Le président ivoirien Alassane Ouattara auquel se sont ralliés les principaux chefs des forces de sécurité jusque là restées fidèles à son rival Laurent Gbagbo, s'est donné «un à deux mois» pour «pacifier» le pays, en proie aux pillages et aux violences.
Jeudi matin, à Abidjan, de nombreux éléments des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) du président Ouattara, patrouillaient, parfois accompagnés de gendarmes. La plupart des véhicules civils qui circulaient, avaient à leur bord des éléments des FRCI qui les ont réquisitionnés, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Certaines stations-services étaient assaillies par des militaires qui remplissaient de grands bidons, a rapporté un témoin.
Environ 500 soldats et gendarmes français de la force militaire Licorne patrouillaient également dans les quartiers nord et en zone 4, au sud, pour sécuriser la ville, a indiqué à Paris le porte-parole de l'état-major, le colonel Thierry Burkhard, selon lequel les pillages se poursuivent dans certains quartiers.
Le détachement d'une centaine de gendarmes mobiles intégrés à Licorne met en place des patrouilles communes avec les FRCI, annoncées mercredi par le ministre français de la Défense, Gérard Longuet.
Dans la capitale économique, la vie reprenait lentement ses droits après la fin des combats lundi entre forces pro-Ouattara et forces pro-Gbagbo dans la foulée de l'arrestation de l'ancien président ivoirien.
De nombreux taxis ont recommencé à circuler dans le sud de la ville. Des femmes les empruntaient pour aller au marché et revenaient chargées de provisions après des jours d'enfermement et de pénurie, a constaté l'AFP.
La plupart des quartiers ne portent pas de traces de combats qui ont été localisés dans certains points mais les signes de pillages étaient partout visibles.
Les stocks alimentaires du Programme alimentaire mondial à Abidjan, soit 3.000 tonnes de nourriture, ont notamment été entièrement dérobés ces derniers jours, conduisant à un arrêt des distributions de nourriture sur place.
La Côte d'Ivoire est encore un pays «dangereux» en dépit de l'arrestation de Laurent Gbagbo et les Ivoiriens «extrêmement traumatisés» ont besoin d'une vaste opération humanitaire, ont affirmé des responsables de l'ONU.
«Il y a toujours des combats et des pillages», a déclaré Alain Le Roy, responsable des opérations de maintien de la paix à l'ONU, en marge d'une réunion à New York du Conseil de sécurité sur la Côte d'Ivoire.
«Les gens des deux camps sont armés. Voici pourquoi il est important que nous puissions continuer les patrouilles (des forces de l'ONU, Onuci)», a poursuivi M. Le Roy. «Nous avons demandé à la police de M. Ouattara et aux gendarmes de patrouiller autant que possible».
La priorité de la force Licorne est désormais d'appuyer l'Onuci pour favoriser «le retour à la vie normale» à Abidjan, a dit de son côté le porte-parole de l'état-major français.
Dans une déclaration, le Conseil de sécurité a encouragé le président Ouattara à former un gouvernement «avec une large assise» et «exhorté tous les Ivoiriens à s'abstenir de toute mesure de représailles, de vengeance et de provocation, à exercer la plus grande retenue et à travailler ensemble pour promouvoir la réconciliation nationale et rétablir une paix durable».
Depuis l'arrestation de Laurent Gbagbo, le ralliement des principaux chefs des forces de sécurité au nouveau président s'est accéléré, les derniers en date, mercredi, étant le chef d'une unité d'élite, le général Georges Guiai Bi Poin, et le général commandant les forces aériennes.
Jusque là, ces haut-gradés étaient restés loyaux à M. Gbagbo, lors des quatre mois de crise née de la contestation des résultats de l'élection présidentielle, qui a failli faire basculer le pays dans la guerre civile.
Les violences post-électorales ont fait près de 900 morts selon l'ONU, dont la moitié à Abidjan.
Alassane Ouattara a annoncé mercredi qu'il allait «demander au procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d'engager des investigations» sur les massacres survenus dans l'Ouest du pays, attribués aux deux camps rivaux, par l'ONU et les ONG. «Ces massacres sont inadmissibles, indignes (...), je suis révolté», a affirmé le président avec émotion.
M. Ouattara qui devrait s'installer «dans les tous prochains jours» au palais présidentiel, après avoir été contraint pendant quatre mois de demeurer au Golf Hotel d'Abidjan, a promis la «pacification totale» du pays d'ici «un à deux mois».
Il a indiqué également que Laurent Gbagbo avait été transféré dans le nord du pays.
A Paris, une fille de l'ancien président a saisi des avocats français pour étudier la «légalité» de l'arrestation de ses parents. Ceux-ci ont interpellé le secrétaire général des Nations unies sur les bases juridiques de cette arrestation et sur le rôle de l'ONU et ont dénoncé des tortures et meurtres de partisans de l'ex-président ivoirien, dans un courrier transmis jeudi à l'AFP.
Ils ajoutent qu'en cas de mauvais traitements infligés au président déchu, la «responsabilité personnelle» du secrétaire général mais aussi celle de l'ONU et de la France «seront engagées». - AFP