La crise nucléaire s'est aggravée mardi au Japon avec deux nouvelles explosions et un incendie à la centrale atomique de Fukushima qui ont provoqué une hausse du niveau de radioactivité jusqu'à Tokyo, où un sentiment de panique commence à s'emparer de la population.
L'opérateur de la centrale, située à 240 km au nord de la capitale et fortement endommagée par le séisme de magnitude 9 doublé d'un tsunami qui a dévasté la côte nord-est vendredi, a déclaré que des brèches étaient apparues dans l'enceinte extérieure du bâtiment du réacteur n°4, libérant directement de la radioactivité dans l'atmosphère.
Une zone d'exclusion aérienne a été instaurée dans un rayon de 30 km au-dessus de la centrale de Fukushima-Daiichi. Le Premier ministre japonais, Naoto Kan, a demandé à la population dans un rayon de 30 km autour de la centrale de rester chez elle, signe de l'aggravation de la situation.
L'accident nucléaire, le plus grave au monde depuis celui de Tchernobyl en 1986, relance le débat sur la sûreté de l'énergie atomique à travers le monde.
L'Autorité française de sûreté nucléaire a classé l'accident au niveau 6 sur l'échelle de gravité internationale qui en compte 7, le niveau atteint par Tchernobyl.
A Vienne, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a réclamé des informations plus détaillées et plus rapides de la part des autorités japonaises.
SITUATION CRITIQUE AU RÉACTEUR N°4
"La possibilité de nouvelles fuites radioactives se renforce", a déclaré Naoto Kan, le visage sombre, dans une allocution au pays pendant laquelle il a appelé au calme.
Les deux nouvelles explosions signalées mardi, dans les réacteur n°2 et n°4 de Fukushima-Daiichi, s'ajoutent aux deux qui s'étaient produites depuis samedi dans les réacteurs n°1 et n°3 en raison d'une accumulation d'hydrogène.
Ces incidents en cascade sur le site ont été déclenchés par la panne des systèmes de refroidissement, qui fait craindre une fusion du combustible dans le coeur des réacteurs, protégé par une double épaisseur d'acier et de béton.
Selon l'AIEA, les enceintes de confinement des réacteurs n°1 et 3 semblent intactes, mais celle qui protège le coeur du réacteur n°2 a peut-être été touchée.
La situation la plus grave concerne le réacteur n°4, qui était en maintenance au moment du tsunami et n'avait pas posé de problème jusqu'à mardi.
L'explosion a provoqué un incendie dans un bassin de rétention de combustible usagé, qui a été éteint par la suite, dit l'exploitant de la centrale, Tokyo Electric Power (Tepco). Mais le combustible continue de chauffer et Tepco a fait savoir qu'il tenterait d'injecter de l'eau - peut-être au moyen d'hélicoptères - dans les deux ou trois jours.
Il n'a pas expliqué les raisons de ce délai mais précisé que le niveau de radiation était devenu trop élevé dans la salle de contrôle du réacteur pour permettre aux ingénieurs de travailler normalement. Tepco a évacué 750 employés du site de Fukushima, où il ne reste que 50 ingénieurs et techniciens.
Le niveau de radiation relevé près du réacteur n°4 atteint 400 millisieverts par heure. Une exposition à plus de 100 millisieverts par an peut engendrer des cancers, selon l'Association nucléaire mondiale.
SCÈNES DE PANIQUE
A Tokyo, les autorités ont déclaré que le niveau de radiation était dix fois plus élevé que la normale, ce qui ne constitue pas un risque pour la santé. Le vent a pris la direction de l'est et pousse les particules radioactives vers l'océan Pacifique, ont précisé les services météorologiques.
Les habitants de la capitale se sont rués dans les magasins pour acheter des vivres et des produits de première nécessité comme des bougies, des sacs de couchage.
A la Bourse de Tokyo, le Nikkei a dévissé pour la deuxième journée de suite, clôturant sur une perte de 10,55%.
Signe de l'inquiétude qui grandit aussi en Asie, la Chine a fait savoir qu'elle augmentait sa surveillance de la situation. La compagnie aérienne Air China a annulé ses vols vers Tokyo.
Plusieurs ambassades ont recommandé à leur personnel et à leurs ressortissants de quitter les zones touchées. Des grandes compagnies aériennes ont entrepris de réorienter, réduire ou supprimer leurs vols à destination du Japon.
Les touristes écourtent leurs vacances. Les multinationales demandent à leur personnel expatrié de quitter le pays ou de s'éloigner de Tokyo. A Paris, Radio France a annoncé rapatrier quasiment tous ses envoyés spéciaux au Japon.
Les navires de guerre américains venus prêter main forte aux opérations de secours ont été redéployés au large de la côte ouest au lieu de la côte est, en raison des risques liés aux radiations.
Pendant ce temps, les secours continuent de s'affairer dans les régions touchées par le séisme et le tsunami, dont le coût financier pourrait atteindre 180 milliards de dollars.
Environ 850.000 foyers dans le nord du pays restent privés d'électricité, alors que la région connaît une vague de froid qui fait chuter les températures sous le zéro la nuit. Au moins 1,5 million de foyers sont sans eau courante.
Des dizaines de milliers de personnes sont portées disparues. Des villages et des villes ont été rayées de la carte par le mur d'eau qui s'est abattu sur les régions côtières.
Les autorités s'en tiennent pour l'heure à une estimation d'au moins 10.000 morts. Depuis le début de la catastrophe, 450.000 habitants ont été évacués du fait du séisme et du tsunami, et 80.000 autres à cause du risque nucléaire. - Reuters