Le président ivoirien déchu, Laurent Gbagbo, a été entendu samedi pour la première fois par la justice, en l'absence de ses avocats français, refoulés la veille à l'aéroport d'Abidjan, faute de visas en règle et qui dénoncent une "manipulation" des autorités.
Cette audition est survenue au lendemain de la prestation de serment d'Alassane Ouattara comme président de la République à Abidjan, au cours de laquelle il a promis "réconciliation et justice".
"Laurent Gbagbo a été auditionné en présence de son médecin personnel", a déclaré à l'AFP le procureur de la République d'Abidjan, Simplice Kouadio Koffi, en sortant de la villa isolée de Korhogo, dans le nord de la Côte d'Ivoire, où M. Gbagbo est assigné à résidence.
M. Koffi est resté un peu plus d'une heure dans la résidence présidentielle de Korhogo, protégée par des éléments des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) et des casques bleus de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci), ont constaté des journalistes de l'AFP.
L'ancien chef d'Etat n'a pas pu être assisté par ses avocats français, Mes Jacques Vergès et Marcel Ceccaldi, qui ont été refoulés vendredi à leur arrivée à l'aéroport d'Abidjan. Leurs visas n'étaient pas en règle et tous deux étaient encore en France samedi.
"C'est donc pour cela qu'ils ont voulu nous empêcher de venir. La manipulation est évidente", a réagi Marcel Ceccaldi, qui veut saisir la Commission des droits de l'homme des Nations unies.
"D'un côté, on annonce la création d'une Commission vérité et réconciliation et de l'autre on engage des poursuites contre le président. Cela va accentuer les lignes de cassure à l'intérieur du pays", a-t-il jugé.
Mes Vergès et Ceccaldi comptent se rendre lundi à l'ambassade de Côte d'Ivoire à Paris pour demander un visa.
Pour les défenseurs de l'ancien président, la loi ivoirienne prévoit que l'audition ne peut avoir lieu si M. Gbagbo exige la présence de ses avocats.
Vendredi soir, le procureur de la République Simplice Kouadio Koffi avait toutefois indiqué à l'AFP que "la présence des avocats, si elle est souhaitable, n'est pas obligatoire".
Laurent Gbagbo était entendu dans le cadre d'une enquête préliminaire portant sur la crise née de la contestation du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010, au cours de laquelle 3.000 personnes ont trouvé la mort, selon les autorités.
Des accusations d'exactions, de concussion et d'appels à la haine pèsent contre M. Gbagbo, qui avait refusé de reconnaître la victoire de son rival Alassane Ouattara et a été arrêté à l'issue de quinze jours de combats le 11 avril dans la résidence présidentielle à Abidjan.
"Nous avons exclu ce qui relève de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI), comme les crimes contre l'humanité", avait précisé le ministre ivoirien de la Justice, Jeannot Kouadio Ahoussou.
Le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a indiqué mardi que ses services préparaient une demande au tribunal pour ouvrir une enquête concernant des massacres commis en Côte d'Ivoire.
Le procureur de la République a précisé qu'il allait poursuivre ses auditions en entendant l'ex-Première dame.
"Je me rendrai demain à Odienné (nord-ouest) pour l'audition de Simone Gbagbo", l'épouse de l'ancien chef d'Etat, a-t-il dit.
Outre l'ancien président et son épouse, quelques 200 personnalités de l'ancien régime, assignées à résidence à travers le pays, doivent aussi être entendues, d'ici la fin du mois de juin, selon le ministère de la Justice.
Par ailleurs, trois experts internationaux indépendants mandatés par l'ONU sont arrivés mercredi en Côte d'Ivoire, afin d'enquêter sur les violations graves des droits de l'homme commises depuis la présidentielle. - AFP