Les représentants du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo ont rejeté jeudi à Addis Abeba les propositions supposées "contraignantes" présentées par un panel de chefs d'Etat mandaté par l'Union africaine (UA), agitant le spectre d'une reprise de la guerre civile.
"Nous avons estimé que c'est une proposition inacceptable", a déclaré le président du Front Populaire Ivoirien (FPI) Pascal Affi N'Guessan, à l'issue d'une consultation avec les membres de ce panel, réunis depuis mercredi au siège de l'UA.
Le panel de cinq chefs d'Etat n'a pas rendu publique ses conclusions, réputées "contraignantes", qu'il devait adopter pour tenter de mettre fin à la crise née de l'élection présidentielle contestée du 28 novembre en Côte d'Ivoire.
Il était cependant attendu que ce panel réitère la position de principe de l'UA, selon laquelle le rival de M. Gbagbo, Alassane Ouattara, est le vainqueur de ce scrutin.
"Malheureusement, nous avons constaté que le panel de haut-niveau s'est contenté de reprendre ce que nous savons déjà. Le panel est dans l'incapacité de nous donner les arguments qui fondent cette décision", a affirmé M. Affi Nguessan.
"(...) Nous continuons la fuite en avant. Tout le monde s'appuie sur l'annonce du haut-représentant de l'ONU (en Côte d'Ivoire, Choi Youg-Jin)", a-t-il estimé, en référence à la reconnaissance par l'ONU de la victoire de M. Ouattara.
"Mais si cet élément était faux? S'il ne reflétait pas la réalité?", a lancé le représentant de M. Gbagbo.
A l'issue d'une réunion entamée la veille, les membres du panel de l'UA ont présenté jeudi leurs conclusions au camp de M. Gbagbo, représenté par M. Affi Nguessan, ainsi qu'à Alassane Ouattara, qui s'est déplacé pour sa part au siège de l'UA dans la capitale éthiopienne.
M. Ouattara n'a fait aucun commentaire sur les propositions du panel de l'UA.
Mais pour M. Affi Nguessan, "si cette initiative ne débouche pas sur des propositions pertinentes et irréfutables, suffisamment convaincantes, nous craignons que l'UA contribue en quelque sorte à parachever le coup d'Etat entamé en 2002, et qui s'est mué en coup d'Etat électoral à travers les dernières élections présidentielles".
"Nous craignons qu'en accompagnant ce coup d'Etat là, l'Afrique, l'Union Africaine ne contribuent a aggraver la situation et être comptables d'une éventuelle guerre civile qui pourrait avoir lieu parce que la population n'aurait pas été convaincue de la pertinence de ce choix", a-t-il menacé.
Le panel de l'UA doit désormais présenter dans l'après-midi ses conclusions au Conseil de paix et de sécurité de l'organisation continentale, qui réunit 15 pays africains, dont six représentés jeudi par leur président.
Les réunions d'Addis Abeba sont largement considérées comme l'ultime chance laissée à la diplomatie pour résoudre la crise ivoirienne et écarter la menace d'une guerre civile, dans laquelle s'enfonce inexorablement la Côte d'Ivoire.
Plus de 370 personnes ont été tuées dans des affrontements depuis fin 2010 selon l'ONU, alors qu'une situation insurrectionnelle se développe dans plusieurs quartiers d'Abidjan, que des hostilités à grande échelle ont repris dans l'ouest du pays, et que l'économie est progressivement étouffée par les sanctions internationales contre le président sortant.
Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA sera par ailleurs consacré à l'autre grande crise africaine du moment, l'insurrection en Libye contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi.
La Libye, traditionnellement l'un des principaux bailleurs de l'organisation panafricaine, y sera représentée par son ministre des Affaires étrangères, Moussa Koussa. – AFP