Plusieurs milliers de Tunisiens ont manifesté samedi devant l'ambassade de France à Tunis pour réclamer le départ de Boris Boillon, fraîchement nommé par Paris après le départ du président déchu Zine Ben Ali.
Après plusieurs semaines de calme, Tunis a renoué samedi les rassemblements: environ 15.000 personnes ont défilé dans la capitale pour défendre la laïcité et 3.000 se sont rassemblées devant les grilles de l'ambassade de France.
Cette mobilisation est le dernier épisode en date d'une relation franco-tunisienne qui s'est passablement refroidie depuis la chute du régime de Zine Ben Ali, mi-janvier.
Arrivé mercredi, Boris Boillon s'est attiré les foudres des Tunisiens en moins de trois jours.
Dans une vidéo qui circule sur internet, on le voit tancer des journalistes tunisiens pour leurs questions "débiles" sur la ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie ou les liens de la France avec l'ancien président tunisien.
"Boris Boillon, dégage", ont scandé les manifestants, détournant le slogan inventé aux plus fortes heures de la contestation contre Zine Ben Ali, contraint de fuir le pays sous la pression de la rue. "Boris Boillon est un mercenaire et un imposteur", pouvait-on lire sur une pancarte.
A Paris, le ministère des Affaires étrangères a minimisé l'ampleur de la polémique. "C'est un incident isolé", a dit sur RTL le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero, sur RTL.
"Il faut rester calme et relativiser parce qu'il a rencontré beaucoup de journalistes et déjà beaucoup d'autorités tunisiennes qui lui ont tous manifesté leur soutien et leurs encouragements", a-t-il ajouté. "Sa feuille de route c'est d'accompagner la Tunisie sur le chemin de la démocratie et du développement".
Face au tollé, le nouvel ambassadeur, qui fut conseiller de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur, a adressé un message d'apaisement via Twitter. "Vraiment désolé si j'ai pu offenser. Ce n'était pas mon intention", écrit Boris Boillon.
"On mérite des excuses publiques et à la TV", s'indigne une internaute sur la page Facebook intitulée "Tous contre Boillon" à laquelle plus de 7.000 personnes avaient souscrit samedi.
"NOUVELLE PAGE"?
"L'ambassadeur star du Sarkozysme, jusqu'ici à Bagdad, incarne la diplomatie du business quand la priorité devrait être de renouer avec la société civile", peut-on également lire sur la page, où sont dénoncées ses positions en faveur de l'intervention américaine en Irak.
Paris tente de rectifier le tir avec Tunis après avoir reconnu fin janvier que les autorités françaises avaient tardé à prendre la mesure de la contestation populaire qui a conduit à la fuite de l'ancien président.
Dans la foulée, Nicolas Sarkozy a rappelé l'ambassadeur de France à Tunis Pierre Ménat et nommé à sa place Boris Boillon, 41 ans, qui a grandi en Algérie et parle couramment arabe.
Les révélations en cascade sur les vacances tunisiennes de la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, n'ont pas contribué à réchauffer les relations bilatérales.
La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a annoncé la semaine dernière qu'elle se rendrait à Tunis le 22 février.
Elle sera le premier membre du gouvernement français à se rendre sur le sol de l'ancien protectorat français depuis la chute de Ben Ali alors que le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Italie y ont déjà dépêché des émissaires.
A son arrivée à Tunis, Boris Boillon avait multiplié les signes de bonne volonté, mêlant les déclarations en français et en arabe, rencontrant le président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme et conviant des journalistes à déjeuner.
"On est vraiment ici pour ouvrir une nouvelle page dans la relation entre nos deux pays" déclare-t-il sur la vidéo de cette rencontre postée sur internet.
A propos de Michèle Alliot-Marie, "je ne fais pas de commentaires, je ne suis pas au courant", explique Boris Boillon qui prône un "contrat de confiance" avec les journalistes.
Selon Mediapart et Rue89, l'échange tourne à l'aigre quand l'une d'entre eux l'interroge sur les "leçons" que Paris n'entend pas donner à Tunis puis quand une autre lui parle de son prédécesseur et de ses relations avec Nicolas Sarkozy.
"N'essayez pas de me faire tomber sur des trucs débiles franchement. Vous croyez que j'ai ce niveau là? Vous croyez que moi je suis dans la petite phrase débile? Je suis là pour exposer une philosophie", s'emporte le diplomate, qu'on entend également dire "c'est n'importe quoi!". - Reuters