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Comment combattre la corruption et l’impunité en Guinée?

Apr 16, 2009

Par Charles André Soumah *

Le diagnostic posé par la plus haute autorité de l’Etat d’une façon lucide et responsable, détermine la responsabilité de chacun et de tous dans le désastre de la mauvaise santé de l’économie guinéenne. L’administration publique, les sociétés et les entreprises sont mises en cause. Comment expliquer en effet que tant de corruptions, de détournement de biens publics se soient installés dans les rouages de l’administration au point de créer un manque total de confiance avec les bailleurs de fonds et les partenaires au développement.

Comment expliquer l’enrichissement rapide de certains cadres partis de rien au moment où ils assumaient des responsabilités administratives dans la gestion des affaires de l’Etat? l’ennemi le plus destructeur d’une politique de développement est la corruption. S’il est vrai que ce fléau est une maladie planétaire, il faut reconnaître qu’en guinée, elle a fait des progrès aussi ravageur que le SIDA.

La corruption a une prévalence élevée en guinée. L’indice est de 36% selon l’enquête nationale sur la corruption réalisée en 2003 par Stat View, le phénomène touche tout le pays et même les secteurs stratégiques de l’Etat. Le Département de l’Urbanisme et Habitat détient le plus grand indice 64% dépassant largement le niveau national. Les départements de la fonction publique et emplois 43% ; Jeunesse Sport et Culture, l’Administration du Territoire et Décentralisation 42% et la Sécurité 40%. Les secteurs sociaux éducation, Santé sont affectés par le fléau dans une moindre mesure.

Les principales pratiques de corruption sont des pots de vins, les dessous de table pour contourner les règles ou corrompre les décisions légales ou pour l’obtention des contrats de licence ou des permis avec les services publics. On estime selon l’enquête de 2003 de Stat View a environ 500 milliards de nos francs la valeur des pots de vins versé par des personnes physiques et morales aux services de l’Administration publique. La douane profite de 34% de la valeur des pots de vins versés annuellement suivi de la SOTELGUI 15% de la SEEG et l’EDG 6% des impôts et taxes 3%.

La corruption a un effet négatif sur l’environnement économique. Elle contribue à l’aggravation de la pauvreté. La corruption n’est plus un tabou, elle est aujourd’hui un sujet débattu publiquement. Ainsi dans les écoles et Universités, on assiste à un phénomène de marchandage de notes, dans les hôpitaux certains médecins sacrifient complètement le serment d’Hypocrate, privilégeant l’argent au détriment de la santé du patient. Quelques agents médicaux travaillant dans les hôpitaux nationaux ( Donka et Ignace Deen) offrent des services peu satisfaisants et lorsqu’ils sont dans les cliniques privées se montrent plus professionnels.

Au niveau des marchés publics, la motivation des DAF (Directeurs Administratifs et Financiers), les Directeurs généraux, des chefs de projets et programmes est plus que jamais le partage du denier public et non la réalisation des services, des travaux et des fournitures. Dans des tribunaux et commissariats de police, le fléau prend de l’ampleur, autant il est facile d’avoir une carte d’identité nationale, un document officiel de voyage, un permis de conduire, autant il est facile d’acheter une décision de justice tout cela à la recherche de l’argent. Or le premier principe de la charte du développement est la justice. Elle est la charpente d’une économie solide, la balance qui équilibre le Pouvoir législatif et le Pouvoir Exécutif. Si nous faussons cette balance qui est l’unité de mesure nous ne pourrions pas vaincre la pauvreté.

La Guinée comme la plupart des pays, a prévu dans le code pénal, la répression de la corruption active le fait de corrompre, et de la corruption passive le fait, par un fonctionnaire de se faire corrompre. Il en est de même de la prévarication des fonctionnaires, la concussion, le détournement de denier public. L’assainissement du secteur public passe nécessairement aujourd’hui par le choix méticuleux des cadres à soumettre à une éthique publique de rigueur au travail, de probité et d’abnégation. Ainsi donc, le soutien et la fidélité au Chef de l’Etat ne doit pas se limiter à une simple gymnastique démagogique ou par des slogans, mais à mériter sa confiance par la bonne gestion des affaires de l’Etat, c'est-à-dire, la bonne gouvernance.

La bonne gouvernance, c’est vaincre la pauvreté, un défi qui concerne les guinéens. En tout cas il faut maintenant sortir des sentiers battus, des actions sporadiques tapageuses souvent sans impact positif et s’engager résolument dans un programme d’inspection et de contrôle régulier, un assainissement à caractère préventif et curatif. En somme récupérer toutes les créances de l’Etat.

Chaque guinéen doit être conscient que les pillages et les détournements massifs des deniers ne peuvent pas continuer sans entraîner des conséquences irréparables de l’économie de notre pays. Pour éviter l’explosion sociale, la guinée doit gagner la bataille contre la pauvreté. Et aucune lutte contre la pauvreté ne peut aboutir sans un combat contre la corruption et l’impunité. De cela dépendent la survie de notre peuple et la stabilité sociale de notre pays. - AfricaLog

*L’auteur de l’article est correspondant permanent de AfricaLog en Guinée.

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