Quelques heures à peine après la victoire électorale de Barack Obama, les autorités kényanes ont envoyé des ouvriers installer l'électricité dans le village de son défunt père.
L'élection, pour la première fois aux Etats-Unis, d'un président métis a suscité sur le continent africain une euphorie et des espoirs qu'Obama ne pourra de toute évidence pas combler aussi rapidement. Le président sénégalais Abdoulaye Wade a souligné que les Africains ne devaient pas attendre de l'élection d'Obama qu'elle draine des capitaux vers l'Afrique, notant que le président élu est avant tout américain et élu par les Américains. L'accession d'un "fils de l'Afrique" à la tête de la plus grande puissance mondiale a néanmoins fait naître de grands espoirs de changement. Mais compte tenu de la crise économique et des multiples priorités en matière de politique étrangère, à commencer par l'Irak, l'Alghanistan, la Russie et l’Iran, le premier défi que le gouvernement Obama devra relever en Afrique sera peut-être de gérer ces trop grandes espérances. Les réponses aux besoins du continent noir ne sont pas aisées. De la reprise des combats dans l'est du Congo à la crise au Darfour, en passant par l'interminable conflit en Somalie, le tableau est sombre. Parmi les priorités, il faudra accélérer l'intégration du continent à l'économie mondiale, assurer aux Etats-Unis un accès au pétrole et à d'autres ressources nationales face à une vive concurrence de la Chine et de l'Inde, et faire face à une multitude de crises humanitaires. DEMOCRATIE ET BONNE GOUVERNANCE J. Peter Pham, conseiller pour l'Afrique du candidat républicain John McCain, estime que les origines kényanes d'Obama l'aideront dans la gestion de sa politique en Afrique. Si le nouveau président gère habilement l'enthousiasme qu'il suscite, il pourra considérablement faire progresser les valeurs et les intérêts des Etats-Unis sur le continent et aider les Africains à réaliser leurs aspirations à la paix, à la stabilité et au développement, estime-t-il. Des millions d'Africains ont été remplis de joie et de fierté par la victoire d'Obama. Mais en privé, certains dirigeants africains ressentent peut-être une certaine nervosité après l'élection d'un homme qui a insisté sur la nécessité de renforcer les liens avec les gouvernements et les groupes attachés à la démocratie et à la bonne gouvernance. Le militant kényan des droits de l'homme Maina Kiai a souligné qu'Obama avait fait preuve de détermination lorsque, en visite en Afrique du Sud en 2006 en tant qu'unique sénateur noir américain, il a reproché au président Thabo Mbeki d'avoir tardé à combattre le sida et l'a exhorté à adopter une attitude plus ferme envers le président zimbabwéen Robert Mugabe. Obama s'était ensuite rendu au Kenya, où il avait rencontré des groupes attachés à la défense de la démocratie et avait prononcé à l'université de Nairobi un discours sur les droits de l'homme. "On a aussitôt entendu des responsables gouvernementaux attaquer Obama et dire qu'il ne comprend pas le Kenya", rappelle Kiai. "Sur le Darfour, il a été très ferme. Sur le Zimbabwe, il a été très clair sur les besoins de changement et la nécessité pour Mugabe de cesser de tuer et d'attaquer ses concitoyens (...) Il a toujours été du côté des opprimés, du côté du peuple, du côté du droit, nous espérons donc que cela continuera." EXEMPLE DE DEMOCRATIE Le Nairobi Star partage ce point de vue, estimant qu'il ne faut pas attendre du laxisme de la part d'Obama. "En fait, il sera probablement plus ferme que Bush ou Clinton, si l'on en juge par son discours sur la corruption, à Nairobi en 2006", écrit-il. Obama porte un intérêt certain à l'Afrique, mais la question est de savoir s'il aura les moyens financiers d'y agir. Un autre aspect de l'un des scrutins les plus suivis de l'histoire est la dignité dont John McCain a fait preuve dans la défaite. Ce trait a été particulièrement remarqué au Kenya, pays déchiré au début de l'année par des violences tribales post-électorales tandis que de nombreux autres scrutins africains étaient marqués par des effusions de sang. "Il est particulièrement instructif pour nous dans ce pays (de voir) que John McCain a concédé la défaite de bonne grâce (...) ainsi que devrait le faire tout dirigeant digne de ce nom", a souligné le Parti de l'Union nationale du Kenya, qui a formé un gouvernement d'union avec l'opposition pour mettre fin aux troubles. Le journal kényan Daily Nation se demande pourquoi, alors que l'effusion de sang qui a eu lieu au Kenya est impensable aux Etats-Unis en dépit d'une campagne électorale longue et acharnée, ce type de violences est si courant en Afrique. "La réponse pourrait être tout simplement que nous sommes incapables de la moindre tolérance envers le point de vue de l'autre. La véritable démocratie requiert de la tolérance et la capacité de céder de bonne grâce lorsque nous perdons un combat politique", écrit le journal.