Une fois de plus, la France s’implique sur le terrain en Côte d’Ivoire. L’ancienne puissance coloniale, qui n’arrive pas à se dépêtrer du bourbier ivoirien, brandit pour justifier son intervention le mandat de l’ONU et la protection des civils français et étrangers ainsi que les droits de l’homme en général. Au risque de brouiller un peu plus son image sur le continent africain.
En participant aux bombardements de lieux stratégiques à Abidjan, à partir du 4 avril, lors d’une opération visant, au bout du compte, à obtenir le départ le président sortant Laurent Gbagbo, jamais la France n’aura été aussi loin dans son implication dans la crise ivoirienne.
Après l’émergence le 19 septembre 2002 d’une rébellion armée contre le président ivoirien, qui prendra plus tard le nom de Forces nouvelles, quelque 10 000 casques bleus de l’Onuci, la force des Nations unies en Côte d’Ivoire, et des soldats français de l’opération Licorne avaient été placés en interposition entre les belligérants.
Dans une nouvelle initiative, la France avait abrité, à Linas-Marcoussis puis à Kléber, début 2003, une table ronde avec les forces politiques ivoiriennes. Elle avait obtenu la signature d’un accord prévoyant la création d’un gouvernement de réconciliation nationale dirigé par un Premier ministre nommé par le président de la République après consultation des autres partis politiques, l’établissement d’un calendrier pour des élections nationales crédibles et transparentes, la restructuration des forces de défense et de sécurité, l’organisation du regroupement et du désarmement de tous les groupes armés, le règlement des questions relatives à l’éligibilité à la présidence du pays et à la condition des étrangers vivant en Côte d’Ivoire. Un comité de suivi de l’application de l’Accord, présidé par l’ONU, a été institué.
Rupture
Quant aux tensions entre la France et la Côte d'Ivoire, elles ont atteint leur paroxysme en novembre 2004. Alors que les forces loyales au président Gbagbo tentaient de reprendre le contrôle du nord rebelle, le bombardement d’un camp français tuant neuf soldats, puis la neutralisation de l’aviation ivoirienne, avait mis un coup d’arrêt à cette offensive. Des affrontements meurtriers avaient, ensuite, eu lieu entre l'armée française et des manifestants ivoiriens et plus de 8 000 Français craignant les exactions et les pillages avaient fui le pays. Les images de soldats français ouvrant le feu sur une foule en plein centre d’Abidjan, la capitale économique ivoirienne, avait alimenté les sentiments anti-français en Côte d’Ivoire et dans le reste de l’Afrique.
La position de Paris était d’autant plus inconfortable que sa force militaire Licorne était déployée, en appui aux Nations unies, sur la ligne de démarcation entre les rebelles du nord qui avaient tenté de prendre les principales villes du pays dont Abidjan, et les forces loyalistes de Laurent Gbagbo. La France était critiquée des deux côtés, les rebelles lui reprochant d’avoir stoppé leur avance et les loyalistes de protéger les nordistes.
Les choses avaient fini par se normaliser et s’apaiser après une série d’accords, le dernier en date signé à Ouagadougou en 2007. Le chef rebelle Guillaume Soro était devenu le Premier ministre de Laurent Gbagbo, poste qu’il a gardé avec Alassane Ouattara.
Nouvelles tensions
Les relations franco-ivoiriennes se sont dégradées à nouveau à partir de l’élection présidentielle, reportée à plusieurs reprises. Après la proclamation de la victoire de Laurent Gbagbo par le Conseil constitutionnel, le 2 décembre 2010, en contradiction avec les résultats annoncés par l’Onuci donnant vainqueur son adversaire Alassane Ouattara, le président français Nicolas Sarkozy est monté première ligne, réclamant le départ immédiat de Laurent Gbagbo.
La France a ensuite favorisé l’implication de la Cédéao et a agi, avec le Nigeria, pour susciter un engagement plus fort de l’ONU. A l’initiative de Paris, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, le 30 mars 2011, à l’unanimité la résolution 1975 sur la situation en Côte d’Ivoire, qui exige clairement que la volonté du peuple ivoirien soit respectée et qui soumet Laurent Gbagbo et ses proches à des sanctions. Puis Paris s’est impliqué directement sur le terrain aux côtés de l’Onuci, à partir du 4 avril 2011, avec le risque de ternir la nouvelle image que veut donner le président Nicolas Sarkozy qui a affirmé ne plus vouloir jouer les gendarmes en Afrique. D’autant plus que Laurent Gbagbo qui se réclame du socialisme dispose de nombreuses amitiés en France.
Questions sur l’appui de la France aux forces pro-Ouattara
Dans son édition du 6 avril 2011, l’hebdomadaire français le Canard enchaîné affirme que l’implication de la France dans l’offensive anti-Gbagbo a été beaucoup plus loin que le pilonnage de points stratégiques de la capitale économique ivoirienne. D’après le « Canard », qui site des témoignages d’officiers supérieurs de l’armée et des services de renseignements, la France a appuyé la conquête du sud du pays par les forces pro-Ouattara, notamment dans « l’organisation », les « conseils tactiques », mais aussi « des munitions et des Famas (fusils d’assaut) ». Sur RFI, ce mercredi 6 avril, le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé, a réitéré la position de la France : « La force Licorne s’est abstenue d’intervenir, jusqu’à ce que l’ONU l’appelle à l’aide parce qu’elle était incapable de faire respecter une résolution du Conseil de sécurité, adoptée à l’unanimité, à savoir la neutralisation des armes lourdes dont Gbagbo se servait pour tirer sur la population. » - RFI