Dans son pays natal, Karima El Mahroug alias Ruby fait la une des journaux comme étant "la Marocaine qui pourrait faire tomber Silvio Berlusconi" mais à Fkih Bensalah où elle a grandi avant d'émigrer en Italie avec sa famille, les gens ressentent de la "gêne".
Le président du Conseil italien sera jugé dans l'affaire "Rubygate" à partir de mercredi à Milan, accusé de recours à la prostitution de mineure et d'abus de pouvoir pour avoir fait libérer Karima El Mahroug qui avait été arrêtée pour vol. Un renvoi à une autre date n'est pas exclu.
La presse marocaine, notamment arabophone, traite de l'affaire régulièrement. "La fille de Fkih Bensalah va provoquer une crise politique majeure en Italie, un pays qui attire la plupart de nos habitants", titrait récemment le journal local Dossiers de Tadla.
Non loin des montagnes enneigées du Moyen-Atlas, à quelque 200 km au sud de Rabat, la ville de Fkih Bensalah (80.000 habitants) où il fait très chaud l'été et très froid l'hiver, se situe dans une plaine agricole fortement marquée par l'émigration vers l'Europe, notamment l'Italie.
Les journaux reviennent souvent sur une information du quotidien italien Il Fatto Quotidiano selon lequel deux mystérieux Italiens ont offert le 7 février une somme d'argent à une employée de la commune de Fkih Bensalah pour qu'elle transforme la date de naissance de Karima El Mahroug de 1992 en 1990.
Cette tentative de corruption visait à prouver qu'elle n'était pas mineure en février 2010, date à laquelle elle aurait eu des relations sexuelles tarifées avec Silvio Berlusconi. La prostitution est un délit en Italie lorsqu'elle implique des mineurs.
Le quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum du 22 mars qualifiait en Une M. Berlusconi de "Don Juan qui n'est pas parvenu à falsifier l'extrait d'acte de naissance de la Marocaine de Fkih Bensalah".
Selon cet extrait, Ruby est née le 1er novembre 1992 à Fkih Bensalah, dans le quartier populaire Kouassem où elle a grandi jusqu'à l'âge de 11 ans avant de partir en Italie avec sa famille.
"Elle est venue il y a deux ans mais elle n'est pas restée longtemps à Fkih Bensalah, une semaine peut-être ou 10 jours. Elle les a passés chez son grand-père" qui y vit toujours, se souvient une jeune habitante du quartier ayant requis l'anonymat.
"Je l'ai reconnue lorsque j'ai vu sa photo dans un journal. Je me souviens qu'elle sortait très peu et ne parlait avec personne. Elle devait avoir 15 ou 16 ans mais faisait déjà jeune femme et attirait beaucoup les regards", ajoute-t-elle.
Mais à Fkih Bensalah, les gens "préfèrent ne pas parler de cette affaire car pour eux, il s'agit d'une fille du pays impliquée dans une affaire de prostitution", souligne Ahmed Karkori, un acteur associatif.
Sur le boulevard Hassan II qui traverse le quartier Kouassem, les cafés flambant neufs construits pour la plupart par des émigrés partis en Italie "poussent comme des champignons mais l'activité économique a du mal à décoller", ajoute-t-il.
"On peut dire que la majorité des Marocains vivant en Italie sont originaires de cette région", affirme Khalil Jemmah, de l'Association des familles et victimes de l'immigration clandestine. Selon les ONG locales, plus de 100.000 Marocains vivent dans la clandestinité en Italie. Selon des statistiques officielles, près de 400.000 Marocains y vivent légalement.
"Au début des années 90, l'émigration des gens de Fkih Bensalah vers l'Italie est devenue très massive. Ce pays, avec l'Espagne, étaient les seuls encore à ne pas imposer de visa aux Marocains", explique Abdelkader Heddioui, de l'Association marocaine des droits humains.
"La plupart des habitants de Fkih Bensalah ressentent une certaine gêne à parler de l'affaire (Ruby) parce qu'ils font partie d'une région agricole et conservatrice". Les discussions portent davantage "sur ce qui se passe en Libye et dans le monde arabe", conclut-il. - AFP