prioritaire de l’accès au marché. De même, l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et la Communauté Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’emploient à en faire l’un des moteurs de l’intégration économique, à travers la directive sur le financement et le développement des Petites et Moyennes Entreprises et les Accords de Partenariat Economique (APE).
Selon certaines études macro-économiques et sectorielles effectuées dans plusieurs pays, les indicateurs montrent, qu’en moyenne, les PME contribuent à la hauteur de :
- 20% au Product Intérieur Brut (PIB)
- 30% à l’emploi dans le secteur moderne
- 25% au chiffre d’affaires global
Depuis quelques années, le secteur privé est placé au cœur des politiques de développement économique des pays africains. Deux facteurs contribuent à cette nouvelle approche: l’échec du développement économique sous l’impulsion du secteur public et la montée de la mondialisation. Jusqu’aux années 70, le développement économique était largement sous le contrôle de l’État qui, bien souvent, assurait la fourniture même de biens et de services. Ainsi, bon nombre de gouvernements ne se contentaient pas de décider quelles industries et entreprises seraient créées et financées, mais détenaient et exploitaient l’appareil de production, y exerçant non seulement des fonctions de direction, mais aussi des fonctions opérationnelles et de gestion. Même s’il est vrai que certains pays africains ont connu une forte croissance dans les années 60 et au début des années 70, la combinaison du contrôle des entreprises par l’État et de l’absence de concurrence sur les marchés a finalement conduit à des dysfonctionnements généralisés qui se sont manifestés sous la forme de produits chers et de mauvaise qualité, et par un besoin croissant de subventionnement des entreprises publiques, au détriment des fonds publics disponibles pour les services et équipements collectifs essentiels, tels que les services sociaux, l’éducation et l’infrastructure de base. Il est apparu alors qu’une redéfinition en profondeur du rôle de l’État offrait des possibilités réalistes de meilleur développement économique.
Le deuxième facteur, à savoir la mondialisation, est le fruit de deux évolutions distinctes, quoique liées: la libéralisation des échanges et la rapidité du progrès technologique. La libéralisation des échanges a rendu la mondialisation possible sur le plan juridique et a offert de nouveaux marchés pour étendre les économies d’échelle; le progrès technologique l’a rendue possible sur le plan technique et a apporté les techniques nécessaires en matière de transport, de communication et de production pour distribuer des biens et services efficacement sur de vastes zones, contrôler des opérations à distance et produire des biens selon de nouvelles méthodes, plus économiques. De ce fait, au cours des vingt dernières années, de nombreux marchés se sont ouverts et les entreprises efficaces se sont multipliées, ce qui a accru la concurrence sur les marchés du monde entier.
La redéfinition du rôle de l’État, associée à la mondialisation, a eu pour conséquence de placer le secteur privé au premier plan du développement économique dans la plupart des pays en développement.
Face aux défis à relever pour assurer un développement harmonieux en Guinée, il apparait que le rôle de la diaspora avec une formation appréciable et des compétences pointues dans divers domaines est primordial. Mais comme indiqué plus haut, un environnement favorable et adapté devrait être créé, des conditions propices réunies, pour le développement et le succès des PME et de l’entrepreneuriat.
Il faut noter que les contraintes ou obstacles au développement des PME sont liés
- à l’environnement juridique peu favorable,
- au manque de financement ou au financement inadapté à leurs besoins,
- à un système de gestion peu orthodoxe,
- à l’insuffisance des infrastructures de soutien à leurs activités,
- à la faiblesse du marché de services aux entreprises,
- à l’inexistence ou l’inefficacité des structures d’appui,
- à la non maîtrise des sources d’approvisionnement en matières premières,
- aux difficultés d’accès au marché,
- à la vétusté des équipements,
- à l’ignorance des normes de qualité.
Il convient alors de noter que la création d’un environnement favorable dépourvu d’obstacles à la création, au développement et à la promotion des PME, de l’entreprenariat et de la micro-finance requière:
1. L’engagement de l’Etat à effectuer des réformes visant l’allégement et la simplification des règles juridiques, fiscales et administratives et des procédures dans les domaines d’accès au financement, aux marchés ainsi qu’à accélérer la réforme foncière en vue notamment de faciliter l’aménagement et la mise à disposition de sites ;
2. La démarche novatrice avec les systèmes classiques d’accès au crédit bancaire en vue d’assurer le financement durable des PME à travers l’appel public à l’épargne qui permet d’élargir la base de leurs actionnaires et investisseurs ;
3. L’élaboration et mise en œuvre de la Charte des PME avec toutes les parties prenantes, sur la base des principes de concertation, de participation et de transparence.
Pour ce faire, la création des nouvelles structures d’appui s’impose pour :
- favoriser la création et la promotion des PME notamment dans les secteurs des services, de l’industrie, de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
- conduire les politiques de mise à niveau des PME ainsi que de leur environnement en vue d’assurer leur intégration dans l’économie sous régionale et dans la mondialisation.
- élaborer et mettre en œuvre des stratégies pour le développement de programme de promotion de la qualité à travers la diffusion de la culture de la qualité et de la certification au sein des PME.
- développer les actions permettant d’aider les entrepreneurs, ainsi que les porteurs de projets ou d’initiatives souhaitant créer une entreprise ; favoriser leur formation, notamment en matière de finances, de crédits, de comptabilité, de commerce national et international.
L’appui au développement du secteur privé, notamment des Petites et Moyennes Entreprises, est d’autant plus crucial qu’il occupe une place de choix dans les structures d’aide socio-économiques des pays avancés. Aux USA, il y a ce qu’on appelle « Business incubators et Capital Venture », en Europe (France par exemple), ce sont les incubateurs d’entreprises ou d’affaires et le Capital-Risque.
Le capital-risque - en anglais, venture capital - est sans doute le mode de financement le plus fréquemment associé à la création et au développement des petites et moyennes entreprises qui souhaitent poursuivre un projet de croissance. En effet, les sociétés ou fonds de capital-risque disposent de moyens financiers importants qu’ils investissent afin d’aider les entrepreneurs à concrétiser tout le potentiel des entreprises qu’ils dirigent. Ces entreprises se voient ainsi dotées de moyens financiers adéquats et sont donc capables de se développer plus rapidement et efficacement
Un incubateur d’entreprises est une structure d’accompagnement de projets de création d’entreprises qui favorise un apport d’appui en termes de conseils techniques et financiers dans les premières étapes de la vie d’une entreprise. Un incubateur s'adresse à des sociétés très jeunes ou encore en création, et leur propose un ensemble de services adaptés. Les entrepreneurs qui souhaitent suivre un programme d'incubation d'affaires doivent solliciter l'admission. Les critères d'acceptation changent du programme au programme, mais en général seulement ceux avec des projets d’affaires faisables et un plan réalisable et réaliste sont admis. Il y a aussi des Pépinières et hôtels d’entreprises qui peuvent offrir l’hébergement, les conseils techniques et assistances financières.
Monsieur le Président, a l’image des structures d’accompagnement citées plus haut, des mesures concrètes pourraient être prises en Guinée pour créer des structures d’appui appropriées et adaptées aux réalités et aux conditions spécifiques guinéennes pour favoriser et faciliter l'émergence et la concrétisation de projets de création d'entreprises innovantes valorisant les compétences et aptitudes des jeunes entrepreneurs guinéens.
La modernisation du secteur publique qui s’inscrit dans les programmes de l’Etat comme une des priorités au premier plan est aussi un domaine dans lequel la diaspora pourrait apporter une contribution de qualité. L’informatisation des secteurs de l’administration publique joue un rôle impératif dans le processus de modernisation.
La simplification administrative et l’amélioration de l’efficacité publique sont actuellement des enjeux pour la modernisation de l’état. La mise en réseau du secteur public apparaît comme un point de passage obligé. Ainsi, l’e-administration, la performance publique, la réduction des coûts et l’ouverture des systèmes d’information sont les enjeux majeurs du service public.
L’investissement informatique pour le secteur public et les administrations est l’un des moyens les plus efficaces de faire baisser le poids trop important des dépenses publiques dans l’économie nationale. Le système d’information est l’un des outils les plus utilisés pour moderniser le secteur public. Les évolutions technologiques permettent par exemple de mieux se focaliser sur les retours sur investissements, d’automatiser et d’améliorer les processus administratifs, de renforcer la collaboration informatique entre les différents secteurs de l’administration et d’améliorer les échanges avec le secteur privé.
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication permettent d'augmenter et sécuriser les recettes et d’éliminer ou limiter la fraude. La douane est un bon exemple.
Les nouvelles technologies peuvent aider à :
- disposer d’informations comptables et financières rapides et fiables ;
- améliorer le niveau des recettes fiscales ;
- assurer une meilleure gestion des dépenses publiques ;
- renforcer la maîtrise de la masse salariale et des dépenses publiques en général ;
- apurer le fichier du personnel de la Fonction Publique et celui du Bureau Central des Soldes (BCS) afin de mettre en place un fichier unique du personnel ;
- moderniser la préparation, l’exécution et le suivi du budget ;
- moderniser la gestion des contribuables et des impôts au sein de la Direction Générale des Impôts ;
- moderniser l’administration fiscale de l’Etat ;
- intégrer les bases de données au niveau central et au niveau déconcentré ;
- interconnecter les réseaux informatiques au niveau central et au niveau déconcentré ;
- élaborer un Schéma Directeur Informatique pour le Département.
Certains fonctionnaires de l’Etat continuent, aujourd’hui, à percevoir frauduleusement leurs salaires sans être en service ; ils sont soit occupés a d’autres affaires privées ou installés à l’étranger et continuent à occuper des postes qui sont réellement vacants. D’autres fonctionnaires détachés à certains ministères continuent à percevoir indument deux salaires, tandis que dans d’autres cas, les dossiers d’agents décédés n’ont pas été clôturés et les salaires continuent à être versés à des tiers. Les complicités sont tentaculaires, allant du ministère de la Fonction publique à celui des Finances, pour finir dans les banques ou dans les poches.
Monsieur le Président, ces pratiques frauduleuses qui continuent à faire saigner l’économie guinéenne n’ont que trop duré et doivent être stoppées impérativement. L’information technologie est évidemment l’un des moyens les plus surs et les plus efficaces pour éliminer ces fraudes.
Evidemment, ce serai un vrai chalenge et du courage d’introduire le changement profond dans certains secteurs compte tenu du fait que les usagers du vieux system, habitués aux vieilles méthodes pendant des décennies, toujours perçoivent le changement comme un risque de dangers potentiels. Même dans les pays hyper développés, la gestion du changement pose de gros problèmes. Mais s’il y a une chose qui est constante dans la vie c’est bien le changement. Rien d’autre n’est constant.
Espérant que le contenu de cette lettre retiendra votre attention je vous prie, Excellence Monsieur le Président, de recevoir l’expression de mes sentiments distingués.
Mohamed Conde
Dallas, Texas
mconde10@yahoo.com