"Face à la souffrance ou à la violence, la pauvreté ou la faim, la corruption ou l'abus de pouvoir, un chrétien ne peut pas demeurer silencieux." En arrivant, mardi 17 mars, à Yaoundé (Cameroun), pour son premier voyage en Afrique, Benoît XVI a parlé d'or. D'emblée, le pape a observé justement que "l'Afrique souffre de manière disproportionnée".
Dommage qu'il ait préalablement prononcé, dans l'avion qui le conduisait dans ce continent ravagé par le sida et mille autres fléaux, d'autres mots qui ruinent cette parole. Pour la première fois depuis le début de son pontificat, il y a quatre ans, Benoît XVI a explicitement parlé du sida. "On ne peut pas résoudre le problème du sida avec la distribution de préservatifs, a déclaré aux journalistes l'évêque de Rome. Au contraire, cela augmente le problème. " Nul n'a jamais prétendu que le préservatif était "la" solution pour lutter contre le sida. Mais affirmer qu'il aggrave la pandémie est gravissime et irresponsable. Son prédécesseur Jean-Paul II n'avait jamais été aussi loin. Il faut rappeler ici quelques chiffres. Selon le rapport annuel de l'ONU sur le sida, 33 millions de personnes dans le monde vivaient en 2007 avec le VIH, dont 22 millions (contre 20,4 millions en 2001) pour la seule Afrique subsaharienne. Sur ces 22 millions, on compte 12 millions de femmes de plus de 15 ans et 1 800 000 enfants. Sur les 2 millions de personnes qui sont mortes du sida en 2007, les trois quarts habitaient l'Afrique subsaharienne. Depuis l'apparition de la maladie, le Vatican s'en est toujours tenu à un unique credo, celui de l'abstinence. En prônant une "humanisation de la sexualité", Benoît XVI en a appelé à une plus grande responsabilisation, voyant sans doute dans le préservatif un moyen d'y échapper. Cette parole est une fuite devant la réalité, alors que l'écrasante majorité des organisations humanitaires, y compris catholiques, qui luttent contre le sida font du préservatif un des instruments privilégiés de la prévention. Les propos du pape sapent leur travail. Loin de faire évoluer la position de l'Eglise, le pape la rigidifie. Cet épisode illustre un esprit de fermeture qu'un légitime attachement aux dogmes et à la parole de l'Eglise ne justifie pas. Il intervient après la levée de l'excommunication des évêques intégristes et la condamnation au Brésil - avec la caution du Vatican - de la mère d'une fillette qui a avorté après avoir été violée et dont la vie était en danger. Chez nombre de fidèles dans le monde entier, l'incompréhension grandit. – Le Monde